Que nous dit l'initiative "Zéro Pub" de l'espace public ?

Reprenez ce qui est à vous !

 Que nous dit l'initiative "Zéro Pub", dont le règlement d'application (et non l'initiative elle-même, acceptée par le Conseil municipal) est soumis, le 12 mars, à la sagacité des 125'000 (et des poussières) habitants et habitants de la Ville de Genève disposant du droit de vote (et à une curiosité qui dépasse les frontières de la parvulissime République) ? Elle nous dit que l'espace public n'est pas l'espace privé de la marchandise. Qu'il est l'espace de toutes et de tous. Qu'il n'est pas à vendre. Qu'un peu, un petit peu, un tout petit peu (20 %) de cet espace public qui a été privatisé peut revenir au public. En conséquence de quoi l'affichage commercial sur support papier est interdit en Ville de Genève sur le domaine public et le domaine privé visible du domaine publique, mais l'affichage culturel ou à portée éducative, la promotion et le sponsoring de manifestations culturelles, sportives,  ou récréatives demeurent autorisé. En outre, des supports vierges sont mis à disposition de la population destinés à la libre expression artistique et à la communication des associations ou institutions locales sans but lucratif.  Bref : "Zéro Pub", c'est la reprise collective d'un espace collectif...

La pub commerciale fera un peu moins le trottoir, et alors ?

Le 1er janvier 2017 à Genève, ce ne sont pas les rues qui se sont parées de blanc, mais les panneaux d’affichage publicitaire,  à la faveur d'un changement de concessionnaire d’affichage publicitaire en Ville de Genève et d'un désaccord entre le nouveau concessionnaire et l'ancien, qui disposait de longue date d’un monopole. Des affiches laissées blanches pendant deux semaines sont investies par des citoyennes et citoyens ainsi que par des artistes, y déployant leur créativité. C'est de là qu'elle sort, l'initiative "Zéro Pub", sur l'application de laquelle on se prononcera le 12 mars prochain. De là, de cette inattendue libération de l'espace public de l'emprise de la publicité commerciale. Ce sera peut-être  la première fois que la majorité de la population d'une ville pourra se prononcer sur la suppression de l’affichage commercial (cette suppression a certes déjà été décidée ailleurs, comme dans le canton de Genève  à Puplinge, Presinge, Jussy, Vernier, et en France à  Grenoble et Nantes, mais elles y ont été décidées par les autorités, pas par le peuple. Et c'est une première victoire de l'initiative populaire : le débat est entré sur la place publique, cette même place que l'initiative veut libérer du mercantilisme. La place publique d'une capitale financière et économique.  Vertu de la démocratie locale et directe : ce sont les cibles de la publicité, les gens, qui décideront de ce qu'ils auront envie de voir sur les panneaux publicitaires : des macdos ou des concerts ? L'affichage à portée culturelle, éducative ou sportive, même sponsorisé, l'affichage d'origine associative ou corporative restera autorisé. L'initiative, ni son règlement d'application, n'abolissent pas la pub, ni ne l'interdisent: elle et lui en réduisent un peu l'emprise c'est tout.

C'est tout, mais c'est encore trop pour les opposants, qui hurlent à l'étranglement de l'économie en général et du secteur de la pub en particulier, à la censure, à la persécution du petit commerce local... Foutaises...

... comme si l'interdiction de la publicité par affichage pour l'alcool ou le tabac avait ruiné l'économie...

... comme si la Migros, la Coop, les grandes banques étaient des petites entreprises locales...

...comme s'il était cohérent de geindre sur quatre millions de redevances en moins et un million de charges en plus pour la Ville (dans l'argumentaire, les opposants évoquent un total de dix millions -l'amour des chiffres ronds, sans doute) quand on propose de la priver de 150 millions de rentrées fiscales en supprimant l'imposition au lieu de travail ou la taxe professionnelle...

...comme si étaient crédibles ceux qui suggèrent qu'en perdant ces dix millions (soit moins d'un centime additionnel d'impôt communal), la Ville perdrait les moyens de créer 331 places de crèches, mais qui étaient prêts à lancer un référendum contre le budget municipal précisément parce qu'il créait des places de crèches...

... et qui prouvent, en se payant un encart de quatre pages dans GHI (en attendant sans doute de squatter d'autres publications, pour y balancer les mêmes âneries), qu'ils ne manquent pas d'espaces divers et variés autres que des affiches sur le domaine public pour vendre et se vendre : les media de masse et de niche, les transports publics, les boîtes aux lettres, les panneaux d'affichage situés hors de l'espace public municipal (dans les gares, les aéroports, par exemple), les réseaux sociaux...

L'affichage publicitaire dans la rue, on ne peut y échapper (contrairement à la pub dans les media, ou sur les réseaux : on peut tourner la page d'un journal, bloquer la pub sur son écran d'ordinateur -on ne le peut pas quand elle racole sur un panneau d'affichage dans l'espace public). Réduire cette pub là, dans cet espace là, c'est réduire la contrainte d'y être confronté. C'est d'ailleurs ce qui a déjà été fait autour de la rade et dans le vieille ville, où les affiches commerciales sont prohibées -mais pas les affiches culturelles). Et c'est réduire en même temps la concurrence parfaitement déloyale que les grands utilisateurs de l'affichage publicitaire font au commerce de proximité qui n'y a pas accès : Vous en voyez beaucoup, vous, sur les panneaux publicitaires dans l'espace public, d'affiches de votre boulanger, votre épicier, votre libraire de quartier ?

"Consommer moins et mieux, c'est l'objectif visé par la Ville de Genève", proclame le Conseil administratif dans sa "stratégie climat". Mais "viser" un objectif est une chose -l'atteindre en est une autre. Si les Genevois et voises de la Ville acceptent le règlement d'application de "Zéro Pub", la pub commerciale fera un peu moins le trottoir. Elle n'en mourra pas. Les trottoirs non plus, ni les commerces de proximité, ni le secteur de la publicité, ni la liberté de création -qui, le mercantilisme un peu contenu, s'en portera mieux. Comme l'espace public. Comme tout le monde (ou presque)...

Et si vous voulez en savoir plus sur l'initiative qu'on a pu vous l'écrire en l'espace congru de cette page? Lisez le dernier numéro de "Causes Communes" : vous le trouverez sur les stands socialistes qui se tiennent un peu partout dans la ville, et vous pourrez aussi le télécharger sur internet (https://www.ps-geneve.ch/causes-communes/) . Et vous pouvez aussi vous informer sur https://ouizeropub.ch/

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