Suppression de l'impôt anticipé sur les obligations : Un gros cadeau aux fraudeurs fiscaux
On saura demain non seulement si les Suisses auront réussi à obliger les Suissesses à travailler un an de plus pour avoir droit à une (petite) retraite entière, mais aussi si les Suisses et les Suissesses auront en même temps accepté de faire aux fraudeurs et évadés fiscaux le cadeau la suppression de l'"impôt anticipé" sur les obligations, pour les sociétés ayant leur siège en Suisse et les investisseurs domiciliés ou ayant leur siège à l'étranger. La gauche appelle à voter "non" à ce cadeau, la droite à y voter "oui". Et dans la "Tribune de Genève" de vendredi, elle s'explique, la droite : le comité genevois pour la suppression de cet impôt nous explique que ce n'est "pas vraiment un impôt" et le comité suisse (page 15) qu'il faut le supprimer parce que ça sera "un impôt en moins pour gagner plus". Bon, faudrait savoir : c'est un impôt ou pas ? C'est un impôt. Dont la suppression entraînera d'abord une perte d'un milliard de francs pour la Confédération et les cantons, puis une diminution de recettes allant pendant plusieurs années de 215 à 375 millions de francs par an selon les partisans du projet (la droite), jusqu'à 800 millions selon ses adversaires (la gauche). Soit autant que ce que devrait rapporter le report d'un an de l'âge de la retraite des femmes, soumis au vote populaire en même temps (et en même temps que l^'augmentation de la TVA) Le gros cadeau que la droite suisse veut faire aux fraudeurs fiscaux, ce sont les contribuables lambdas qui le paieront. Vous, donc, honnêtes lecteurs...
"Une forme de raffinement dans l'injustice sociale"
En février dernier, le peuple avait refusé, à
presque deux contre un et à l'appel de la gauche, la suppression
du droit de timbre d'émission. La gauche lui demande de
confirmer, dimanche, en refusant la suppression de l'impôt
anticipé sur les obligations, ce choix qui est aussi un choix de
politique économique : quel type d'économie la Suisse doit-elle
favoriser, en ces temps de crises multiples ? celle, volatile,
spéculative, opaque, du secteur financier, ou un tissu
économique qui réponde aux besoins de la population de ce pays
avant de répondre aux envies des investisseurs mondialisés ? Ce
choix de politique économique est aussi celui du choix ou de
l'abandon d'un moyen de lutter contre la fraude fiscale : ceux
qui veulent se le faire rembourser n'ont qu'à déclarer le revenu
qu'ils ont tiré des obligations suisses qu'ils ont achetées
-s'ils ne le déclarent pas, ils le paient cet impôt. Le
supprimer, c'est donc faire un cadeau aux fraudeurs. Un premier
cadeau, d'autres du même genre menaçant de suivre, toujours au
profit des mêmes : la suppression de l'impôt anticipé sur les
obligations ne profiterait qu'aux secteurs bancaires et
financiers et à quelques multinationales, soit 0,03 % de toutes
les entreprises de Suisse -les autres ne se finançant pas avec
des obligations.
Au passage, le projet soumis au vote supprime
également l'impôt anticipé sur les intérêts des comptes
bancaires des personnes morales et investisseurs étrangers. Ce
dispositif, mis en place pour amener les contribuables concernés
à déclarer leurs gains , fait-il, comme le geint la droite fuir les
investisseurs étrangers dans des obligations suisses ? A en
juger par l'exemple genevois, elles trouvent preneur sans grand
problème, ces obligations, sous ce système : le canton a 9,3
milliards de francs de dette obligataire, la Ville 600 millions,
les TPG 260 millions. Ce sont autant de prêts dont l'impôt
anticipé n'a pas dissuadé les prêteurs. La droite n'en entonne
pas moins son refrain habituel : baisser les impôts, et si
possible les abolir, fera rentrer de l'argent supplémentaire
dans les caisses publiques : 250 millions, affirme-t-elle, grâce
à la suppression de l'impôt anticipé en jeu le 25 septembre.
Mais 250 millions fort hypothétiques, et surtout, à terme. Après
en avoir perdu quatre fois plus d'un coup, et au moins autant
chaque année pendant on ne sait pas combien de temps.
Le président de l'Union Syndicale Suisse,
Pierre-Yves Maillard résume: "il y a une forme de raffinement
dans l'injustice sociale. On juge indispensable de faire
travailler les femmes de ce pays un an de plus pour redistribuer
(les recettes ainsi obtenues) en cadeaux fiscaux aux
investisseurs étrangers"... alors qu'on en a bien besoin pour
palier les effets des multiples crises que nous traversons.
Refuser la suppression de l'impôt anticipé sur les obligations,
c'est ainsi refuser une redistribution des ressources vers ceux
qui n'en ont pas besoin, au détriment de ceux qui en ont besoin
: dans le même dimanche de votation, ne nous prononcerons-nous
pas sur un cadeau aux gros fraudeurs fiscaux et sur une
augmentation de l'impôt le plus injuste, qui soit, la TVA, cette
gabelle que les pauvres paient plus que les riches ?
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