Un projet patronal : baisser les salaires les plus bas
Un devoir de la gauche : Défendre le salaire minimum légal
On vous en avait déjà parlé, on vous en reparle, parce qu'il convient d'ores et déjà de se préparer à un bon gros combat politique de derrière les fagots de la lutte des classes : comme nous le rappelle le "Matin Dimanche", le patronat suisse (et on ne doute pas que le patronat genevois et neuchâtelois soient sur la même ligne) a lancé une offensive contre les salaires minimums légaux tels qu'ils ont été institués, par le peuple, dans les cantons de Genève (il sera de 24 francs de l'heure dès janvier) et de Neuchâtel. (il est de 20,08 francs de l'heure). Et le patronat a trouvé un porte-serviette, le centriste (PDC) obwaldien Erich Ettlin, pour transmettre sa volonté au parlement fédéral -et la faire entériner par le Conseil des Etats -le Conseil national doit encore se prononcer. Contre l’avis de sa commission de l’économie, et même du Conseil fédéral, le Conseil des États a approuvé le 15 juin la motion Ettlin, visant à rendre les salaires minimaux légaux genevois et neuchâtelois inopérants dans les secteurs soumis à une convention collective nationale étendue quand elles prévoit des salaires minimaux inférieurs à ceux que les lois cantonales prévoient. La conséquence inévitable de ce désarmement du salaire minimum légal serait une baisse des salaires dans des secteurs où ils sont déjà parmi les plus bas des cantons concernés. Ce ne serait pas un dommage collatéral de la proposition Ettlin, c'est son objectif : baisser les salaires les plus bas, dans des secteurs où la majorité des salariés sont des salariées. Et cela, au moment où l'inflation reprend. Alors, hein, les états d'âmes des socialistes déchirés entre "bobos" et "populos", dans un tel contexte, ils ne pèsent pas grand chose...
"Comment peut-on vivre à Genève avec un salaire de 16 ou 17 francs de l'heure ?"
A Genève, "ni le patronat
ni ses relais politiques n’ont jamais digéré la pilule" de
l'adoption d'un salaire minimum légal, rappellent les syndicats,
alors que, ce salaire ayant été mis en place en période de
pandémie, on a eu la preuve que même en période de crise, "il était possible sans menacer l’emploi d’augmenter de
plusieurs centaines de francs par mois les salaires dans des
secteurs précaires", pour des travailleurs et des travailleuses
encore plus précaires. Car ce sont pour elles et pour eux que le
salaire minimum légal a été proposé, et accepté par le peuple.
quand un.e salarié.e sur sept était en dessous du salaire
minimum finalement institué, et dont l'objectif
était bien de lutter contre la
pauvreté laborieuse, cette situation où le salaire versé pour un
travail à plein temps ne permet pas de vivre dignement :
"comment peut-on vivre à Genève avec un salaire de 16 ou 17
francs de l'heure ?" questionnaient les syndicats... On ne peut
pas, ou en tout cas pas dignement, et sereinement, a répondu le
peuple. "On doit s'en contenter" estimaient la droite et le
patronat, qui, lors même que le salaire minimum légal avait été
accepté par le peuple, ont tout fait pour en repousser la mise
en vigueur, et en affaiblir la portée -par exemple en fixant un
salaire minimum plus bas que la norme, dans l'agriculture et
l'horticulture.
L’auteur centriste de la motion patronale aux
Chabres fédérales brandit le partenariat social et le primat des
conventions collectives de travail comme justification de son
projet.
Mais non seulement l'adoption de sa proposition ne contribuerait
en rien à renforcer ce partenariat et ces conventions, mais
qu'elle susciterait, dans les cantons concernés, en particulier
à Genève où les syndicats y sont prêts, à une remise en cause de
toute extension des conventions collectives prévoyant des
salaire inférieurs au salaire minimum cantonal. Or des 44
conventions collectives de travail déclarées de force
obligatoire sur tout le territoire suisse par le Conseil
fédéral, celles de l'hôtellerie et de la restauration, de la
coiffure et de l'esthétique, du déménagement et des courses, de l'économie
domestique, de la blanchisserie, prévoient des salaires
minimums inférieur au minimum légal cantonal. Dans tous ces
secteurs, ce minimum a produit une augmentation de salaires de
600 à 900 francs par mois ... Dans d'autres secteurs,
l'augmentation du salaire grâce au minimum légal peut se
chiffrer en plusieurs centaines de francs par mois
(hôtellerie-restauration, travail temporaire, nettoyage), et
même dans un secteur aussi important que le commerce de
détail, le salaire minimum mensuel a augmenté d'un coup de
près de 180 francs... C'est sans doute négligeable pour
certains -pour celles et ceux qui en bénéficient, c'est une
bouffée d'air.
la motion Ettlin est enfin, insiste la Conseillère
d'Etat genevoise Fabienne Fischer (en charge de l'Economie et de
l'Emploi "une forme d'attaque contre le fédéralisme" (portée par
le représentant d'un parti qui a plutôt accoutumé de se draper
dans la toge fédéraliste), mais aussi une attaque contre la
démocratie, puisqu'elle vise à faire primer un accord
conventionnel fédéral, autrement dit un contrat privé, sur une
loi cantonale adoptée par le peuple (à près de 60 % des votes).
S'attaquer aux salaires minimums genevois et neuchâtelois, c'est
s'attaquer à la compétence des cantons, reconnue par le Tribunal
fédéral à propos précisément du salaire minimum, de légiférer
dans le domaine social.
Laissons ceux qui gagnent quatre, dix ou cinquante fois le salaire minimum légal clamer qu'il est trop élevé -et préparons-nous à nous mobiliser pour le défendre. Car le patronat n’a pas encore gagné : d'abord, la motion Ettlin doit encore être soumise au Conseil National. Et même s'il l'acceptait, il faudra encore que le Conseil fédéral élabore une loi, la soumette aux deux Chambre fédérales et qu'elles l'acceptent. Et même si elles devaient l'accepter, un référendum sera certainement lancé. Pour défendre le droit des travailleuses et des travailleurs, à Genève et Neuchâtel, mais aussi dans tous les cantons où des salaires minimums ont été instaurés, et dans tous ceux où ils sont proposés (Vaud, par exemple), à recevoir pour leur travail une rémunération leur permettant de vivre dignement, de ne pas se retrouver "travailleurs pauvres", contraints à l'aide sociale pour ne pas sombrer.
Commentaires
Enregistrer un commentaire