Election d'une nouvelle et d'un nouveau ministre suisses : Le mouvement qui ne déplace pas les lignes
Aujourd'hui, le parlement fédéral suisse à élu deux des sept ministres fédéraux (la Constitution impose ce nombre depuis plus de 170 ans...) et, au passage, le président annuel de la Confédération (Alain Berset), cette élection jouée d'avance n'ayant d'intérêt, relatif, que pour le nombre de suffrages que recueillera le candidat unique. Au Conseil fédéral, deux sièges étaient à repourvoir, après la démission de leurs titulaires actuels, un UDC et une socialiste, à la succession de qui l'UDC présentait deux hommes (l'UDC est le seul parti gouvernemental à n'avoir jamais présenté une femme au Conseil fédéral) et les socialistes deux femmes, l'Assemblée fédérale ayant choisissant qui des deux lui convenait. Quel qu'allait être le choix de l'Assemblée fédérale, il allait être un mouvement qui ne fera beaucoup bouger les lignes : les socialistes ne proposaient pas au parlement de choisir entre Rosa Luxemburg et Louise Michel (ni l'UDC entre Zemmour et Le Pen) mais entre Eva Herzog et Elisabeth Baume-Schneider. Daniel Jositsch, qui contestait le choix du parti de ne présenter que des femmes à la succession d'une femme, ne devait pas être candidat (il avait retiré sa candidature devant le groupe socialiste aux Chambres) mais les parlementaires peuvent voter pour qui ils veulent, même pour un non-candidat, à lui, ensuite, d'accepter ou non son éventuelle élection. Et de prendre, s'il l'acceptait, le risque de ressusciter le débat sur la participation de socialistes à un gouvernement majoritairement de droite... Bon, finalement, C'est Elisabeth Baume Schneider qui a été élue (elle n'était pas favorite), et on en est bien contents. Jositsch a fait un petit tour de piste sans dire qu'il refusait son élection éventuelle (elle était hors d'atteinte). Et Rösti aussi a été élu. Et la Suisse d'aujourd'hui n'en est pas différente de celle d'hier, même si l'élection d'EBS a été un joli moment. Presque aussi joli que celle de la victoire portugaise au Qatar, c'est dire...
Un enjeu
linguistique qui n'en est pas un
Depuis
des semaines, c'était le débat sur l'élection possible d'une
Romande au Conseil fédéral, et l'hypothèse d'une majorité
"latine" au gouvernement d'un pays majoritairement germanique,
qui était supposé nous passionner. Comme si l'enjeu de
l'élection d'une socialiste au gouvernement fédéral était
linguistique, Elisabeth Baume-Schneider étant d'ailleurs
parfaitement bilingue, et le Jura qu'elle représente étant
tourné vers Bâle que représente Eva Herzog, bien plus que vers
Genève ou Lausanne). Si le PS ne s'est pas posé la question en
choisissant de présenter une Romande, c'est que pour lui la
question ne se posait pas. D'autres cependant se la posaient
pour lui. Faisons-donc semblant de nous intéresser à cet enjeu
qui n'en est pas un, puisque finalement, ce sont les contenus
des politiques défendues qui importent, plus que la langue dans
laquelle elles sont défendues.
Le
président romand du groupe parlementaire PLR, le Neuchâtelois
Damien Cottier, ne voulait pas, d'une Romande (Elisabeth
Baume-Sschneider) au Conseil fédéral, envisageait de renoncer à
ce que le groupe l'auditionne (il l'a finalement auditionnée) et
accusait le PS, qui la présente, de présenter un faux choix, un
choix pour "faire semblant", et imposer l'élection de la Bâloise
Eva Herzog. Il s'est donc gourré sur toute la ligne. Que le Jura
n'ait jamais eu de Conseiller fédéral (ni de Conseillère
fédérale), il s'en tamponnait, le Neuchâtelois. Et que le Jura
soit plus proche de Bâle que du Valais ou de Genève, il s'en
tamponnait aussi. Parce qu'il avait surtout peur qu'un trio
romand soit le prétexte pour éjecter le PLR Igniazio Cassis du
gouvernement. Un vice-président du parti, le grimpion valaisan
Nantermod, était sur la même ligne, interprètait la disposition
constitutionnelle qui évoque une représentation équilibrée des
régions comme une interdiction formelle d'une majorité "latine".
Le PLR avait finalement pondu un communiqué proclamant (mais
dans quelle langue ?) qu'"en cas d'élection de Mme
Baume-Schneider (...), le déséquilibre régional ne pourra avoir
lieu que pour une courte période de transition", après quoi, à
la prochaine démission d'un Romand (entendez : Alain Berset, qui
n'a apparemment aucune envie de quitter son siège -il n'a que 50
ans), il faudra forcément le remplacer par un Alémanique. Un
Jositsch, peut-être ?
Plutôt
que ces foutaises, on retiendra la chronique d'Yves Petignat,
dans "Le Temps" du 26 novembre : considérant qu'"il n'est pas
malsain que dans le doux ronron helvétique, la majorité
alémanique se sente de temps à autre contrainte de défendre sa
position dominante", il se félicitait que le canton du Jura, à
travers Elisabeth Baume-Schneider, retrouve "son rôle passé de
poil à gratter du fédéralisme", et notait que la majorité
alémanique pourrait supporter sans dommage l'arrivée au Conseil
fédéral d'une Romande aux côtés de deux Romands et d'un
Tessinois : cette majorité resterait ce qu'elle est dans la
population du pays (elle en représente les deux tiers), au
parlement fédéral, dans l'administration fédérale, dans les
commissions parlementaires, dans les textes et les discours
importants, et même très largement au gouvernement, si on tient
compte des secrétaires d'Etat (actuellement cinq
Alémaniques...). Les décisions les plus importantes se prennent
en allemand, les décisions de moindre importance en français,
l'italien ne vaut que pour l’anecdote et le romanche pour le
folklore (et de temps en temps l'Eurovision) La domination
alémanique ne risque donc pas d'être ébranlée. Tout juste
ébréchée, mais symboliquement, et temporairement. Pour le reste,
le Conseil fédéral ne sera pas plus à gauche, ou moins à droite,
avec l'entrée de Baume-Schneider. Sa gauche, en revanche, y sera
un peu plus à gauche.
C'est déjà ça.
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