Répartition des tâches et des compétences entre le canton et les communes : Vive la Commune !

Genève est de tous les cantons suisses celui qui accorde le moins de compétences aux communes qui le composent, si l’on fait exception du cas particulier de Bâle-Ville. Cette situation est certes le fait d’un héritage historique (l’ancienne République ne connaissait pas de commune, il n’y a de communes genevoises que par le fait du régime français, et pendant trente ans, après la Restauration de l’Ancien Régime, la vieille aristocratie revenue au pouvoir dans les fourgons de la Saint-Alliance avait trouvé le moyen de supprimer la commune de Genève, qui ne fut rétablie que par la révolution radicale), mais elle est aussi le fait d’un choix politique des majorités de droite qui, à de rares et brèves périodes près, ont gouverné le canton depuis un siècle et demi. Nous avons donc proposé au Parti socialiste (cantonal) l’introduction dans son programme d’un chapitre concernant la répartition des tâches entre le canton et les communes et le développement de l’autonomie communale... Sans surprise, le Comité directeur a invité l'Assemblée générale du parti qui se tiendra samedi pour adopter le programme, à refuser cet amendement. Dire qu'on a été surpris de ce refus serait se faire passer pour plus naïfs qu'on est... Et croire qu'on va renoncer à défendre notre amendement sous le futile prétexte que le Comité directeur le refuse, nous prendre pour moins obstinés que nous sommes.

Remettre la subsidiarité sur ses pieds

Les villes genevoises sont des nains politiques. Elles ne peuvent, sans l'autorisation du canton, placer un "gendarme couché" sur une rue pour y ralentir le trafic; elles ne délivrent pas d'autorisations de construire, seulement des préavis sur lesquels le Conseil d'Etat peut s'asseoir. En revanche, elles doivent assurer l'infrastructure (les canalisations, l'électricité, les routes), payer les écoles primaires (mais c'est le canton qui décide d'ouvrir ou de fermer des classes), et avec la Ville de Genève assumer l'hébergement des sans-abri et l'essentiel de la politique culturelle genevoise. Et leur gestion financière est sous la dépendance du canton : elles n'ont même pas accès au registre fiscal, c'est-à-dire à la taxation de leurs contribuables, et à leur identité...
Il en découle un déficit démocratique considérable, dans un canton où les communes sont le seul espace politique où la majorité de la population peut disposer du droit de vote et d’élection, puisqu’elle est le seul dans lequel la population étrangère résidente en dispose. Or cet espace politique n’est considéré par le canton que comme une courroie de transmission et d’exécution de ses propres décisions, en leur faisant de plus en plus souvent assumer les charges financières de ce statut supplétif.
Si les plus petites communes peuvent se satisfaire de cette situation (quoique toutes ne s’en satisfont pas), elle est particulièrement absurde s’agissant des villes, qui concentrent tout de même plus des trois quarts de la population du canton, et qui ont à assumer, parce qu’elles en concentrent les réalités, les enjeux sociaux, culturels, sportifs, sécuritaires environnementaux, urbanistiques, sans que la structure institutionnelle leur en donne les moyens et les compétences légales.Enfin, alors qu’il s’agit de donner à la « Grande Genève » une forme institutionnelle démocratique, et que cette « Grande Genève » ne peut avoir de réalité concrète, vécue par son million d’habitantes et d’habitants, que si elle se construit à partir de la plus d’une centaine de communes qui la forment, l’extraordinaire inégalité de compétences et de moyens dont disposent les communes genevoises en comparaison des communes vaudoises et françaises, est plus qu’un frein : un blocage.

Nous avons donc proposé au Parti socialiste cantonal de s'engager pour :
- Le rétablissement du droit d’initiative cantonale des communes.
- La réduction de l’exigence d’approbation par le canton des décisions municipales.
- Le respect par le canton du prononcement populaire, lors de votations municipales, sur des préavis communaux, notamment sur des plans localisés de quartier. Concrètement, la non-prise en compte d’un préavis communal devrait a minima s’appuyer sur une décision du Grand Conseil, soumise au référendum cantonal facultatif.
- L’accroissement des compétences et des moyens mis à disposition des communes en matière de mobilité, d’aménagement, d’octroi de prestations sociales à leurs habitants.

La répartition des tâches entre le canton et les communes, dans le canton le plus centralisé de Suisse est un des enjeux les plus importants de la législature. Notre proposition inverse la logique actuelle de la « subsidiarité à la genevoise », qui part du haut et ne confie aux communes que les compétences que le canton condescend à lui confier, pour la faire partir de la commune, en lui confiant a priori toute compétence publique qu’elle est capable d’assumer seule ou en commun avec d’autres. En somme, nous proposons de remettre la subsidiarité sur ses pieds... comme un vieux camarade allemand le disait de la philosophie hégelienne...

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