Abolition de l'impôt anticipé sur les obligations : La victoire des minoritaires

Les mêmes fronts qui se sont constitués sur la contre réforme de l'AVS se sont aussi constitués sur l'abolition de l'impôt anticipé -mais avec un résultat inverse : là, la Romandie, les femmes et la gauche ont majorisé l'Alémanie, les hommes et la droite. Cette victoire à 52 % (à 58 % à Genève, à 64 % dans le jura) ne console pas de cette défaite à 49,5 %, mais elle encourage à continuer à mener les combats qui nous importent. Elle avertit le patronat de ne pas aller trop loin dans la distribution de cadeaux fiscaux dont la population ne profite pas. Un avertissement d'autant plus sérieux qu'il en suit d'autres, encore plus clairs. Le discours apologétique sur l'attractivité de la Suisse, menacée par l'impôt, passe mal, même auprès de la droite : si la gauche a massivement voté contre l'abolition de l'impôt anticipé (à 82 % chez les socialistes, à 77 % chez les Verts), la droite ne l'a soutenue qu'assez mollement : selon un sondage Tamedia de sortie des urnes, 47 % des Verts libéraux, 43 % des udécistes, 40 % des centristes et même 23 % des PLR ont refusé de suivre le mot d'ordre de leurs partis. Comme on le rappelait à propos du résultat de la votation sur AVS21 : la gauche est minoritaire dans ce pays -elle ne gagne que quand elle attire à elle une partie de la droite. ça ne signifie pas qu'il faille mener une politique centriste -seulement qu'il faille être clairs dans no discours, cohérents dans nos actions.

"Cent fois sur le métier fiscal remet l'ouvrage politique"...

La Suisse continuera donc à f aire payer aux investisseurs acquérant des obligations un impôt anticipé sur les intérêts qu'ils en tirent -et à le leur rembourser s'ils les déclarent. L'impôt anticipé encaissé en 2021 représentait un milliard et demi. Le coût de sa suppression, tel qu'évalué par le Conseil fédéral lui-même aurait été d'un milliard de francs la première année, puis de centaines de millions (on ne sait même pas combien, cela dépend ait des taux d'intérêts) pendant encore des années. Des ressources qui, forcément, auraient manqué pour financer les réponses à la crise énergétique, à la crise environnementale et à la crise sociale. Enfin, supprimer cet impôt, ç'eût été encourager la fraude -comme si elle en avait besoin, comme si l'évasion fiscale sous forme de billets dans une valise à travers la frontière en était encore la forme habituelle...

Quant à la santé du secteur financier, qui aurait, selon les partisans de cette suppression, mise à mal si on le refusait, on rappellera que ce secteur contrôle 8800 milliards de dollars d'actifs sous gestion en Suisse, que la Suisse pèse à elle seule un quart de ce marché, qu'elle domine le secteur mondial de gestion des fortunes étrangères, et qu'il se porte fort bien, merci pour lui. Et que le risque pour le tissu économique suisse n'est pas l'affaiblissement de la place financière, mais sa trop grande importance. La suppression de l'impôt anticipé n'aurait d'ailleurs profité qu'à un tout petit nombre d'entreprise, quelques  multinationales, et quelques oligarques. D'ailleurs, une dizaine de pays dans le monde prélèvent cet impôt. D'entre eux, le Royaume-Uni, que personne ne prend pour un bastion de l'ultragauche anticapitaliste.

Une bonne chose a été faite avec le refus d'abolir cet impôt, mais on n'en a pas fini avec les votations fiscales : dans quelques mois, l'année prochaine, on votera sur l'imposition à 15 % des bénéfices des entreprises (surtout des multinationales) générant un bénéfice de 750 millions de francs par an, imposée par l'OCDE. A  moins que les majorités politiques du parlement et du Conseil fédéral n'agrègent à cet impôt des cadeaux fiscaux compensatoires aux entreprises qui devraient le payer, il faudra le soutenir. Il faudra aussi soutenir (et ce ne sera pas un combat gauche-droite) le passage à une imposition individuelle des contribuables mariés. Et puis, il y aura aussi, sans doute, des projets à combattre : une taxe au tonnage favorisant la marine marchande, la suppression de la valeur locative avantageant les propriétaires fonciers et coûtant 4 milliards de francs aux caisses publiques.

Comme le dit un vieux proverbe des îles Caïman (ou de l'île de Man, on ne sait plus), "cent fois sur le métier fiscal remet l'ouvrage politique"... 

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