Mise en œuvre de l'initiative "Zéro Pub" en Ville de Genève : Mise en abyme et dépucelage démocratique
En mars fleuriront à Genève des affiches publicitaires pour défendre les affiches publicitaires commerciales : cette mise en abyme sera le fait des adversaires (la droite, les "milieux économiques", la corporation de la pub) de l'initiative municipale "Zéro Pub", validée par le Tribunal fédéral, acceptée par le Conseil municipal et dont la mise en œuvre est combattue par référendum. L'initiative (et son règlement d'application) visent à interdire les affiches publicitaires commerciales sur le domaine public de la ville -et dans le domaine privé visible du domaine public. On débat de cet enjeu dans bien des villes (en Suisse, on en débat à Lausanne et à Zurich), mais ce sera la première fois (sous réserve de vérification...) que la population de l'une d'entre elles votera pour décider d'une telle interdiction, l'accepter ou la refuser. Une sorte de dépucelage démocratique pour cette proposition... A deux pas de Genève, à Vernier, la question a été tranchée : la droite verniolane avait lancé un référendum contre la décision du Conseil municipal d'interdire la publicité commerciale (comme la droite municipale genevoise en avait lancé un contre la même décision du Conseil municipal de Genève). Elle avait proclamé l'aboutissement de son référendum, avec 2218 signatures quand il en fallait 1921 valables. Manque de pot, plus d'un tiers des signatures ont été invalidées parce que les signataires n'avaient pas le droit de vote à Vernier. Voilà ce que c'est que de payer des gens pour récolter des signatures sur un objet dont ils n'ont rien à foutre, sinon les pépètes qu'ils peuvent en tirer... Bref, à Vernier, l'interdiction de l'affichage publicitaire commercial sur les panneaux municipaux entrera en vigueur le 1er juillet 2023. En Ville de Genève, on attendra le résultat de la votation municipale de mars prochain pour savoir si elle pourra entrer en vigueur le 1er janvier 2025. Défenseurs de l'initiative et de sa mise en œuvre, telle que votée par le Conseil municipal, nous venons de lancer leur (notre...) campagne... Elle sera rude : l'adversaire est teigneux, et friqué.
Une ville "durable, prospère et solidaire" et avec le moins possible de racolage publicitaire
"Convaincu que la transition écologique se fera
        avec les citoyennes et les citoyens, soucieux de justice sociale
        et climatique, (le Conseil administratif de la Ville de Genève)
        s'est projeté dans un avenir décarboné reposant sur la
        sobriété": ainsi introduit-il sa "stratégie-climat" (www.geneve.ch/strategie-climat).
        Le moins que l'on puisse admettre, c'est que la réduction de
        l'emprise publicitaire dans l'espace public participe de cet
        objectif municipal. Pour autant, bien entendu, qu'on l'admette
        comme objectif, et qu'on se donne, et donne à la Commune,
        quelques moyens de l'atteindre. Et l'Exécutif municipal de
        proclamer son optimisme: "La Genève de 2050 est une ville
        durable, prospère et solidaire". Vingt-sept ans avant, celle de
        2023 votera dans moins de deux mois sur une mesure simple,
        concrète, finalement assez modeste, peu coûteuse (un tiers de
        millième du budget municipal), mais symboliquement forte :  la
        libération de l'espace public de la
        pression consumériste, en y interdisant la publicité commerciale
        et en réduisant le nombre de panneaux restant disponibles, et
        réservés désormais à l'affiche culturel, associatif, politique,
        syndical et corporatif (même quand il est sponsorisé par des
        entreprises commerciales...). 
      
Cette libération, c'est celle de la publicité
        commerciale. L'initiative "Zéro pub" ne prétend même pas
        atteindre cet objectif, mais seulement faire un premier pas dans
        sa direction : l'interdiction de l'affichage commercial (et de
        lui seul) dans l'espace public ou l'espace privé visible de
        l'espace public. Cette proposition, soutenue par la gauche (le
        PS, les Verts, Ensemble à gauche) dès le moment de la récolte de
        signatures, puis au Conseil municipal et maintenant dans la
        campagne pour la votation du 12 mars, et soutenue aussi par une
        coalition d'associations (comme la Grève féministe, la Grève du
        climat, Greenpeace, Les Objecteurs de croissance...) est
        évidemment combattue par une coalition inverse, formée des
        partis de droite (MCG, UDC, Le Centre, le PLR, Verts libéraux),
        des organisations patronales et de la corporation publicitaire,
        qui accuse l'initiative et son règlement d'application de
        péjorer la situation des commerces locaux, alors que la cible de
        l'initiative, l'affichage papier, est essentiellement utilisé
        par de grands groupes et des entreprises étrangères ou en mains
        étrangères (sur les 708 affiches commerciales présentes sur les
        panneaux visés par l'initiative, un quart sont de la Migros et
        de la Coop, suivies d'une société de streaming britannique, de
        Swiss, de 20 Minutes, de la Loterie Romande, de Hyundai, d'Emmi
        et de Coca-Cola -et la première entreprise "locale" dans ce
        classement est une régie immobilière... on cherche encore
        l'affiche du  bistrot ou de l'épicier du coin...). . On entend
        aussi pleurnicher la corpo publicitaire sur la mise en danger
        d'indépendants, de petits artisans (notamment des imprimeurs),
        alors que les grands utilisateurs de l'affichage publicitaire
        papier (les grands groupes, précisément) n'usent que de leurs
        propres services de communication et des grandes imprimeries. 
      
La campagne pour la votation municipale du 12 mars
        commence. Il dépend de notre capacité de mobilisation qu'elle se
        termine bien, et qu'elle fasse de Genève la première ville dont
        la population (du moins sa part qui fait usage de son droit de
        vote)  ait fait interdire (fût-ce très partiellement) la
        privatisation de son espace public par la publicité commerciale,
        et se l'être réapproprié. 
      
C'est bien le moins que puisse faire la population
        d'une future "ville durable, prospère et
        solidaire" que de l'être aussi avec le moins possible de
        racolage publicitaire non ?
      
      



Commentaires
Enregistrer un commentaire