Du Mondial qatari des nations au Mondial marocain des clubs
Les messes des marchands du Temple
"Le Mondial 2022 est l'occasion de se pencher sur
        la dimension religieuse du football", écrivait dans "Le Monde",
        juste avant la clôture des festivités qataries de ballopied,
        l'anthropologue Lionel Obadia. Empressons-nous d'ajouter que
        pour nous, accorder une "dimension religieuse" au football ne
        revient qu'à aggraver encore, s'il est possible, son cas. Et
        Lionel Obadia de poursuivre : "ces rencontres sportives
        émotionnelles et effervescentes, qualifiées d'ailleurs parfois
        de "messes", font en effet songer à des rituels collectifs; les
        joueurs sont qualifiés d'"idole", voire de "dieu" sur la base
        d'un étrange mélange des genres entre admiration profane et
        vénération sacrée", comme si "le monde moderne, en mal de grands
        récits et de systèmes de croyance, pouvait trouver dans le
        football un substitut à la religion". Piètre substitut,
        cependant, si on nous autorise cette parole d'athée
        pratiquant.... le football en effet "ne contient nulle
        cosmologie, et, finalement, ne nourrit aucun sens du
        surnaturel", sinon celui que l'on voudrait attribuer à la pluie
        de pognon qui s'abat autour des compétitions : des messes
        organisées par des marchands du Temple...  Alors,
        "qu'essaie-t-on, finalement, de dire sur nos sociétés et sur la
        trajectoire de l'humanité moderne en recourant à des références
        religieuses pour désigner une pratique sportive ?"... surtout la
        pratique de ce sport-là, ajouterons-nous... 
      
Un "QatarGate" et un "EuroGate". Et
          un "FootGate" ? 
        
Le Mondial qatari de foot s'est terminé sans que
        le fonds de compensation promis par la FIFA aux travailleurs
        migrants pour les dédommager du piétinement de leurs droits, ait
        été créé -et que l'on sache, il n'a toujours pas été créé, alors
        que le patron de la FIFA, Infantino, avait
        réitéré l'engagement de le créer, et suggéré qu'un pourcentage
        des bénéfices (estimés à
          un milliard de dollars) que la Coupole du foot mondial
        allait retirer des festivités qataries soit attribué à ce fonds.
        C'est ce que demandaient
          les ONG de défense des droits humains, en échange de l'abandon
          de leur appel à boycott. Le Mondial est terminé, la pression
          est retombée, on peut craindre que le fonds promis reste à
          l'état de promesse. D'autant que le Qatar s'est déjà adjugé (par les mêmes
          méthodes que le Mondial de foot ?) la coupe de foot d'Asie, le
          mondial de natation et celui de judo cette année et
        lorgne sur les Jeux Olympiques 2036.  Et que son partenaire et
        concurrent dans l'achat de votes dans les instances sportives et
        politiques mondiales et européennes, le Maroc, s'est adjugé le
        Mondial des clubs, du 1er au 11 février... 
      
Si le Mondial qatari a pris fin, sur le terrain
        des enquêtes policières et judiciaires, en revanche, l'année
        2022 s'est terminée et l'année 2023 s'est ouverte fort, par un
        "Qatargate" européen : la corruption de hiérarques européens par
        le Qatar, pour faire taire les critiques sur le choix de
        l'émirat pour organiser l'Euro et pour dévaluer la dénonciation
        des conditions dans lesquelles les travailleurs (immigrants) qui
        ont construit les stades ont été exploités -et en sont souvent
        morts. La vice-présidente grecque (et social-démocrate) du
        parlement européen, Eva Kaili, a été arrêtée et emprisonnée,
        puis déchue de sa fonction : plus d'un million d'euros ont été
        trouvés par la police belge à son domicile, et un autre bon
        paquet d'euros dans l'hôtel de son père. Trois autres
        protagonistes du "Qatargate" se sont retrouvés au gnouf : un
        ancien eurodéputé socialiste italien, Pier Antonio Panzeri, qui
        travaillait aussi pour le Maroc, son ancien assistant
        parlementaire, Francesco Giorgi , et le dirigeant de l'ONG "No
        Peace Without Justice", Niccolo Figa-Talamanca. La Belgique a en
        outre demandé à l'Italie l'extradition de la femme et de la
        fille de Panzeri. Le Secrétaire général de la Confédération
        internationale des syndicats (CSI), Luva Visentini, qui avait
        été arrêté, a été remis en liberté : il a avoué avoir reçu
        50'000 euros en liquide pour financer sa campagne de réélection
        à la tête de l'organisation syndicale, après quoi la CSI l'a
        suspendu de son mandat. 
      
