Un programme syndical pour la transition "éco-sociale"
Faire droit à l'urgence
Samedi  dernier, en congrès, le Syndicat
        interprofessionnel de travailleuses et travailleurs, le SIT (une
        spécialité genevoise), a adopté des «lignes d’orientations en
        matière de transition éco-sociale», se traduisant en
        revendications syndicales pour contribuer à la limitation des
        émissions de gaz à effet de serre, et protéger les travailleuses
        et travailleurs des effets du réchauffement climatique. Les
        pistes d'action développées sont «régies par une certitude : il
        n'y aura pas de société plus écologique sans une société plus
        juste socialement et caractérisée par une meilleure répartition
        des ressources». Le SIT a ainsi «confirmé la nécessité de porter
        les enjeux climatiques au cœur des revendications syndicales des
        travailleuses et des travailleurs», et la conviction que «la
        réduction des émissions de CO2 implique des changements
        fondamentaux des modes de production d’une part et de
        répartition des richesses d’autre part. Bref, le syndicat
        revendique, dans le prolongement de l'initiative «1000 emplois»,
        la création d’emplois dans les domaines de la formation continue
        et de la reconversion professionnelle, la réduction de la durée
        de travail, des mesures de protection de la santé des
        travailleuses et travailleurs, l'élargissement des droit
        syndicaux, le développement de la mobilité douce et le
        renforcement du rôle de l’Etat. Et de la commune, sûrement,
        aussi, non ? On ne doute pas que la gauche politique reprendra
        ces revendication et agira pour y faire droit, et faire droit à
        leur urgence. On l'espère d'autant plus que cela relèverait de
        l'évidence, à lire les programmes du PS, des Verts, d'Ensemble à
        Gauche. Et comme nous sommes d'une incontestable cohérence... 
      
Responsabilité environnementale et
        irresponsabilité nucléaire
      
Deux initiatives populaires fédérale ont été
        récemment lancées, ancrées toutes deux, mais totalement
        contradictoirement quant à leur contenu, dans le contexte de la
        crise énergétique et de la crise climatique.
      
Lancée par les Jeunes Verts et soutenue par les
        Verts, le PS et la JS, Greenpeace et une dizaine d'autres
        organisations, la première initiative populaire "pour la
        responsabilité environnementale" demande l'inscription dans la
        Constitution fédérale du principe que "les activités économiques
        ne peuvent utiliser des ressources et émettre des polluants que
        dans la mesure où les bases naturelles de la vie sont
        conservées". La Confédération et les cantons devraient assurer
        le respect de ce principe "en tenant compte en particulier de
        l'acceptabilité sociale, en Suisse et à l'étranger, des mesures
        qu'ils adoptent". Dans un délai de dix ans après l'acceptation
        de l'initiative, "l'impact environnemental découlant de la
        consommation en Suisse ne (devrait plus dépasser) les limites
        planétaires, rapportées à la population de la Suisse". Ces
        limites indiquent le niveau de pollution de l'environnement que
        l'écosystème planétaire peut tolérer : si elles sont dépassées,
        la subsistance de l'espèce humaine (et de bien d'autres
        espèces...) est menacée. Or elles sont dépassées, ces limites :
        jusqu'à vingt-deux fois en ce qui concerne le climat... Or,
        rappellent les initiants, si ce sont les pays riches comme la
        Suisse qui "sont les principaux responsables de la destruction
        de l'environnement (...) ce sont les pays du Sud qui sont les
        premiers touchés". Il est donc "juste et équitable que la Suisse
        assume ses responsabilités maintenant"...
        On signe l'initiative en passant par là : https://responsabilite-environnementale.ch/
        
La deuxième initiative, la pro-nucléaire, portant
        le titre "De l'électricité pour tous en tout temps, stop au
        black-out" a  été lancée par un comité  de droite (UDC, PLR,
        Centre, Lega) et de représentants patronaux. Elle veut permettre
        la construction de nouvelles centrales nucléaires, et donc en
        revenir sur le résultat du scrutin fédéral de 2017 qui
        l'interdit. Cette initiative surfe sur l'inquiétude née de le
        menace d'une pénurie d'électricité, mais à supposer même que
        cette menace se concrétise et que l'on manque d'électricité, et
        que l'initiative aboutisse, qu'elle soit traitée dans un délai
        exceptionnellement rapide, qu'elle soit soumise au peuple dans
        un délai tout aussi exceptionnellement rapide, et que le peuple
        (et les cantons) l'acceptent, aucune nouvelle centrale nucléaire
        ne serait mise en service avant... 50 ans. Enfin, ni la question
        de la sécurité des installations nucléaires, ni celle du
        stockage de leurs déchets n'est, ni ne sera, résolue. 
      
En revanche, l'initiative pour la responsabilité environnementale" pose
        des principes incontestables -à moins de proclamer qu'on a le
        droit de continuer à utiliser plus de ressources naturelles que
        celles dont on dispose, et à émettre plus de polluants que
        l'environnement n'en peut supporter. Reste à les concrétiser,
        ces principes, par des choix politiques : investir dans la
        transition des transports vers la mobilité douce et les
        transports publics, isoler les bâtiments, installer des capteurs
        d'énergie solaire sur tous les bâtiments appropriés, réorienter
        le soutien à l'agriculture par les paiements directs vers des
        modes de production respectueux de l'environnement, développer
        le commerce équitable, soutenir la réparation des équipements
        plutôt que leur destruction, et surtout économiser l'énergie
        disponible pour n'avoir à en produire que celle qui est
        nécessaire... bref, admettre, cinquante ans plus tard, les
        constats du  rapport Meadows sur "les limites à la croissance",
        le rapport du Club de Rome.  Il ft un tabac en librairie : dix
        millions d'exemplaires vendus jusqu'à aujourd'hui. Il fut aussi
        un flop politique : aucune de ses idées, de ses projections, de
        ses recommandations, ne furent suivies. Qu'une croissance
        infinie soit impossible dans un monde fini devrait pourtant
        relever de l'évidence -et bien non, la croissance reste
        l'indicateur du succès d'une économie, d'une société, d'une
        politique. Elle fait toujours discours et consensus. Et dans les
        cinquante ans qui ont suivi la publication du rapport Meadows,
        cinq des neuf limites à la croissance ont été dépassées : celles
        de la population, des terres agricoles, des ressources en
        minerai, de la pollution, du réchauffement climatique. Comme
        quoi, la prétention platonicienne (ou pharisienne ?) des
        intellos et des scientifiques à dire ce qu'il faut faire est
        sans grande pertinence : ils  prêchent dans le désert, personne
        ne les écoute quand il serait temps, et on ne s'aperçoit qu'ils
        peuvent avoir raison que quand il est, souvent, trop tard. 
      
"Souvent" ne voulant pas dire "définitivement", il n'est peut-être pas encore trop tard. Peut-être. Pas encore. Mais le temps presse.



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