Un vote historique du Conseil municipal de Genève : autoriser les tenues de bains dans les piscines

Hier soir, le Conseil municipal de la Ville de Genève a pris une décision historique. Révolutionnaire, même. Bouleversifiante de l'ordre social. Hier soir, le Conseil municipal a ouvert les piscines publiques à tout le public, à la seule condition qu'il s'y baigne en tenue de bain. Il a accepté une proposition socialiste, amendée par les Verts, consistant à supprimer, dans le règlement des installations sportives de la Ville de Genève, une disposition qui imposait des règles vestimentaires  d'une absurde précision, et différentes pour les femmes et les hommes. La proposition était claire, simple, et tenait de l'évidence, mais il a fallu constamment préciser de quoi il s'agissait, sans même arriver à se faire comprendre d'une forte minorité du parlement communal. Ce fut long, répétitif, lancinant : il y aura fallu trois débats, et peut-être y faudra-t-il encore un référendum. Mais nous sommes à la fois obstinés, optimistes et inclusifs. Et même compassionnels, puisque, conscients de l'état dans lequel se trouve la droite municipale genevoise, nous lui offrons l'occasion de lancer un référendum pour tenter (si elle arrive à récolter les signatures nécessaires) de se refaire une petite santé. Bref, on y aura mis le temps, mais on y est arrivés : il devrait n'être obligatoire pour se baigner dans une piscine publique genevoise que d'y porter une tenue de bain. Révolutionnaire, non ?

Un règlement municipal d'accès aux piscines n'est pas un dress code

Le règlement municipal genevois sur les installations sportives avait été modifié une première fois le 26 juillet 2017 par le Conseil administratif, pour fusionner en un seul, valable pour toutes les installations sportives municipales, les quatre règlements différents alors en vigueur : un sur les stades et terrains de sport, un sur le centre sportif des Vernets, un troisième sur le Pavillon des sports et un quatrième sur la piscine de Varembé. Mais ce règlement désormais unique a été modifié quatre mois et une semaine mois plus tard, le 6 décembre 2017, par le Conseil municipal, alors à majorité de droite, qui a trouvé indispensable d'y insérer des dispositions vestimentaires particulières, différentes pour les hommes (maillot de bain, sans autre précision que "longueur maximum au-dessus du genou") et les femmes (maillot de bain "une pièce ou deux pièces" et "bras nus")...

Nous avons donc proposé de poser pour tout le monde la règle posée pour les hommes : le maillot de bain, et peu importe qu'il soit en une ou deux pièces et que les bras et les jambes soient couverts ou non... Parce qu'un règlement municipal d'accès aux piscines n'est pas un dress code et que la seule règle rationnelle à appliquer dans les lieux de bains est celle d'y porter une tenue de bain : ce n'est ni à la commune ni au canton de choisir quel costume de bain porter, c'est aux baigneurs et aux baigneuses. L'interdiction de la nudité suffit -et encore, c'est un compromis, parce qu'après tout, la nudité est bien une tenue de bain.

Nous n'avons parlé que de tenues de bains, pas de vêtures religieuses. Le burkini, invoqué à satiété par la droite dans le débat (elle n'a même parlé que de cela), on s'en fout : c'est la droite qu'il obsédait. Comme si la laïcité, qu'elle découvrait à l'occasion, se mesurait en centimètres carrés de tissu de bain. Nous n'avons parlé que de lieux de bains, pas d'espaces de prêche ou de dispute religieuse. Nous n'avons proposé qu'une chose : que dans des lieux de bains, on porte des tenues de bains pour aller se baigner. Qu'on assure l'accès de tout le public à un équipement public. Que cet accès soit non discriminatoire. Qu'il ne soit pas soumis à des prescriptions sans justification rationnelles. Et puisque nous sommes dans un équipement public, en mains publiques, devant être accessible au public, toutes les femmes doivent avoir accès aux piscines municipales. Toutes les femmes, et tous les hommes. Toutes et tous, sans privilège. En portant des tenues de bains. Parce qu'au bout du compte et des débats, c'est bien de cela et que de cela dont il s'agit  : de l'accès public aux piscines publiques. De cela, et de rien d'autre. De cela, et pas de religion. De cela, et pas de guerre des civilisations. D'un règlement d'accès aux piscines, pas d'un appel à la Croisade.

Rien ne ressemble plus à une prescription vestimentaire que la prescription vestimentaire inverse :  Interdire aux femmes de montrer leurs bras et leurs jambes à la plage ou à la piscine, ou les obliger à les montrer, cela se vaut. Imposer des maillots de bains couvrants, comme tel était le cas jusque dans les années trente (https://gallica.bnf.fr/blog/23072021/petite-histoire-des-maillots-de-bains-de-1850-1928?mode=desktop), interdire le bikini, puis le monokini, puis le burkini, cela se vaut. Relisez Foucault : contraindre ou interdire procède du  même rapport d'autorité. Quand l’Etat ou la commune se mêle de dire aux femmes comment se vêtir ou se dévêtir, ni l’un, ni l’autre n'est motivé par autre chose que par le dur et vieux désir de contrôle du corps des femmes, et par l’interdit fait aux  femmes d’en disposer à leur guise.

Et qu'on se rassure : l'accès public aux piscines publiques à la seule condition de s'y baigner en tenues de bain ne fera pas de la piscine de Varembé la piscine de Médine, ni de celle des Vernets celle de La Mecque. Il n'en fera que ce pourquoi elles ont été ouvertes : des piscines publiques accessibles à tout le public.       


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