"Aiderez-vous les réfugiés à survivre à cet hiver ?"

Trop tard...

Vous aurez sans doute reçu, comme nous, dans votre boîte aux lettres ou votre messagerie, cet appel du Haut Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés : "Aiderez-vous les réfugiés à survivre à cet hiver ?"... Pour Ali Reza, c'est trop tard : ce jeune réfugiés afghan arrivé en Suisse, seul, en 2020, scolarisé à Genève depuis,  s'est donné la mort, à 18 ans, mercredi. Hébergé au Foyer de l'Etoile, à Genève, il venait d'apprendre que la Suisse lui refusait l'asile et l'expulsait vers la Grèce, le premier pays européen où il avait posé le pied au terme de son errance. "C'était trop lourd" dit un ami. Ali Reza est mort de n'avoir pas reçu l'autorisation de vivre chez nous. Il est mort de sa main, alors que le Secrétariat d'Etat aux migrations et le Tribunal administratif fédéral avaient été avertis du risque de suicide, et que le Tribunal fédéral, à au moins deux reprises, avait précisé que le renvoi de personnes vulnérables est inexigible lorsque leur santé physique ou psychique est affectée de façon particulièrement grave. La politique d’asile suisse tue, et son application par Genève ne l'en empêche pas, alors qu'elle le pourrait. "les pouvoirs ne font pas attention à notre danse", observait Ali Reza. Feront-ils attention à sa mort ? 

Jeudi, à 16h, un rassemblement est organisé à Rive devant l’Hospice général. Un cortège rejoindra ensuite l’Hôtel-de-Ville afin de remettre une lettre au conseiller d’Etat Thierry Apothéloz.

Combien aurait coûté le financement de l'accueil d'Ali Reza ? Combien valait la vie d'Ali Reza ? Que vaut sa mort ?

Ali Reza s'est donné la mort, quatre ans après qu'un autre requérant hébergé au Foyer de l'Etoile se la soit lui aussi donnée. Une première alerte, tombée dans l'oreille de sourds, devant les yeux d'aveugles. La politique fédérale d'asile, le "système Dublin" (un règlement européen Le règlement de Dublin qui détermine quel pays, parmi 32 pays européens (dont la Suisse) appelés « pays Dublin », a la responsabilité de statuer sur une demande d’asile tuent. Mais Genève pourrait ne pas s'y résigner. «Compte tenu de la situation de ce jeune homme, je reste persuadé, à titre personnel, que le Conseil d’Etat n’aurait pas exécuté son renvoi», assure le Conseiller d'Etat Thierry Apothéloz. Mais son collège Mauro Poggia, lui, se défausse en déclarant que «l’asile dépend exclusivement du droit fédéral», que tout refus d’appliquer une décision fédérale placerait Genève «en situation d’illégalité» et l’obligerait à financer seule l’accueil. Combien aurait coûté le financement de l'accueil d'Ali Reza ? Genève n'aura pas à le financer, Ali Reza est mort, la question est désormais : combien valait sa vie d'Ali Reza ? Il avait fui, comme cinq millions d'Afghans et d'Afghanes, un régime totalitaire avec l'espoir de trouver asile dans un pays démocratique, sous un Etat de droit, et d'y pouvoir faire sa vie, loin des Talibans.  Il est mort d'y avoir cru, en ce pays démocratique, en cet Etat de droit. Il en est mort dans la capitale mondiale des droits de l'homme, le siège du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, une ville qui a donné son nom à la Convention qui proclame le droit d'asile comme un droit fondamental -et un devoir pour les Etats.  Et que la Suisse ne soit pas seule à remplir ce devoir (la Suède vient d'expulser vers la Turquie, qui s'est empressée de l'emprisonner, un membre du PKK kurde...) n'est pas une excuse.

"Solidarité Tattes" appelle les autorités cantonales genevoises, " tant législatives qu’exécutives, (à) assumer leur part de responsabilité dans ce nouveau drame, qui fait une nouvelle fois éclater au grand jour le caractère inhumain de la politique d’asile suisse", et à affirmer, dans la manifestation de jeudi*, "le droit de construire sa vie" ici. 

La mort d'Ali Reza n'est pas la mort de trop. La mort de trop, c'était déjà la première des morts du refus d'asile. De toutes les autres, l'indifférence nous rend complices comme si elle était connivence.

* 16h devant l’Hospice Général (12 Cours de Rive)
18h : départ en cortège en direction du Conseil d’État.

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