Brèves de comptoir

 La Ville de Genève a un budget. Malgré la droite.

On y est arrivé. Sans trop de problème, mais après plus de 16 heures de débats, dont onze heures samedi, et une tentative maladroite, mais obstinée, de flibuste parlementaire de la droite (MCG, UDC, PLR, PDC-Centre)  : la Ville de Genève a un budget 2023, le Conseil municipal l'a adopté à minuit et demi, mardi. La droite avait présenté quatre rapports de minorité (un par parti) pendant deux heures et demie (dont près d'une heure pour le seul rapport du PLR), face au rapport de majorité de la gauche, présenté en un quart d'heure. Après avoir annoncé qu'elle ne voterait pas le budget, elle nous a gratifiés d'une cinquantaine d'amendements divers et variés au budget qu'elle ne votera pas, proposant des augmentations de dépenses mais surtout compensant ces augmentations par des coupes dans les subventions et les crédits qu'elle a le plus en horreur : la municipalisation des crèches, les engagements de personnel (dont celui nécessaires aux crèches), les subventions aux associations LGBTQ+ à à certaines associations lui étant particulièrement antipathiques (le Collège du Travail, les Archives contestataires) ces coupes étant le véritable objectif de la droite et les augmentations de subventions de vulgaires enrobages pour les faire avaler. Echec sur toute la ligne, aucun de ces cinquante amendements n'a été accepté par le Conseil municipal. Quelques uns proposaient des augmentations légitimes de subventions, mais compensées par des coupes absurdes. Certaines augmentations proposées, notamment à deux orchestres «classiques» dont les dotations sont insuffisantes, seront reprises par des propositions spécifiques dès janvier prochain. Finalement, donc, le budget a été voté. Avec un déficit moindre que celui du budget précédent (22 millions contre 33 millions). Et après seize heures de débats. Mais on avait tout le temps. On avait pris de la lecture (Starobinski, qui nous a consolé de la vacuité de nombre d'interventions). Tenter de submerger le Conseil municipal d'amendements bricolés sur lesquels la droite s'est épanchée pendant des heures n'a évidemment servi à rien d'autre qu'à retarder le moment du vote final. Dont on connaissait l'issue avant même le premier mot des débats : la gauche est majoritaire (quand elle n'est pas rendue minoritaire par des maladies, des absences et des dissidences, comme récemment elle le fut sur un droit de préemption), le budget proposé était le sien, elle était au complet, elle l'a voté. Le reste, c'est du bruit, de la posture... et de l'impuissance.

La droite verniolane avait lancé un référendum contre la décision du Conseil municipal d'interdire la publicité commerciale (comme la droite municipale genevoise en avait lancé un contre la même décision du Conseil municipal de Genève). Elle avait crié à l'aboutissement de son référendum, avec 2218 signatures quand il en fallait 1921 valables. Manque de pot, sur ses 2218 signatures, y'en avait que 1633 valables. Son référendum n'a donc pas abouti : plus d'un tiers des signatures ont été invalidées. Voilà ce que c'est que de payer des gens pour récolter des signatures (parce qu'on est infoutu de les récolter soi-même)  sur un objet dont ils n'ont rien à foutre, sinon les pépètes qu'ils peuvent en tirer...

On a beaucoup glosé sur l'élection de la première Jurassienne au Conseil fédéral, avec celle d'Elisabeth Baume-Schneider. Et le temps de redescendre sur terre, on s'est même aperçu qu'avec celle du Bernois Rösti, juste avant celle de la Jurassienne, un autre Jurassien est entré au Palais fédéral. Par la petite porte du parlement, et un Jurassien bernois, mais quand même: Manfred Bühler va remplacer Albert Rösti au Conseil national. Le Jura, c'est peut-être rikiki, mais c'est quand même maousse costaud. A part ça, l'élec-tion de deux «ruraux» au gouverne-ment où plus aucun.e représentant.e des plus grandes villes ne siège, dans un pays dont la grande majorité de la population vit dans les villes, pose le problème de la représentation de celles-ci, non seulement au gouverne-ment, mais aussi au parlement. Et on recommence à entendre d'intéres-santes propositions : la création de sièges réservés aux plus grandes villes au Conseil des Etats, la création d'une Chambre des villes à côté des deux Chambres existantes (celle «du peuple», celle «des cantons»). Mais ça va pas être simple : pour le faire, il faut modifier la constitution, et pour la modifier, il faut la majorité des cantons, et la majorité des cantons sont sans «grande» ville... Autrement dit, c'est pas demain la veille que les villes pèseront dans les institutions le poids dont elles pèsent dans la population.

Si nos comptes sont justes, il aura fallu huit séances du Conseil municipal, sur deux jours, pour qu'il accouche d'un budget 2023 de la Ville de Genève, en venant à bout des amendements dilatoires de la droite. Dix séances, ce sont dix jetons de présence à 143 balles le jeton. Et deux jours, trois indem-nités de repas (le premier jour, on a commencé à 8 heures du matin et fini à minuit, le deuxième jour on a commencé à 17 heures 30 et fini à minuit et demi) à 44 balles le repas. Jetons de présence et repas à multi-plier par 79. Plus les indemnités aux membres du Bureau, aux chefs de groupe et à la présidence. Faites le calcul vous-mêmes, nous, il nous déprime. Tout ça pour des débats qu'on aurait pu mener en deux séances au lieu de dix. C'est un peu du gaspillage, et beaucoup de prébendes. Les socialistes vont donc proposer de plafonner le nombre de jetons de présence à quatre (soit, quand même, huit heures de séances). Pour gagner peut-être un peu de temps dans les débats, éviter les discours inutiles, répétitifs et gesticulatoires... et le gaspillage de ressources financières.

Candidat au Conseil d'Etat, Philippe Morel assure, dans la «Tribune de Genève», n'avoir «jamais changé de conviction ni de camp». Ouais. Sauf que ça fait trois fois qu'il tente de se faire élire au gouvernement, sous trois étiquettes politiques différentes (PDC, puis PLR, puis MCG), après avoir tenté de se faire élire à la Mairie de Vandoeuvres sur une liste MCG-UDC, puis s'être fait élire au Grand Conseil (ou de l'avis général, il n'a ni brillé, ni pesé) sous l'étiquette PLR, avant de retenter le Conseil d'Etat sous l'étiquette MCG. Disons qu'à défaut d'être politiquement sédentai-re, il a au moins une cohérence : il n'a jamais tenté de se faire élire sur une liste de gauche. Du moins pas encore. Faut jamais injurier l'avenir, y'a encore de la place pour une liste dissidente d'Ensemble à Gauche.

Bon, allez, c'est bientôt fini, plus que quelques jours avant qu'on ait bâché le fête à neuneu, le Mondial qatari de ballopied. Notez qu'il y a quand même eu de bons moments dans cette purge : ceux où on a pu voir la tête des supporters des équipes battues, quelles qu'elles soient. D'ailleurs, on s'en contrefout de savoir qui a gagné et qui a perdu. Mais on aime bien le spectacle d'un MCG après une victoire de l'équipe de France. Ou d'un lepéniste après une victoire de l'équipe du Maroc. La schadenfreude, ça se cultive...

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