Grève des transports publics et de la fonction publique à Genève : Pour le respect de la parole donnée

Depuis trois heures et demi du matin mardi les Transports Publics Genevois (TPG) étaient en grève, avec un service minimum assuré par des volontaires. La grève avait été reconduite pour mercredi, en réponse à l’absence de propositions de la direction pour sortir du conflit. Le Conseil d'Etat s'en était mêlé, par la voix de Serge Dal Busco, qui "déplore l'attitude jusqu'au-boutiste de certains syndicats" (en fait, tous sauf les associations de cadres), et mettait en avant le fait que les collaboratrices et les collaborateurs des TPG ont déjà bénéficié en 2022 d'une revalorisation salariale composée des mécanismes salariaux, d'une prime et d'une indexation partielle»... en oubliant que l'inflation a frappé depuis... Et puis, finalement, la direction a cédé, le personnel a obtenu ce qu'il revendiquait (une indexation totale). Bref,  la grève a été efficace. La fonction publique cantonale a également débrayé mardi pour exiger une indexation pleine et entière des salaires au lieu d'une indexation à 50 % telle que la propose le Conseil d'Etat, et le maintien des annuités, que le Conseil d'Etat souhaite suspendre. En somme, la fonction publique réclame le maintien de mécanismes qui, comme les éléments d'un contrat, ou d'une convention, ont à être respectés par l'Etat comme on respecte sa signature et donc sa parole. Dans la grève et dans la rue, hier, il y avait des femmes et des hommes qu'on applaudissait il y a deux ans, et qui devraient aujourd'hui accepter en silence une réduction de leur revenu (la non indexation des salaires à l'inflation, c'est cela).

De la grève, comme d'un rappel à la réalité

La grève des TPG et le débrayage de la fonction publique ont évidemment été salués, comme on s'y attendait, par les cris d’orfraie de la droite -ou en tout cas d'une partie d'entre elle. Dénoncés, parce que c'est une grève et parce que c'est la fonction publique. Il y a aussi de la crainte dans cette dénonciation, car la droite a de la mémoire : en novembre 2020, le Conseil d'Etat (alors à majorité de droite) devait retirer un projet de loi réduisant, au prétexte de maîtrise du déficit budgétaire, de 1 % les salaires des fonctionnaires pendant quatre ans -la commission des finances du Grand Conseil avait refusé le projet à l'unanimité. Raison de cette opposition ? la mobilisation de la fonction publique, des milliers de manifestants dans la rue, un appel à la grève.

Aujourd'hui, le personnel de base des TPG poursuit sa grève. Hier, la fonction publique débrayait. Et alors ? Le droit de grève est un droit fondamental consacré à tous les niveaux du droit : fédéral et cantonal, constitutionnel et législatif. La grève, pourtant, est toujours une rupture : elle créée ou raffermit un rapport de force pour la concrétisations d'objectifs précis -qui, si le catalogue en est qualitativement et quantitativement considérable (au strict sens du terme), peuvent faire programme politique -comme le cahier de revendication de la Grève Générale de 1918. Et, comme la grève générale, susciter une crainte assez forte au sein du patronat pour le convaincre de négocier avec les syndicats : la grève générale de 1918 accouche ainsi, entre autres, de la négociation collective comme moyen essentiel de régler les conflits.

Et quand la négociation n'aboutit pas ? ou qu'il n'y pas réellement de négociation, que l'employeur (l'Etat, la grande régie) refuse d'entrer en matière sur les demandes du personnel ? Quand des dirigeants, ou des politiciens, ratiocinent comme le député (PLR, forcément) Murat Julian Alder que "cette grève de la fonction publique est une honte" et que les salariés de la fonction publique genevoise "sont les mieux payés de notre pays", la grève rappelle à la réalité : pendant toute la crise pandémique, et aujourd'hui, pendant la crise sociale, c'est le personnel de la fonction publique au sens large, y compris la municipale (la voirie, par exemple), y compris le personnel des grandes régies publiques (l'hôpital, les transports publics, entre autres) qui fait tenir la société debout. Et que ce rôle a un prix. Et qu'à ceux qui contestent ce prix, et  la légitimité des mesures de luttes choisies pour le faire respecter, la seule question qui vaille pour mesurer la légitimité des dénonciateurs de la grève et des "privilèges de la fonction publique", sont "quel travail plus utile à la population que celui d'une infirmière, ou d'un enseignant, ou d'un pompier, ou d'un conducteur de tram, effectuez vous, et combien êtes-vous payés pour l'effectuer" ?




Commentaires

Articles les plus consultés