Fin de la COP27, début du Mondial qatari : De l'impuissance au gaspillage

Le Mondial qatari a commencé commencera le jour où s'est close en Egypte une Conférence mondiale sur le climat : passage de témoin d'une impuissance à un gaspillage. Le Qatar a payé cher pour obtenir le Mondial. Il en a les moyens : "les milliards dépensés, (les qataris) s'en fichent un peu. Ils n'ont pas la même valeur pour eux que pour nous", et "leur objectif était politique, au-delà de l'argent", écrit le journaliste sportif Alain Leiblang ("Qatar 2022, l'autre pays du football", éditions En Exergue), qui fut employé de la FIFA. Alors, "les Qatariens ont sorti le portefeuille. Il est facile d'être malin quand on est milliardaire" (Il n'est toutefois pas interdit de l'être quand on est fauché). Le Budget du Mondial qatari est de 200 milliards de dollars. Huit fois plus que celui du Mondial russe de 2018, quinze fois celui du Mondial brésilien de 2014... et 400 fois celui du Mondial français de 1998... Vous doutez encore de l'inflation ? Quant aux revenus de cette sinistre opération pour la FIFA, ils sont estimés à 4,7 milliards de dollars, pour 1,7 milliard de dépenses. Benef : 3 milliards. Vous vous demandez encore pourquoi elle y tient tant, à ce machin , la FIFA ? Il serait temps que vous vous en rendiez compte, les gens : ce Mondial, c'est une histoire de pognon et de pouvoir, rien d'autre, rien de plus. A part des milliers de morts pour construire les équipements de cette navrance, des millions de tonnes de CO2 relâchés dans une atmosphère déjà  en phase de réchauffement accéléré, et des centaines de millions, peut-être des milliards, de victimes consentantes d'une crétinisation de masse.

Il ne faut pas mélanger le sport et la politique, ça salit la politique.

Le Qatar ne sera pas champion du monde de foot au terme de son Mondial (il a même perdu le match d'ouverture -l'Equateur ne s'est pas laissé acheter ?). Il n'en a pas besoin, il l'est déjà, champion du monde. Des émissions de gaz à effet de serre par habitant : 50 tonnes par an et par habitant. Dix fois plus que la moyenne mondiale. Il devance dans ce classement enthousiasmant le Koweït et les Emirats arabes unis. Il est aussi champion du monde, c'est à dire premier producteur mondial, de gaz naturel liquéfié (GNL), qui produit une électricité dont 60 % de la consommation  sont dévolus à la climatisation (de l'intérieur comme de l'extérieur). Dont celle de huit des neuf stades où se joueront les matches du Mondial. Mais au Qatar, on climatise tout : les terrasses de restaurant, les rues du centre de Doha, les centres commerciaux, les marchés Et les stades. On climatise à ciel ouvert : ça rafraichit autour de la climatisation, et ça réchauffe ailleurs. Vous avez dit réchauffement climatique ? On s'en fout : au Qatar, de toute façon, on est déjà dans un désert, alors... au final, selon les estimations (sous-estimées) de la coupole mondiale du foot-pognon, la FIFA, le bilan carbone du Mondial qatari atteindra 3,63 millions de tonnes. L'équivalent de la totalité des émissions annuelles d'un pays de 95 millions d'habitants, comme le Congo Kin.

Pour le Mondial, le Qatar a fait construire huit stades : six de 40'000 places, un de 60'000 places, un de 80'000 places. Deux de ces huit stades ont eu pour architecte... Albert Speer Jr. On comprend mieux le sort des travailleurs qui les ont construits. Et si l'Allemagne n'est pas championne du monde, Joseph Goebbels Jr nous expliquera que c'est le résultat d'un complot juif ? Combien de morts sur les chantiers de ces stades ? 6500 depuis l'attribution au Qatar de la Coupe du Monde, selon le "Guardian" -qui ne totalise pas seulement les morts sur les chantiers mais tous les travailleurs migrants indiens, pakistanais, népalais, srilankais et bengladis morts au Qatar entre 2011 et 2020, mais ne tient pas compte des ressortissants d'autre pays pourvoyeurs de main d'oeuvre, comme le Kenya ou les Philippines, morts au Qatar pendant la période de construction des infrastructures destinées au Mondial. Amnesty International ne donne pas de chiffre, mais considère que "plusieurs milliers" de travailleurs migrants sont morts au Qatar dans la même période concernée par le chiffre du "Guardian". Quand aux autorités du Qatar, elles n'admettent que trois morts d'ouvriers sur les chantiers, 35 en dehors. Et le responsable du bureau de l'OIT à Doha (ouvert en 2018), Max Tunon, est (dans "Le Temps" du 1er octobre) assez content de lui, du Qatar et du Mondial : "Si on compare la situation actuelle (au Qatar) à celle de 2018, ou à celle des autres pays du Golfe, l'évolution est indiscutablement positive". Et qu'on ne lui dise pas qu'on partait de si bas qu'on ne pouvait que constater une telle évolution "positive". Il est content, Max, que l'OIT ait "obtenu la suppression des éléments les plus problématiques" du système de la "kafala", un système asservissant les travailleurs migrants à leur employeur qatari comme le servage asservissait les paysans au seigneur propriétaire des terres (ou la statut de saisonnier, en Suisse, un travailleur à son employeur). Désormais, un employé peut, théoriquement, quitter le pays, ne serait-ce que pour un week-end dans un pays voisin, et même changer d'employeur... sauf que, reconnaît le représentant de l'OIT, ce qui est théoriquement garanti ne l'est pas réellement : les employeurs menacent les travailleurs de résilier leur permis de séjour, ou leur imputent des "frais importants" s'ils tentent d'exercer leurs droits, et si les passeports des travailleurs ne sont pas confisqués par leur employeur, celui-ci les "conserve" en extorquant l'accord du travailleur. Le travail aux heures les plus chaudes est certes interdit, mais cette interdiction est loin d'être toujours respectées. Quant au salaire mensuel minimum, il a bien été augmenté de 250 ryals qataris, mais ça ne le fait passer que de 200 à 268 francs suisses. L'OIT, en tout cas son bureau local, n'en salue pas moins un progrès. Il faut dire que le Qatar a été généreux, avec l'OIT : il lui a versé 25 millions en trois ans. Une partie pour financer une mission de coopération entre OIT et Qatar. Une partie, selon le syndicaliste belge Luc Cortebeeck, qui a travaillé avec l'OIT, pour "voyages, nuits d'hôtel, financement de missions" de l'OIT. A ce prix là, elle peut bien être contente des "efforts" du Qatar, l'OIT...

Le Parrain de la coupole mondiale du foot-pognon, Infantino, se pose en incarnation des gays, des migrants, des pauvres...  Et le Qatar et la FIFA d'entonner en choeur le refrain : "mais pourquoi le Moyen-Orient n'aurait-il pas le droit d'organiser un Mondial sans se faire trainer dans la boue alors qu'on en a organisé en Argentine sous la dictature et en Russie sous Poutine ?"... Au fond, c'est vrai : le Qatar a bien le droit d'exploiter des travailleurs, de participer à l'entretien d'une guerre au Yemen, de discriminer les femmes, de réprimer les gays, de saloper l'environnement et de réchauffer le climat, pourquoi n'aurait-il pas le droit de soutenir la vente des vignette Panini ?

Décidément, ceux qui nous serinent qu'il ne faut pas mélanger le sport et la politique ont raison : les mélanger ne peut que salir la politique.

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