NON à Frontex, pas à Schengen... quoique...

C'est devenu l'argument principal, obsessionnel, des partisans de l'augmentation de la participation suisse à Frontex, l’Agence de garde-frontières et de garde-côtes de l’Union européenne : si dimanche prochain vous refusez cette augmentation, la Suisse sera exclue de l'"espace Schengen" (l'espace de "libre circulation" entre pays européens -et de fermeture de l'Europe à la plupart des immigrants), au nom d'une "clause guillotine" qui ferait de cette exclusion une mécanique, un automatisme. Or tel n'est pas le cas : si, comme la gauche vous y invite, le "non" est majoritaire dimanche (malgré les sondages), les parties à l'espace Schengen auront 90 jours pour répondre à ce refus, et c'est seulement si aucune réponse satisfaisante pour tout le monde n'est donnée que la Suisse sortirait des accords européens de "libre circulation" des Européens. Avec toutefois la possibilité d'y revenir ensuite. Si le "non" passe, la Suisse aura donc trois mois pour trouver une solution acceptable par ses partenaires. Et puis, même si on devait "sortir de Schengen", devrait-on prendre le deuil d'un "espace de libre circulation" entre les murs d'une forteresse ? Ne devrait-on pas plutôt s'atteler à les faire tomber, ces murs, comme on a abattu il y a 150 ans ceux entre lesquels Genève étouffait ? Il vous reste jusqu'à ce soir pour envoyer votre bulletin de vote par la poste. Sinon, les locaux de vote sont ouverts dimanche de dix heures à midi. Pour voter NON au renforcement du soutien suisse à Frontex.

Pouvoir rester dans la file "Schengen" dans les aéroports n'est pas de nos objectifs prioritaires

Le 29 avril, le directeur de Frontex, Fabrice Leggeri, était contraint à la démission après des enquêtes (dont celle de l'organe de lutte anti-fraude de l'UE)  révélant, outre une "gouvernance" chaotique de l'agence (au Conseil d'administration de laquelle la Suisse est représentée par le vice-directeur de ses douanes, Marco Benz), la falsification pure et simple de preuves de refoulements illégaux (camouflés en "préventions au départ) de migrants vers des pays comme la Turquie, voire la Libye, où ils sont victimes de traite, de tortures, de travail forcé, de viols et d'emprisonnements arbitraires.

Les dérives de Frontex n'inquiètent pas seulement les opposants suisses à un financement accru de l'agence : le parlement européen a carrément gelé 12% de son budget en attendant que toute la lumière soit faite sur ses pratiques. Ici, en Suisse, dimanche, il s'agira de savoir si un soutien à Frontex, telle qu’elle fonctionne aujourd’hui, est compatible avec une politique d’asile digne de l'idée que la Suisse se fait d'elle-même,  et avec un accueil respectueux des personnes fuyant la persécution, la guerre, la misère, la famine. Il nous paraît évident qu'au lieu de protéger les demandeurs d’asile à leur arrivée, Frontex participe ou offre une couverture à des renvois illégaux et à des atteintes aux droits humains.

Voter NON à l’augmentation de la participation suisse à Frontex ce n’est pas s’exclure de l'"Espace Schengen", ni de l'"Espace Dublin", c'est donner au Parlement suisse l'occasion de reprendre la main sur ce dossier, et de proposer, dans le délai offert précisément par les règles européennes, un cadre de la politique d'asile qui respecte les droits de celles et ceux qui le sollicitent. Or les critiques portées par les référendaires suisses Frontex sont largement partagées par les parlementaires européens, tous bords confondus, et l’Union européenne n’a aucun intérêt à voir la Suisse, au cœur du continent, sortir d'un "espace" qui est plus un outil sécuritaire qu'un espace de libre-circulation. Quand à savoir si la Suisse a intérêt à y rester, dans cet espace de libre-circulation intra-muros, chacun et chacune en jugera selon les priorités qui guident ses choix politiques.

Pouvoir rester dans la file "Schengen" dans les aéroports n'est pas de nos objectifs prioritaires. Accueillir celles et ceux qui fuient ce qui les tue, en est une.


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