Salaire minimum : la droite patronale contre le vote populaire
Le
        Conseil national a accepté ce mercredi à deux voix de majorité
        (95 voix à 93 et 4 abstentions*) une motion  proposée par un
        sénateur obwaldien du Centre, Erich Ettlin, qui veut désarmer
        les salaires minimaux introduits dans cinq cantons suisses, dont
        Neuchâtel et Genève. Selon cette proposition, les conventions
        collectives de travail de force obligatoire (CCT) devraient
        l’emporter sur les lois cantonales. En
        2023, le salaire minimum légal genevois passera à 4368 francs
        par mois, ou 24 francs de l'heure. Si on appliquait la
        Convention collective de travail de certains secteurs, comme le
        voudrait le patronat, ce sont des centaines, jusqu'à un millier
        de francs de salaire que perdraient chaque mois les salariés les
        moins bien payés. Dans la restauration, par exemple, le salaire
        minimum conventionnel est de 3477 francs pour les employés sans
        apprentissage . c'est presque 1000 francs de moins. Et bien
        d'autres secteurs sont concernés, comme la coiffure, le
        nettoyage, et même certains secteurs de la construction.
      On veut savoir qui (les élu.e.s de Genève,
        notamment) a voté quoi... Et qui s'est abstenu. Qui veut
        réinstaurer le dumping salarial. Qui trouve que 24 francs de
        l'heure, c'est trop payer. Et combien gagnent ceux (notamment au
        Centre, parce qu'on n'attend rien ni du PLR, ni de l'UDC) qui
        considèrent que les salaires minimums légaux genevois et
        neuchâtelois sont excessifs... Bref, on veut savoir "d'où tu
        parles, toi, quand du parles de salaire minimum ?".
    *"Si les députés
      genevois du PLR, du PDC et de l’UDC avaient refusé la motion Etlin
      qui attaque le #salaire_minimum à Genève,
      elle ne serait pas passée, aujourd’hui. Les employé.e.s qui
      pourraient perdre jusqu’à 1000 CHF/mois apprécieront !", note la
      Conseillère d'Etat geevoise Fabienne Fischer...
    
    On
          peut sans doute vivre sans aide sociale en Obwald avec un
          salaire de dix-neuf balles de l'heure -mais à Genève ?
    Il n'y a
        pas de salaire minimum légal national en Suisse, mais il y en a
        dans cinq cantons. Des conventions collectives étendues à tous
        un secteur en prévoient, mais souvent inférieurs aux salaires
        minimums légaux cantonaux. D'où l'intérêt, pour le patronat et
        la droite de privilégier les conventions à une loi instaurant un
        salaire minimum supérieur au minimum conventionnel. Au passage,
        le vote d'hier au Conseil national aura confirmé que le "Centre"
        est un parti de droite, et que si vous cherchez un "centre
        politique", ce n'est pas vers lui qu'il vous faut vous tourner,
        mais du côté des Verts libéraux... 
      
    Dans
        l'édito de l'hebdo patronal "Entreprise romande", du 4 novembre,
        le directeur des syndicats patronaux genevois, Blaise Matthey,
        s'attaquait au salaire minimum légal genevois (et neuchâtelois),
        et défendait la proposition de la droite fédérale, la motion
        Ettlin (du nom du Conseiller aux Etats PDC-Le Centre qui l'a
        déposée)  d'y privilégier les conventions collectives quand
        elles prévoient des salaires plus bas que le minimum légal, avec
        cet argument : "certes, les dispositifs cantonaux ont été
        approuvés démocratiquement, parfois avec l'aval du peuple"
        (comme à Genève, "mais la portée et la signification du
        partenariat social n'ont pas vraiment été mesurées" (or le
        salaire minimum genevois est mis en oeuvre après une négociation
        et sous l'égide d'une instance tripartite
        syndicats-patronat-Etat.... on est en plein dans le partenariat
        social, en plus d'être en plein dans la démocratie. Mais comme
        le peuple est con, surtout quand il vote des propositions faites
        par la gauche,  l'apparatchik patronal conclut qu'il est
        "légitime que la question (du primat des conventions collectives
        sur la loi) soit maintenant posée". Donc posons-là, et
        répondons.y :  le salaire minimum a été approuvé par le peuple,
        pas les conventions collectives. Et le salaire minimum est une
        loi, quand les conventions collectives ne sont qu'un acte de
        droit privé. Et le salaire minimum légal prime sur le salaire
        minimum conventionnel.
      
