MAH : C'est la butte finale...

 

Genève : le Conseil municipal condescend à étudier le projet de rénovation et d'extension du Musée d'Art et d'Histoire

A l'ordre du jour du Conseil municipal de Genève hier soir, on était saisis d'une proposition du Conseil administratif d'un crédit d'étude de 19,9 millions pour "l'agrandissement et la restauration" du Musée d'Art et d'Histoire, le MAH. Et nous avions à trancherun bon vieux dilemme de dernière les fagots : on fait quoi, de cette proposition ? On l'accepte et on l'étudie, ou on refuse d'entrer en matière parce qu'on a des doutes sur le projet qui pourrait sortir du concours qu'elle finance ? Nous avons voté l'entrée en matière sur le crédit d'étude parce que nous avons envie, et même besoin, de pouvoir examiner toutes les options, d'entendre toutes les critiques (culturelles, financières, architecturales, urbanistiques, environnementales), de proposer des amendements, de mettre des conditions. D'examiner le sort à réserver à la "butte de l'Observatoire", cet espace arborisé face au musée qui semble être le principal objet de l'opposition à l'extension du musée. Et surtout, nous avons voté l'entrée en matière pour que le débat ne se fasse pas seulement sur le contenant, mais aussi, et surtout, sur le contenu du musée qu'on veut "restaurer". Le projet a donc été renvoyé en commissions des travaux et de la culture -mais le renvoi du projet à cette dernière n'a été acquis qu'à une seule voix de majorité... pour l'examen d'un projet portant sur une institution culturelle aussi considérable que le MAH, on dira poliment que c'est incompréhensible. Et moins poliment que c'est stupide.

Ouvrir le débat ou de prendre la pose avant de prendre la pause ?

S'agissant du projet de rénovation et d'extension du MAH, o n ne parle pas d'un parking ou d'un supermarché mais d'une institution culturelle, l'une des deux principales de la région (avec le Grand Théâtre), et le deuxième musée de Suisse : à quoi, et à qui, sert-il et à quoi servent les 35 millions que la Ville (et la Ville seule) lui affecte chaque année ? En a-t-on besoin, de ce musée ? Et si on a besoin, quel est ce besoin? La commission d'experts nommée pour phosphorer sur l'avenir du musée vaita avait écrit que"Les oeuvres et les objets ne font pas le musée, ils sont à son service". Certes, mais au service de quel musée, de quel projet muséal ? Un peu de mémoire ne nuit pas : l'absence d'un projet culturel n'a pas été sans fragiliser le précédent projet de rénovation -privé de contenu, il s'est évaporé dans les urnes de la votation populaire. Et ce sera le destin du projet de rénovation du MAH, s'il ne satisfait pas à des revendications et des contestations qu'on ne pourra estimer fondées qu'après avoir étudié le projet et entendu celles et ceux qui s'y opposent. Il s'agira peut-être alors de savoir ce à quoi on peut renoncer pour que le projet soit finalement accepté. Le "denak ala ezerez" ("tout ou rien"), c'est la garantie du naufrage du projet. Parce qu'on est plus en 1910, mais en 2023. Et qu'en 2023, à Genève, aucun projet ne résiste à la menace de la mort d'un arbre.

Au stade du crédit d'étude, nous avions le choix d'ouvrir le débat ou de prendre la pose avant de prendre la pause. Nous avons voté l'entrée en matière sur le crédit d'étude du projet (et non sur le projet lui-même) pour que s'ouvre le débat sur "l’agrandissement et la restauration" du vieux musée encyclopédique genevois.  Pour qu'on puisse l'évaluer en s'appuyant sur des auditions en commission. Pour qu'on puisse poser des questions qui nous importent : restauration et agrandissement, ou restauration seule ? et si agrandissement, où ça ? sur la butte de l'Observatoire, ou pas ? Cette extension sur cette butte n'est pas une condition sine qua non du projet -c'est une possibilité. Qu'on la saisisse ou non mérite qu'on en débatte, qu'on en évalue les conséquences, et l'utilité.

Nous sommes entrée en matière sur le projet de crédit d'étude, parce que nous voulons étudier le projet et en débattre dès le stade du crédit d'étude. Nous sommes entrés en matière parce que nous voulons entendre les défenseurs, les critiques et les opposants au projet. Nous sommes entrée en matière pour pouvoir amender, modifier, préciser ce qui doit l'être. Et savoir précisément pourquoi nous accepterons ce qui peut l'être, et refuser ce qui doit l'être. Nous sommes entrés en matière parce que nous voulons faire notre travail, et pas nous contenter de nous planter sur la butte de l'Observatoire en chantant "c'est la butte finale" pour regarder se décrépir un musée confit dans l'idée qu'on s'en faisait en 1910.



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