Réforme du système français de retraite : Macron fait l'unité de la gauche

 

"Il y a urgence à réformer notre système de retraites" plaident en chœur, à l'unisson du président Macron et de sa Première ministre, tous les ministres gouvernement français. En fait d'urgence, cela fait quatre ans que Macron annonce qu'il va le réformer, le système français des retraites. Quatre ans, dont deux ans de confinement -donc deux ans sans manifs de masse s'opposant à un projet... mais un premier échec en 2020. Urgente, la réforme le serait notamment "parce que presque tous nos voisins l'ont déjà faite"... la Suisse est-elle comprise dans le "presque", elle qui a voté il y a quelques moins une réforme "AVS 21" qui repousse d'un an l'âge de la retraite des femmes pour le fixer au niveau de celui des hommes, à 65 ans ( le projet du gouvernement français veut le fixer à 64 ans) ? Les arguments avancés pour défendre le report de l'âge de la retraite sont en tous cas les mêmes en France aujourd'hui qu'en Suisse en 2022 : "le système de retraite par répartition est en danger", si on ne le réforme pas, il est condamné à la faillite... On ne préjugera pas le sort du projet  français de réforme. On observera seulement qu'il a fait contre lui l'unité de la gauche politique et syndicale. Et que c'est déjà un succès. Inespéré. Et pas franchement attendu par le président et son gouvernement, mais bienvenu : "la colère monte en son cratère". La NUPES tiendra un meeting unitaire demain, la France Insoumise annonce une marche samedi, les syndicats, unis, une journée de lutte le 19 février (1er ventôse...). Alors, du fond du cœur, merci, camarades président et première ministre, de votre aide à la reconstruction de l'unité de la gauche française.

 Des "Jours Heureux" aux "jours de colère", de la "mère de toutes les réformes" à la "mère de toutes les batailles"

Que contient le projet de réforme du système français de retraite, présenté par le gouvernement comme "juste et équilibré", et qui sera sans doute approuvé par les deux Chambres du parlement puisque la droite démocratique le votera (il n'y aura donc pas besoin d'un recours au fameux article 49.3 de la Constitution, qui fait du projet, sans débat parlementaire, l'équivalent d'un vote de confiance ou de censure) ?  Il  allonge à 64 ans l'âge légal de la retraite pleine et entière, en le repoussant de trois mois par année jusqu'en 2030 (mais l'âge de la retraite reste fixé à 62 ans pour les emplois pénibles), il instaure dès 2027 l'exigence de 47 années de cotisations pour une rente pleine (mais prévoit des retraites anticipées pour les "carrières longues", commencées avant l'âge de 20 ans), il revalorise la rente minimale, pour tous les retraités actuels et futurs, en la fixant à peu près (1200 euros) au niveau du minimum AVS suisse. Le porte-parole du gouvernement français l'assure : "personne n'aura à travailler au-delà de 67 ans" (même pas Mélenchon ?). Et les Français sont priés de le croire. Mais ne le croient pas. Et le gouvernement insiste sur le fait que la France est l'un des pays européens où l'âge légal actuel de départ à la retraite est le plus bas, et que même en le repoussant à 64 ans, il restera plus bas que dans tous les pays voisins (il est de 65 ans en Allemagne, en Belgique, en Espagne et en Suisse). De cette argumentation, de toute évidence, les Françaises et les Français se contrefoutent : selon les sondages, entre 68 et 74 % d'entre elles et eux s'opposent à la réforme Macron-Borne, ne serait-ce que parce qu'à partir de 50 ans, il est très difficile de trouver ou retrouver un emploi, et qu'ils ne croient nullement à la faillite du système de retraite par répartition si la réforme n'est pas adoptée.

Le combat que la gauche française, syndicats unis et partis politiques de la NUPES rassemblés, va mener contre la réforme Macron-Borne est le même que celui que la gauche politique et syndicale suisse a mené -et perdu de peu- contre la réforme A VS-21. Que l'âge légal de la retraite proposé en France soit d'un an plus anticipé que celui voté en Suisse, que la réforme française ne sera pas soumise, institutionnellement au peuple, est accessoire : dans les deux pays, on repousse l'âge légal de la retraite au motif ou au prétexte d'équilibrer les comptes du système, sans examiner les alternatives à ce report. Et dans les deux pays, finalement, c'est bien le peuple qui a été appelé (en Suisse) et qui est appelé (en France) a sceller le destin de la réforme. Il l'a fait en Suisse en votant, il le fera en France en manifestant, en cessant le travail, en protestant en nombre suffisant, ou insuffisant. La manif, la grève, les blocages d'accès, c'est un vote quand on n'a pas le droit de voter. Alors que la Première ministre Elisabeth Borne assure que "nous sommes prêts à faire encore évoluer notre projet", et qu'il a d'ailleurs déjà évolué entre le moment où il a été annoncé (il prévoyait la retraite à 65 ans, il la prévoit à 64 ans, et augmente les rentes minimales), les syndicats considèrent qu'avec le gouvernement, "il n'y a plus de discussion. Il y a des échanges, c'est tout. On a affaire à un président de la République qui considère qu'il a raison tout seul. Donc pour discuter, c'est compliqué" (Philippe Martinez, secrétaire général de la CGT). C'était aussi "compliqué" avec les "gilets jaunes", mouvement sans représentants, sans organisation, et refusant tout compromis, là, ce l'est avec des organisations politiques et syndicales structurées, présentes dans les institutions, détentrices de lignes politiques. 

Le 13 avril de l'an défunt, Macron promettait à la France qu'elle allait retrouver "les jours heureux". "Les Jours Heureux", c'était le titre du programme de 1944 du Conseil national de la Résistance, le programme social-démocrate (partagé par les communistes, les socialistes, les radicaux, les démocrates-chrétiens, les gaullistes) de la Libération -qui sera en grande partie réalisé par les premiers gouvernements de la IVe République, à commencer par celui, provisoire, de De Gaulle. A défaut de "jours heureux", Macron aura peut-être fait retrouver à la France les "jours de colère" et la "mère de toutes les réformes" de Macron sera la "mère de toutes les batailles" de la gauche. 


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