    Mercredi,
        au Conseil national, le Conseiller fédéral UDC Guy Parmelin a
        bien tenté de desserrer le licol passé au cou de la droite par
        le patronat, mais rien n'y a fait : le troupeau a meuglé à
        l'unisson du Conseiller national UDC et président de l'USAM (la
        faîtière patronale des PME) le ranz du "partenariat social" tel
        que la droite patronale le conçoit : celui qui, donnant la
        primauté aux conventions sur les lois, permet de verser des
        salaires plus bas que le minimum légal. La souveraineté
        cantonale, le vote du peuple, l'urgence sociale ? A deux voix
        près, la majorité de la "Chambre du peuple" les ont remisés au
        magasin des accessoires. Le Conseiller fédéral UDC a pourtant
        rappelé que la motion Ettlin viole les compétences des cantons
        (le Tribunal fédéral a confirmé que le salaire minimum relevait
        de la politique sociale, et donc de la compétence cantonale),
        qu'«ne CCT est un accord privé, soumis au droit privé" qu'elle
        n'a pas "la valeur d’une loi", ne peut pas "contredire le droit
        impératif de la Confédération et des cantons, que le salaire
        minimum est "une mesure de lutte contre la pauvreté prise pour
        éviter que des travailleurs et (surtout) des travailleuses se
        retrouvent "working poors", mais ces rappels sont lourdement
        tombés dans les oreilles de sourds volontaire -dont on ne risque
        pas grand chose à affirmer que les salaires et les revenus n'ont
        rien à voir avec ceux des travailleurs et des travailleuses que
        protège le salaire minimum légal. 
    
    La motion
        Ettlin ayant été acceptée dans les deux chambres, le Conseil
        fédéral doit revenir avec une proposition de loi, qui devra être
        à nouveau débattue au Parlement, et pourra faire (et fera
        certainement) l'objet d'un référendum, voire, à la première
        tentative de l'appliquer, de recours au Tribunal fédéral.  D’ici
        là, les salaires minimums dans les cantons restent en vigueur.
        Et le temps nous est donné de nous préparer à lancer le
        référendum salvateur. Parce qu'il s'agit bien de sauver des
        milliers de personnes à Genève de la menace de perdre jusqu'au
        quart de salaires déjà bas. Et de devoir solliciter une aide
        sociale pour boucler leur fin de mois, payer leur loyer. Une
        aide sociale qui serait une subvention accordée aux employeurs
        pour leur permettre de continuer à sous-payer leur personnel. 
    
    Dans le
        nettoyage, le salaire minimum légal genevois pour 2022 est de
        23,27 francs de l'heure (13e mois et vacances comprises), le
        salaire minimum conventionnel de 21,72 francs -mais seulement à
        Genève. Dans l'hôtellerie, la Convention collective prévoit un
        salaire minimum de 19,10 francs de l'heure. 20 % de moins que le
        salaire minimum légal genevois. On peut sans doute vivre en
        Obwald avec un salaire de dix-neuf balles de l'heure -mais à
        Genève ? 
      
    Dans la
        "Tribune de Genève" d'hier, une nettoyeuse genevoise résume :
        "Est-ce que Monsieur Ettlin serait d'accord de voir son salaire
        baisser de 20 %. Et est-ce qu'il sait que le bureau dans lequel
        il vient travailler tous les jours a été nettoyé par mes
        collègues" ? Peut-être le sait-il. Mais gageons qu'il s'en fout,
        comme ses collègues soutenant sa motion: ils sont d'un autre
        monde que celui dans lequel survivent les nettoyeuses, les
        femmes de chambre, les coiffeuses. 



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