Contre-réforme du système de retraite : Nächster Schritt: 70 Jahre für alle

Deux traditions ont pris du plomb dans l'aile gauche, hier : jusqu'à ce dimanche, toutes les réformes proposées de l'AVS, même celles repoussant l'âge de la retraite, prévoyaient une augmentation des rentes -pas AVS 21. Et jusqu'à ce dimanche, toutes les réformes de l'AVS combattues par la gauche avaient fini par être refusées par le peuple -pas AVS 21. Il ne nous aura pas manqué grand'chose pour gagner : AVS21 n'a été acceptée qu'à moins de 35'000 suffrages près, en étant refusée en Romandie et au Tessin et, sans doute, vu l'écart réduit entre les "oui" et les "non", par les premières concernées. Röstigraben, vous avez dit Röstigraben ? Mais les hommes alémaniques (sauf les Bâlois et les Schaffhousois) ayant réussi à contraindre les femmes (romandes, alémaniques, tessinoises) à travailler un an de plus pour des salaires toujours inférieurs à ceux des hommes (tessinois, alémaniques, romands), il n'en faudrait pas déduire que le débat est clos, le combat terminé, et l'AVS définitivement reconfigurée... Pour la droite, la prochaine étape,
en suisse-allemand dans le texte, c'est celle de la retraite à 70 ans. Et pour la gauche ?

Alors, les femmes, sie können besser sehen, wer in diesem Land das Sagen hat ?

A 35'000 voix près, le vote suisse a penché vers l'acceptation du report du droit des femmes à une retraite pleine et entière. 35'000 voix, c'est peu. Un rien. Le résultat d'une prise de position, ou d'une absence de prise de position. D'une faiblesse ou d'une force de campagne dans un seul grand canton. D'un Conseiller fédéral socialiste défendant un projet que son parti combat. 35'000 voix, c'est à peine plus que l'écart final dans le seul canton de Saint-Gall, ou le seul canton d'Argovie. C'est quatre fois moins que l'écart final entre les partisans et les opposants à l'abolition de l'impôt anticipé sur les obligations (ce vote là, on l'a gagné...). Et c'est beaucoup moins que l'écart électoral entre la gauche et la droite dans ce pays : aurait-on oublié que la gauche, en Suisse, est minoritaire, et qu'elle n'arrive à être majoritaire qu'en faisant basculer vers elle une partie de l'électorat de la droite ? Et aurait-on aussi oublié qu'on ne gagne un vote référendaire que si on se mobilise pour le gagner ? En Romandie, la gauche en général, le PS en particulier, s'est mobilisée contre AVS 21, et la Romandie a refusé AVS 21, en Alémanie, elle s'est souvent contentée de donner un mot d'ordre sans combattre avec beaucoup d'acharnement pour le faire passer...

La réforme des retraites aurait pu nous sembler être entre de bonnes mains, puisque socialistes...le ministre de tutelle du dossier, c'est Alain Berset. Il l'avait négocié avec le président de l'Union Syndicale, Pierre-Yves Maillard, par ailleurs Conseiller national Et le directeur de l'Office fédéral des assurances sociales, Stéphane Rossini, les conseillera tous deux. Trois socialistes romands, tous trois candidats au Conseil fédéral en 2011. Que demande le peuple de gauche ? une réforme qui ne péjore pas les retraites et ne repousse pas l'âge auquel on y a droit. Avec un dossier en mains de trois socialistes romands, on aurait pu rester sereins... à condition d'oublier que la majorité de chacune des deux chambres du parlement est à droite, et que celle du gouvernement y est aussi. Alain Berset a défendu un projet que Pierre-Yves Maillard combattait : c'est ce qu'on appelle une répartition des rôles. Ou une division du travail entre celui de ministre qui défend la position du gouvernement auquel il appartient et celui de syndicaliste qui défend la position du syndicat qu'il préside. Ou une séparation du public entre l'Alémanie qui a entendu Berset et la Romandie qui a entendu Maillard, les femmes qui ont suivi Maillard et les hommes qui ont précédé Berset.

Prenons acte du résultat de ce dimanche : Les femmes devront travailler plus longtemps, cotiser d’avantage, et perdront une année de rente AVS, soit 26'000 francs. Celles qui ont des emplois pénibles et des salaires modestes devront travailler jusqu’à l’âge légal. Les chômeuses de plus de 60 ans auront encore et toujours de la peine à trouver un emploi. La TVA sera augmentée et elle mettra le pouvoir d’achat des couples aux revenus modestes sous pression. Et à suivre la droite politique et patronale, on s'achemine vers la retraite à 67 ans pour tous, sauf pour les cadres qui pourront se permettre de prendre une retraite anticipée. Il y a toutefois des gagnants à cette contre-réforme : les employeurs et les assureurs. Les premiers ne financeront pas plus l'AVS qu'aujourd'hui, et le deuxième (et moins encore le troisième) pilier du système de retraite n'est pas touché. Pour le reste, AVS 21 ne fait pas que reporter d'un an l'âge de la retraite des femmes : on y renonce aussi  à renforcer le financement du Premier pilier par une augmentation des cotisations, ce qui aurait été le mode le plus juste de le renforcer : les cotisations, en effet, sont proportionnelles aux salaires quand les rentes, elles, sont plafonnées -en d'autres termes, plus on gagne, plus on paie, mais sans pour autant recevoir des rentes dépassant la rente maximale. En lieu et place de ce financement solidaire, le Conseil fédéral et le parlement ont choisi le financement antisocial par l'impôt le plus injuste qui soit : la TVA, prélevée sur la consommation, c'est-à-dire sur une part du revenu beaucoup plus importante  pour les couches les plus modestes que pour les plus argentées (et même que pour l'hypothétique "classe moyenne"), celles qui peuvent épargner, thésauriser, investir, placer. L'AVS sera ainsi financée par celles (surtout) et ceux dont le revenu est totalement consommé, parce qu'il est trop bas pour dégager un surplus. Or la seule égalisation des salaires des femmes et de ceux des hommes aurait apporté à l'AVS au moins autant que ce que l'augmentation de la TVA est supposée lui apporter.

L'épisode AVS21 étant clos, il va nous falloir nous mobiliser pour éviter pire encore : la retraite à 67 ans, à 70 ans, l'âge de la retraite fixé en fonction de l'espérance de vie... Et puis, parce que les combats défensifs ne suffisent pas, il est bien temps de ressortir de nos cartons le résultat de nos réflexions sur la fusion des premiers et deuxième pilier du système de retraite dans un système inspiré du premier et permettant, enfin, de respecter le mandat constitutionnel, 65 ans après l'avoir donné : les rentes vieillesse doivent "maintenir le niveau de vie de manière appropriée". Maintenir le niveau de vie des gens, pas le niveau de profit des fonds d'investissements du 2e Pilier et des assurances privées gérant le 3e Pilier...
Et dans l'immédiat, on signe sur https://declaration.25-septembre.ch/signer la "déclaration du 25 septembre" : "nous sommes en colère, nous continuons le combat". Parce que nous aussi, nous sommes en colère, et que aussi nous voulons continuer le combat, commencé en 1918.

Par une grève générale.


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