Pour sortir d'un débat à la con :
Le sociétal, c'est encore du social !
Comment expliquer à celles et ceux qui reprennent la vieille antienne de "la gauche bobo qui fait dans le sociétal au lieu que de s'occuper du social" (on entend ça depuis la fin du siècle dernier, autant dire qu'on finit par pouvoir le fredonner nous aussi, les matins de gueule de bois politique), que le "sociétal", c'est du "social" et pas du "moral" ou de l'idéologique, et que le "social", c'est aussi du "sociétal", et pas du populisme bas de plafond ? Faut-il même risquer de perdre son temps à l'expliquer à qui ne voudra pas l'entendre, et n'y aurait aucun intérêt, tant il leur est politiquement utile (et utiles à quelques autres, prenant leurs vessies électorales pour des lanternes politiques) de seriner l'air des bijoux de famille socialistes abandonnés par une clique d'intellos gauchistes ? On prend ce risque -c'est les vacances, on a du temps libre, alors on répète, et on insiste : Les enjeux sociétaux sont des enjeux sociaux, l'urgence climatique est une urgence sociale, égrapper un peu de bitume pour planter quelques fleurs dans un quartier populaire sans espace vert est une action sociale, "Zéro Pub" est une proposition sociale, défendre le salaire minimum est un enjeu sociétal, comme d'ailleurs défendre le droit de grève -qui, en outre, pour les socialistes, dont le parti a été en Suisse créé par les syndicats comme leur instrument dans les institutions politiques, est un engagement historique. Nos combats s'additionnent, ils ne se concurrencent ni ne s'excluent. C'est si difficile à comprendre ? Ou les conclusions qu'on devrait en tirer, sont-elles si inconfortables à assumer ?
Le moment dans lequel nous sommes exige plus de radicalité. Et moins de jérémiades.
Il y a des simulacres de débats, des bégaiements
de polémiques, qui réussissent à nous rajeunir en même temps
qu'il nous font sentir le poids du temps qui passe, sans que n'y
trépassent les simplifications rhétoriques. "Les bobos contre
les prolos", "les gauchos contre les réformos", "les écolos
contre les syndicalos", ça doit bien faire un demi-siècle qu'on
nous la fait humer, cette tambouille, parce qu'il y a une
cinquantaine d'années le PS a changé de culture politique : Mai
68 était sans doute passé par là, mais la crise pétrolière de
1974 aussi, et entre les deux, le Printemps de Prague... Ce
changement a été fait, il est sans doute irréversible et on peut
faire le deuil du PS des années cinquante, productiviste,
consumériste, industrialiste, amoureux des centrales nucléaires,
des autoroutes et de la Paix du Travail.
Alors, plutôt que nous associer au choeur des
pleureuses du "le PS, c'était mieux avant" (avant quoi, au juste
? Mai 68 ? la crise de 1974 ? La chute du Mur ? Le dernier
Mondial de foot supportable ?), on va réitérer ce conseil de sagesse dont on a fait une
règle d'action politique : ne jamais faire ce qu'on attend
qu'on fasse, ne jamais être là où on devrait être, et
on va redire ce qu'on avait écrit il y a quatre ans* (en priant
notre lectorat de nous pardonner cette immodestie) :
On avait conclu ainsi il y a quatre ans l'exposé
de nos états d'âme : "nous ne serons jamais aussi radicaux que
le moment dans lequel nous sommes". On persiste : le moment
dans lequel nous sommes exige, sur tous les terrains, plus de
radicalité. Et moins de jérémiades.
*Pascal Holenweg, Le socialisme, ou comment ne pas s'en débarrasser, L'Aire, 2018
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