Accueil préscolaire, ouverture de places de crèches, municipalisation du secteur de la petite enfance : Les pesantes nostalgies de la droite genevoise
La droite municipale genevoise voulait lancer un référendum contre le budget 2023 de la Ville de Genève, parce qu'il contient les lignes finançant le début de la municipalisation progressive des crèches de la Ville, et qu'elle, la droite municipale genevoise, y est allergique. Si le référendum avait abouti, il aurait provoqué un vote populaire en Ville de Genève, et donc un débat qui aurait permis à la gauche, et d'abord au PS puisque c'est sa magistrate, Christina Kitsos, qui le porte, de défendre le projet de municipalisation du secteur de la petite enfance, pour faire de l'éducation préscolaire une véritable politique publique, comme l'école, et accorder au personnel du secteur (féminin à 90 %) une revalorisation de ses salaires et de ses droits sociaux. On l'attendait donc avec gourmandise, le référendum. Las ! la droite s'est plantée au stade de la récolte de signatures, et donc référendum il n'y aura pas. Pour autant, la droite genevoise ne renonce pas à tenter, sinon de s'opposer, du moins de freiner, d'entraver la municipalisation. Et deux projets de loi ou de modification d'une loi existante ont été annoncés en ce sens, l'un par la députée PLR Diane Barbier-Muller, l'autre par le député du Centre (ex-PDC) Sébastien Desfayes. Le projet de loi PLR fait dans la sous-enchère salariale : il demande que les crèches privées (non-subventionnées) ne soient plus tenues de respecter l'exigence de la convention collective de travail ou des paliers salariaux en usage à Genève, où la majorité des crèches sont gérées par la Ville. Quant au projet de loi centriste, il fait, lui, dans la nostalgie : il demande que les communes puissent, comme il y a un siècle, subventionner les parents plutôt que les crèches, . Et cette subvention aux parents passerait par des bons. Elle aime bien les bons, la droite genevoise, d'ailleurs : elle avait réussi à transformer les allocations de rentrée scolaire accordées par la Ville en bons pour des fournitures scolaires à acheter dans les magasins qui veulent bien les accepter, ces bons. Toujours comme il y a un siècle...
Ah, le bon vieux temps des crèches paroissiales et de patronage...
La gouvernance du secteur de la petite enfance en
Ville de Genève est "à bout de souffle", avait asséné la Cour
des Comptes dans un rapport que lui avait demandé la Conseillère administrative
Christina Kitsos, et qui a été rendu public le 3 mars
2022 : la gestion des crèches par des associations et leurs
bénévoles "sans compétence
métier et sans expérience managériale" a atteint ses
limites, et c'est le secteur municipal de la petite enfance qui
se retrouve pallier aux insuffisances des comités associatifs,
sans en avoir reçu les moyens humains : il a créé 900 places de
crèches en dix ans et répond, si on ne tient compte que des "communiers", à
82 % des besoins d'accueil "élargi". Mais
comme le besoin d'un accueil préscolaire et parascolaire
s'accroît
en même temps que la population à accueillir, il manque encore
au moins 1000 places de crèche en Ville.
Dans les six ans à venir, la Municipalité a prévu de créer 684
nouvelles places, en majorité dans des espaces de vie enfantine
et jardins d'enfants. L'enjeu de la politique municipale de la
petite enfance est donc quantitatif (places de crèche, taux de
couverture des besoins, taux d'occupation des crèches) mais aussi qualitatif -et pleinement politique : c'est tout
l'enjeu de la municipalisation, qu'il y
a un droit des parents à une place de crèche pour leurs enfants,
comme ils ont droit à une place à l'école. Mais pour cela,il
faut que les crèches soient municipales, comme l'école est
cantonale. Et il faut que dans l'accueil des enfants en crèche
ou en restaurant scolaire se fasse en respectant des critères
qualitatifs clairs : une alimentation saine, un encadrement et
une prise en charge efficaces, un suivi éducatif. 87 %
des 6500 places d'accueil de la petite enfance offertes
en 2021 dans des structures collectives comme les crèches
l'étaient dans des structures municipales, exploitées ou
subventionnées par les communes. Et la Ville de Genève
gère ou subventionne déjà la majorité de ces structures,
et donc de ces places. La
réforme projetée de la "gouvernance" des institutions de
la petite enfance en Ville de Genève, c'est-à-dire leur
municipalisation, déjà engagée à Lancy, sera progressive.
Elle a pour premier objectif de permettre à la Ville de
répondre aux besoins des familles, de créer de nouvelles
places de crèche, d'améliorer les prestations, de
respecter un principe d'égalité de traitement entre les
familles. Et de réformer la "gouvernance" du secteur : les 77
structures d'accueil subventionnées à 80 % par la Ville
reposent essentiellement sur des comités bénévoles,
souvent dépassés par les exigences de gestion de leurs
structures, notamment celles de gestion du personnel.
On n'est plus au temps où la
bonne société créait des crèches pour les enfants des familles
nécessiteuses, une crèche n'est pas une étable, et les crèches sont le premier lieu de
dépistage des besoins particuliers des enfants, souvent le
premier lieu de leur éveil culturel et de leur rencontre avec
d'autres enfants que leurs frères et sœurs. Mais il faut encore en convaincre
la droite genevoise -et ce n'est pas une tâche facile : en
témoigne le projet du député Desfayes, qui,
au moins, ne dissimule pas son ambition de "mettre fin à
la municipalisation des structures d'accueil" par la
gauche, et qui propose de faire payer par
les communes des bons à disposition des parents et utilisables
sur l'ensemble du canton (on voit ça d'ici : Vandoeuvres ou
Anière payer des bons pour l'accueil dans des crèches créées,
gérées, financées par la Ville de Genève...). Et ces bons
seraient valables pour n'importe quel mode de garde : crèche,
garderie, jardin d'enfant, familles d'accueil de jour...
Il appelle ça une proposition "révolutionnaire" le député centriste, qui est allé chercher son inspiration à Bienne. "Révolutionnaire", son projet l'est sans doute, mais au sens astronomique du terme, qui décrit par exemple le parcours de la lune autour de la terre. En cette acception, tourner en rond est effectivement "révolutionnaire". Mais l'important n'est-il pas qu'en tournant ainsi en rond dans le débat sur la politique d'accueil de la petite enfance, on le fasse au moment d'une campagne électorale, quitte à toujours repasser par le point de départ : le bon vieux temps des crèches paroissiales et de patronage ?
Commentaires
Enregistrer un commentaire