A Genève, le 12 mars, on pourrait abolir un privilège fiscal

"Contre le virus des inégalités"

On ne vote pas qu'en Ville de Genève le 12 mars, à Genève : tout le canton votera aussi sur une initiative fiscale, "contre le virus des inégalités... Résistons ! Supprimons les privilèges fiscaux des gros actionnaires". L'initiative, soutenue par toute la gauche et combattue par toute la droite, propose de modifier la loi sur l'imposition des personnes physiques afin de rendre imposable la totalité des dividendes versée aux actionnaires d'une société, alors que seuls 60 % de la fortune commerciale et 70 % de la fortune privée issus de dividendes sont actuellement imposables -et encore : à condition que le bénéficiaire des dividendes détienne au moins 10 % du capital-actions de l'entreprise qui le rémunère. L'acceptation de l'initiative apporterait 150 millions de francs de recettes fiscales supplémentaires au canton et aux communes. Qui en ont besoin, tant les urgences auxquelles répondre sont nombreuses : climatiques, sociales, de mobilité, d'aménagement...

Taxer l'argent produit par de l'argent, pas par un travail

Les dividendes sont un revenu touché par des personnes détenant des actions au sein d'une société anonyme. Des revenus qu'on touche pour la seule raison qu'on disposait d'une fortune qu'on pouvait investir dans l'achat d'actions. En d'autres termes, c'est de l'argent produit par de l'argent, non par un travail -sinon celui des autres, ceux qui sont taxés sur la totalité de leurs revenus...  A la fin du siècle dernier, les dividendes pesaient moins du tiers des bénéfices d'une société anonyme. Aujourd'hui, c'est plus des deux tiers. Les revenus des actionnaires ont progressé dix fois plus vite en vingt ans que les modestes 18 % de progression, inférieure à l'inflation, des revenus du travail des ouvriers. Et la Suisse arrose intensivement de dividendes les actionnaires de ses sociétés par action : ils ont touché près de 18 milliards de dividendes au premier semestre 2022 : c'est plus du triple qu'en Allemagne. Et à Genève, puisque c'est d'une initiative cantonale dont on parle ici, 1600 gros actionnaires (détenteurs de plus de 10 % des actions d'une société) touchent chaque année un milliard de dividendes, soit en moyenne 625'000 francs par personne. Sans avoir rien fait d'autre que placer leur fortune dans des actions. Qui produisent des dividendes. Qui ne sont, depuis une dizaine d'années, que partiellement imposés, alors qu'ils l'étaient totalement, comme les autres revenus. C'est à cette imposition normale qu'il s'agit, par l'initiative, de revenir... Ce dont, évidemment, la cohorte des profiteurs de ce système (avocats d'affaires, fiscalistes, gros actionnaires) et de leurs porte-voix politiques (la majorité de droite du parlement), qui ont réduit de moitié l'imposition des bénéfices des entreprises en 2020,  ne veut pas entendre parler.

Sans surprise, l'initiative, soutenue par toute la gauche, est combattue par toute la droite patronale et politique (du MCG au Centre en passant par le PLR et l'UDC). Avec le même argument massue qu'elle nous sert à chaque tentative d'aller prendre un peu d'argent là où il y en a beaucoup pur en redistribuer là où on en a besoin : si l'initiative était acceptée, "les propriétaires d'entreprises s'en iraient", quitteraient Genève, tocsinent "les autorités" dans la brochure officielle de présentation de l'enjeu... Ils n'auraient donc, balzaciens, choisi Genève que pour des raisons fiscales ? 

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