Voter la "loi Netflix" dimanche prochain : Une question de pluralisme
Il vous reste quelques jours (jusqu'à jeudi) pour voter par correspondance en faveur des propositions qui vous conviennent (par exemple la "loi Netflix" ou celle sur le dos d'organes, ou à Genève la réforme du Cycle d'Orientation) ou contre celle qui vous disconvient (l'accroissement du financement suisse de Frontex). La "loi Netflix" vise à faire contribuer les plate-forme de streaming et les télé étrangères diffusant de la pub à destination des consommateurs suisses, au financement du cinéma suisse. Les derniers sondages ne lui donnent qu'une avance trop ténue (autour de 52 % de "oui") pour que l'hypothèse d'un refus populaire soit invraisemblable : son acceptation pourrait être due à un vote positif massivement majoritaire des Romands (62 % de "oui") et majoritaire des italophones (54 % de "oui"), contre un vote majoritairement négatif (51 %) des Alémaniques, plus opposés à ce qu'ils considèrent comme un "impôt culturel" qui aurait, selon eux, pour conséquence de renchérir leurs abonnements aux plate-forme de streaming, ce que l'expérience faite dans les pays pratiquant déjà ce qui est proposé en Suisse ne confirme absolument pas. Mais confirme, en revanche, que l'offre de cinéma sur ces mêmes plate-forme a été élargie à des films qui n'y étaient pas proposés. Une question de pluralisme culturel, en somme.
« Le cinéma est un art ; et par ailleurs, c’est aussi une industrie ». Et "par ailleurs" aussi un marché.
La Constitution fédérale autorise déjà la
        Confédération à apporter une aide à la création
        cinématographique en Suisse. Cette aide est indispensable à la
        survie même de cette création, dans un marché trop petit pour
        que le cinéma suisse puisse compter sur ses propres forces. La
        Confédération aide donc le cinéma, la SSR et les autres chaînes
        de télévision aussi (à raison de 4 % de leur chiffre
        d'affaire)... mais pas les plate-forme de streaming, où le
        cinéma suisse est fort peu proposé aux abonnés. La proposition
        soumise au peuple consiste à leur imposer cette même
        contribution de 4 % (sous forme d' investissements (achat de
        productions déjà réalisées ou co-productions avec des
        producteurs suisses) e/o  de taxe de remplacement) , les mettant
        sur pied d'égalité avec les télévisions (les télévisions
        étrangères farcissant leurs programmes de "fenêtres
        publicitaires" spécifiques à la Suisse y seraient également
        désormais soumises). Pour le vice-président du PS, Samuel
        Bendahan, demander à Netflix de réinvestir 4 % de son chiffre
        d'affaire dans la création cinématographique suisse, comme les
        chaînes de télé suisses doivent déjà le faire, "c'est comme
        demander à un boulanger d'acheter 4 % de ses matières premières
        en Suisse" : la moindre des choses
      
La loi proposée ne contient aucune disposition
        exceptionnelle en comparaison avec les pays voisins : à
        l'exception de l'Autriche (et du Liechtenstein...), tous nos
        voisins ont assujetti les services de streaming à une taxe, une
        obligation d'investir dans le cinéma européen ou, comme il est
        proposé aux Suisses, à un mix des deux. Une directive européenne de 2018 impose aux
          plate-formes de proposer au moins 30 % de productions
          européennes (la loi proposée aux Suisses se calque sur cette
            directive). En France, cette obligation
        ascende à 26 % de leur chiffre d'affaire (20 % pour les
        productions françaises). En Italie, c'est 12,5 % dans les
        productions européennes. En Allemagne, c'est 2,5 % à investir
        dans la production nationale. Tous les pays voisins de la Suisse
        ayant une production cinématographique importante imposent donc
        aux plate-forme de streaming une obligation de réinvestissement
        dans le secteur national et/ou européen du cinéma. Or ce sont
        précisément avec ces pays que les producteurs suisses passent
        des accords de coproductions. 
      
La loi proposée aux Suisses prévoit aussi de contraindre les fournisseurs de
          streaming à proposer à leurs clients 30 % de films européens,
          les télévisions suisses et européennes étant déjà tenues à un
          quota de 50 %... Elle prévoit enfin de faire contribuer à la
          production cinématographique suisse les chaînes étrangères
          (une vingtaine) qui diffusent des spots publicitaires à
          destination de leurs téléspectateurs suisses. Ces "fenêtres
          publicitaires" des chaînes étrangères ont diffusé en 2021 plus
          de 80 % de la publicité télévisée destinée aux consommateurs
          suisses, et en reçoivent 312 millions de recettes nettes, soit
          près de 60 % du volume financier (la minute de pub télé
          coûtant moins cher sur une chaîne étrangère que sur une chaîne
          suisse). 
        
« Le cinéma est un art ; et
                    par ailleurs, c’est aussi une industrie » observait, sagace comme
                    souvent, André Malraux. Et on ajoutera que le cinéma
                    est aussi "par ailleurs" un marché. Et que le marché
                    suisse est trop petit pour assurer la pérennité du
                    cinéma suisse sans soutien public.  
            Les plate-forme de streaming réalisent plus de
          300 millions de francs de chiffre d'affaire annuel en Suisse.
          L'obligation d'investir qui leur serait imposée si la
          proposition de "loi Netflix" était acceptée garantirait qu'une
          petite partie de ce chiffre d'affaire réalisé en Suisse soit
          investi en Suisse dans le cinéma suisse et européen. Parce
          qu'ils le méritent. Et qu'ils en ont besoin. 
    
      



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