Elections cantonales genevoises de ce printemps : Où on est-on ?

 

A quelques mois des élections cantonales genevoises (au Grand Conseil et au Conseil d'Etat), c'est encore un peu le bordel dans les alliances à gauche et à droite -mais surtout à droite, où la vieille "Entente" libérale-radicale-démochrétienne s'est tirée une volée de grenaille dans l'aile. Le président du PLR avait eu cette comparaison osée pour plaider, sans grand succès, en faveur de l'union de la droite (UDC, PLR, Centre) pour le élections cantonales : "au parlement, nos trois partis travaillent ensemble, comme souvent aussi en Ville de Genève". Ouais, mais avec quel résultat ? A gauche, c'est la gauche de la gauche qui fait le spectacle avec deux listes divisant un électorat qu'il faudrait plutôt rassembler sur une liste unique pour passer l'obstacle du quorum (à moins de choisir délibérément de passer dans l'opposition extra-parlementaire), le PS et les Verts ayant de leur côté scellé leur alliance depuis l'été, et menant ensemble campagne pour le maintien de leur majorité au Conseil d'Etat. A part ça, "on" (l'impersonnel étant là pour éviter le pluriel de majesté) est candidat au Grand Conseil. Donc on va tenter de justifier cette étrange démarche : poser candidature à un législatif sans avoir vraiment le culte des lois, et à un législatif cantonal en clamant "Vive la commune". Mais ne faut-il pas une contradiction initiale pour produire une synthèse ?

Un parti socialiste doit marcher sur deux jambes

Pourquoi diable a-t-on déposé candidature à la candidature au Grand Conseil (la question de savoir pourquoi diable l'assemblée générale du PS a-t-elle retenu cette candidature ne se pose pas, puisque l'assemblée a retenu toutes les candidatures...) ? Il y a d'abord les raisons qu'on a données, il y a ensuite les raisons véritables, les unes avouables et avouées, les autres inavouables et qui resteront donc inavouées. Évidemment, il s'agissait, puisqu'au PS on ne peut cumuler les mandats, de soulager le groupe socialiste au Conseil municipal de la Ville de Genève en le libérant de notre présence, et de faire bénéficier le groupe socialiste au Grand Conseil de notre sens de la discipline, de notre respect des institutions, de notre vénération des magistrats, de notre pragmatisme social-démocrate. Mais il y a surtout ceci, qu'un parti socialiste doit marcher sur deux jambes. L'une fait de petits pas quand l'autre en fait de grands. Et donc, forcément on claudique. Et parfois même, on se casse la gueule (le PS français en sait, ou devrait en savoir, quelque chose).  Il convient donc que nos députées et députés soient les plus libres possibles de leurs choix, de leurs actes et de leurs mots.

Reprenons : un parti socialiste doit marcher sur deux jambes sans se casser la gueule. La jambe droite, celle des petits pas, c'est celle des propositions empiriques, pragmatiques, à court terme. La jambe gauche, celle des grands pas, c'est celle du projet politique, celle, même de l'utopie. "On" est donc candidat pour promouvoir l'abolition de l'Etat et son remplacement par la Commune, l'abolition de la propriété privée, de l'armée, de la police et des prisons, la collectivisation du sol, l'autogestion des hôtels de luxe par leur personnel, l'instauration du Léman comme monnaie officielle de la République et de la Commune, la réduction du temps de travail à deux heures par jour, l'instauration d'un revenu minimum inconditionnel équivalant à la moitié du salaire minimum légal. Et tout cela, évidemment, dans le délai, quinquennal, d'une législature. Après quoi, on pourra passer aux objectifs déraisonnables, irréalistes, genre : réunifier la gauche de la gauche genevoise, doter le canton d'une politique culturelle cohérente. Et sous le dernier baobab de ce qui fut, avant le réchauffement climatique, le bois de la Bâtie, les derniers militants de gauche réunis autour d'un feu de bouses de chameaux se demanderont pourquoi un programme aussi évident que le nôtre aura mis autant de temps à être concrétisé.

Bref, si on est élu, on aura à coeur de se battre pour (et par) la démocratie directe, avec tout ce qu'elle implique, à commencer par l'élargissement des droits démocratiques aux étranger.e.s, le renforcement de l'autonomie communale et le droit à la désobéissance civile... Car comme disait la première Constitution genevoise, en son article V : "L'acte par lequel le Fort opprime le Faible ne peut jamais produire un droit; l'acte, au contraire, par lequel le faible résiste ou se soustrait à l'oppression du Fort, est toujours autorisé par son droit, et résulte de ce qu'il se doit à lui-même".

Amen.

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