L'enquête dessine un système de corruption assez sommaire : Panzeri et Giorgi collectaient des fonds au Maroc et au Qatar pour corrompre des parlementaires européens et les amener à défendre l'image de ces deux pays -le Maroc dans le conflit avec les Sahraouis, le Qatar après le choix de la FIFA de lui attribuer le Mondial de foot, mais les révélations, les arrestations, les mises en examen, les incarcérations, les aveux, ont un impact particulier en Italie, vu le nombre de politiciens, de conseillers de politiciens, de responsables associatifs et syndicaux italiens impliquée. Or quasiment tous ses responsables sont ou étaient marqué à gauche, à l'exemple de Panzeri, qui fut à la tête de la branche milanaise de la Confédération générale du travail (CGIL) et exerça trois mandats au parlement européen sous l'étiquette du Parti démocrate...Eva Kaïli était élue du Pasok (le PS grec), mais on trouve encore d'autre sociaux-démocrate dans la galaxie des suspects, comme les eurodéputés Marc Tarabella Alesandra Moretti et Marie Arena (entre autres). Tous avaient félicité le Qatar pour ses "réformes sociales" et apparaissaient dans la propagande officielle du Qatar : le dirigeant de la Confédération syndicale internationale Luca Visentini s'était d'ailleurs rendu à Doha pour proclamer que le Qatar était l'"exemple à suivre pour les prochains grands événements".
L'Eurodéputée Manon Aubry, de la France Insoumise,
        cheffe du groupe rouge-vert au Parlement européen, a donc
        certainement raison de dénoncer l'influence du Qatar dans le
        refus du groupe social-démocrate de voter une résolution sur les
        violations des droits humains par le Qatar. Une résolution votée
        grâce aux voix du groupe centriste, et sans celles de la
        majorité des socialistes et sociaux-démocrates. Cela étant, le
        Qatar n'est pas le seul impliqué : le Maroc l'est aussi, et a
        mis sur pied son propre réseau d'influence pour contrecarrer les
        velléités européennes de soutenir les Sahraouis. En outre, on ne retrouve pas que des hommes ou des
          femmes de gauche impliqués dans ce qui est à la fois un
          "QatarGate" et un "EuroGate" (et un "FootGate" ?), puisque Le
        futur secrétaire général du parlement européen, Alessandro
        Chiocchetti, nommé à ce poste avec le soutien d'Eva Kaïli, a
        honoré deux fois, en 2022, le Qatar d'une visite officielle -or
        c'est un proche de Forza Italia (le parti de Berlusconi). Et
        l'ancien commissaire européen grec Dimitris Avramopoulos, a reçu
        60'000 euros de l'ONG bidon Fight Impunity et prétend, ou
        prétendait, être le représentant spécial de l'Union Européenne
        pour les pays du Golfe -or c'est un conservateur.
      
Un bon connaisseur du parlement européen observe qu'y circulent "des lobbystes absolument pas déclarés comme tels, alors qu'ils en ont l'obligation" et qui "parfois (représentent) des ONG bidon". On y trouve aussi des "groupes d'amitié" qui lient certains parlementaires à certains pays, sans aucun contrôle. C'est fou ce que la Suisse, finalement, a en commun avec l'Union Européenne...



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