Il n'y aura pas à Genève de fan zone pour le Mondial qatari

OUF ou BOF ?

La pétition que nous avions lancée pour que la Ville de Genève renonce à organiser, ou faire organiser, une fan zone du Mondial qatari de football avait recueilli un millier de signatures quand nous apprîmes que la société mandatée pour cette organisation y renonçait. Nous aurions donc dû sauter de joie, sabrer le champagne et nous finir au mezcal -eh bien non. Sans doute cette annulation est-elle bienvenue, et nous n'allions tout de même pas sangloter de l'avoir obtenue. Mais elle n'est pas le fait de la Ville à qui nous la demandions, elle est le fait d'une société privée qui essuie les plâtres de la pusillanimité municipale. Il n'y aura donc pas de fan zone du Mondial qatari à Genève. Les comptables seront contents, les militants beaucoup moins : la Ville a économisé 20'000 balles (c'était ce que le Conseil municipal lui avait accordé pour informer le public de la Fan Zone que le Mondial qatari est une saloperie), et peut-être des dédommagements à la société qu'elle avait mandaté pour organiser et gérer ladite Fan Zone. Elle n'a pas économisé le ridicule d'avoir été incapable de prendre ses responsabilités en décidant elle-même de renoncer à ce à quoi NEPSA a décidé toute seule de renoncer, en considérant que "la minorité forte a dicté sa loi en distillant la peur et la violence". Nous voulons bien revendiquer d'être d'une "minorité forte" (plutôt que d'une minorité faible), mais il ne souvient pas d'avoir "distillé la peur et la violence". Ni d'ailleurs qu'aient pris part à ce débat, avec nous ou contre nous, autre chose que des "minorités"...

"Dégât d'image" pour la "capitale des droits humains"

Il paraît (c'est «20 Minutes» qui nous le dit que les vignettes Panini des bobines des footballeurs du Mondial (mais aussi de l'Euro, et de certains championnats nationaux), dont la Suisse est habituellement particulièrement friande, se vendraient mal, à cause de la mauvaise réputation du Mondial qatari (mais aussi de la crise économique). Paraît même que des sponsors de l'équipe nationale suisse seraient réservés à l'idée de se montrer au Qatar: l'horloger Bucherer a ainsi décidé de ne pas assister aux matches avec des invités. En revanche, nous dit «20 Minutes», le Crédit Suisse maintient son sponsoring. Est-ce que, par hasard, le fait que le Qatar soit l'un de ses principaux du Crédit Suisse, sinon son principal, investisseur, expliquerait ce maintien ? Meuh non, qu'est-ce que vous croyez, tout ça, c'est désintéressement et amour du beau jeu de ballopied... D'ailleurs, on se demande pourquoi la Ville de Genève n'avait pas pensé à confier directement l'installation de la fan zone du Mondial au Crédit Suisse... Plus sérieusement, l'épisode de la fan zone devrait nous inciter à réfléchir sur la pratique consistant pour une Municipalité à sous-traiter l'usage de son espace public à des sociétés privées pour des manifestations de ce genre, et, cette réflexion faite, de déposer au Conseil municipal une proposition de renoncer à cette sous-traitance.

Dans le communiqué annonçant son renoncement à organiser la fan zone genevoise du Mondial qatari, la société NEPSA qui devait l'organiser explique que "la polémique genevoise a fait fuir une grande partie des exploitants et la quasi totalité des annonceurs, rendant l'exploitation de ce lieu, qui se voulait convivial et festif, impossible". Ce que NEPSA nomme "polémique", c'est ce que nous nommons, nous "débat". Un débat nourri, entre autres, de deux propositions, dont nous pûmes craindre qu'elles fussent concurrentes et qui, finalement, se sont additionnées : la proposition des Verts et du PS de faire, dans la fan zone, une information sur la réalité du Qatar et de son Mondial, en supposant que le public de la fan zone ait besoin d'une telle information, et envie de la recevoir, et notre propre proposition de renoncer purement et simplement à la fan zone. Les deux propositions étaient porteuses de la même critique de l'opération qatarie et, implicitement pour la première, explicitement pour la deuxième, de la légitimation de cette opération dans une Ville qui se veut le symbole des droits humains. De ce point de vue (le nôtre), NEPSA a parfaitement raison d'évoquer "le dégât d'image" pour elle-même, mais aussi "pour la Ville de Genève et pour l'Etat de Genève" qui eût découlé du maintien de  la fan zone.

Et puis, rassurez-vous, les fans des fan zones : non seulement il en est prévue une à Genève pour l'Euro,  qui aura lieu en Allemagne en 2024, mais on peut toujours envisager à Palexpo une fan zone du "Geneva International Motor Show", le nouveau nom du Salon de l'auto de Genève,  puisqu'il va se tenir à Doha. Au Qatar, donc...

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