Succession socialiste au Conseil fédéral : Pink Friday

Vendredi dernier, le Conseil de parti du PS devait faire au groupe parlementaire fédéral sa proposition de désignation de deux candidates socialistes à la succession de Simonetta Sommaruga au Conseil fédéral. Il ne l'a pas faite, et s'est contenté de soutenir les trois candidates à la candidature, sur l'air de "elles sont toutes bien".  Samedi, en revanche, le groupe parlementaire fédéral, a choisi qui il présentera à l'élection devant les Chambres : Eva Herzog et Elisabeth Baume-Schneider. Le PS présentera donc comme on s'y attendait deux femmes, au choix -il ne pouvait d'ailleurs pas faire autrement sans courir le risque de l'élection d'un homme à la succession d'une femme, et d'être alors représenté au gouvernement par deux hommes, ce qui la foutrait mal pour un parti féministe. Le groupe aurait même pu choisir de présenter les trois femmes candidates, il a choisi d'en laisser une, Evi Allemann, sur le carreau. C'est dommage, mais comme il n'y a de toute façon qu'un siège à pourvoir, ça ne change pas grand chose, sauf pour les petits calculs personnels de quelques candidats putatifs, mâles et romands à la succession d'Alain Berset, à qui l'élection d'une Romande (Elisabeth Baume-Schneider fermerait la porte. Parce qu'à cette succession, le PS ne présentera pas forcément un homme (ou plusieurs, au choix), mais s'il présente un homme après avoir fait élire une Romande, cet homme sera forcément tudesque. Cela posé, "une double représentation féminine temporaire ne serait pas dramatique au vu de l'historique sur-représentation masculine" (et même de l'exclusivité masculine au gouvernement pendant près d'un siècle et demi...), a précisé le chef du groupe parlementaire, Roger Nordmann, qui a rappelé que le PS avait déjà été représenté par deux femmes au Conseil fédéral, en 2010-2011, par Micheline Calmy-Rey et Simonetta Sommaruga.

Pour une fois qu'on peut recommander au PS de s'inspirer de l'UDC...

Il y avait donc trois candidates à la candidature socialiste au Conseil fédéral, et le groupe a du choisir entre elles. D'entre ces trois candidates, la Bâloise Eva Herzog, Conseillère aux Etats après avoir été Conseillère d'Etat, apparaissait déjà, avant d'être adoubée par le groupe comme la favorite et la Conseillère d'Etat jurassienne Elisabeth Baume-Schneider comme une surprise possible, face (ou aux côtés) de deux candidates situées à la droite du parti alors qu'elle est, sinon à sa gauche, en tout cas à leur gauche. La surprise a elle aussi été adoubée. La présidence du PS rêvait de la candidature d'une "jeune mère de famille". On a beaucoup, surtout en Alémanie, ironisé sur ce rêve, Evi Allemann l'avait presque réalisé en portant sa candidature : la Conseillère d'Etat bernoise est une jeune mère de famille. Et le co-président du parti la réfère à la Première ministre finlandaise, Sanna Marin, mère d'une petite fille de quatre ans, et à la Première ministre néo-zélandaise, Jacinda Ardern, devenue mère en étant en fonction.
Exit donc la candidature du Zurichois Daniel Jositsch, qui avait reçu le soutien de la "plate-forme réformiste" du PS (une "plate-forme réformiste" dans un parti réformiste, ça tient un peu de la mise en abyme...) , laquelle demandait de présenter trois candidatures, dont celle d'un homme. Et comme il n'y avait qu'un homme candidat, il aurait forcément été celui-là... Il ne le sera pas, il a retiré sa candidature et donc ne devrait pas accepter une élection "sauvage" à la Otto  Stich... mais Evi Allemann n'a pas été adoubée. Pas de jeune mère de famille, donc. Ni de vieux mâle.

Il n'y aura pas eu de débat au sein du PS sur la nécessité, l'utilité ou la nuisance de la présence de socialiste au gouvernement fédéral. Le moment était peut-être mal choisi : décider de ne présenter personne à la succession de Simonetta Sommaruga n'aurait pas mis fin à cette présence puisqu'Alain Berset n'allait pas démissionner de son poste -sauf à espérer, cyniquement, que le candidat évincé pour son genre, Daniel Jositsch, soit élu par la droite contre la volonté du parti et accepte son élection, ce qui aurait suscité un renouveau de la critique du "gouvernementalisme" socialiste incitant le parti à claquer la porte du Conseil fédéral, comme en 1953... mais ce fut pour y revenir en 1959...

Le PS va donc garder son deuxième siège au Conseil fédéral, d'autant que les Verts ont annoncé qu'ils renonçaient à attaquer le siège PS rendu vacant par la démission de Simonetta Sommaruga. On est benoîtement repartis pour prolonger la "formule magique" de 1959, instituée pour le retour du PS au Conseil fédéral, après six ans de son passage dans l'opposition suite au sabotage par la droite d'une réforme fiscale que son (unique) Conseiller fédéral, Max Weber défendait. Revenant au Conseil fédéral, le PS dut à la "formule magique" d'y obtenir un deuxième siège, qu'il a gardé jusqu'à aujourd'hui. Cette "formule magique" est supposée garantir une représentation équilibré des forces politiques nationales. La gauche pèse autour de 30 % des suffrages aux élections ? Elle a droit à 30 % des sièges, soit deux sur sept. Qu'en fait-elle ? la question ne sera pas posée. C'est dommage. L'UDC, elle, a fait s'engager ses candidats à défendre au Conseil fédéral cinq points de son programme : la défense de la neutralité, la défense de l'armée, le contrôle de l'immigration, l’approvisionnement en énergie indigène et la baisse des impôts. Le contraire, évidemment d'un programme socialiste, mais la démarche,  politiquement, est légitime, si l'on tient à ce que les membres d'un parti qui siègent dans un gouvernement y représentent le parti, non le gouvernement auprès du parti.

Pour une fois qu'on peut recommander au PS de s'inspirer de l'UDC, on le lui recommande... à défaut d'une cure d'opposition, une cure de cohérence lui ferait le plus grand bien...

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