8 mars : Journée internationale de lutte pour les droits des femmes

 

Le sabbat et le mouron

Une semaine après le navrant vote populaire relevant à 65 ans l'âge de la retraite des femmes, dans la manifestation lausannoise la colère s'exprimait ainsi contre Alain Berset :"de la part d'un ministre socialiste, c'est une honte de soutenir une mesure antisociale", résumait une militants de la Grève féministe. Et une autre résumait : nous ferons de notre rage une force pour la Grève féministe du 14 juin. Avant quoi, aujourd'hui,c'est la journée internationale de lutte pour les droits des femmes. Ni la fête des mères, ni la fête de la femme, ou des femmes, mais celle de la lutte pour leurs droits. Tous leurs droits. De toute les femmes. Dans le calendrier pataphysique, le 8 mars, c'est le jour du sabbat. Et dans le calendrier républicain, le jour du mouron. Un sabbat pour les droits, et du mouron pour qui les nie.

Rendez-vous pour la manifestation de la journée de lutte, 17 heures, rue du Mont-Blanc.

"Jin, jihan, azadi" ("Femmes, vie, liberté")

Quel contenu aura cette journée internationale de lutte pour les droits des femmes, qui va précéder de trois mois la grève féministe du 14 juin ? Celui du slogan des femmes kurdes d'Iran, "Jin, jihan, azadi" ("Femmes, vie, liberté") pourrait les résumer toutes. Les revendications, les proclamations du 8 mars annoncent celles du 14 juin : d'abord, la solidarité avec les femmes du monde entier qui paient de leur vie leur résistance à la négation de leurs droits, comme en Iran, en Afghanistan, ou sont confrontées à la guerre, aux exactions et à l'exil, comme les Ukrainiennes.
La solidarité, ensuite avec les femmes en situation de handicap, victimes de violences sexistes, invisibilisées, privées de leurs
droits à l’autodétermination, à l’éducation, à l’autonomie, à l’emploi, aux soins, à l’accessibilité à l’espace public, aux logements, aux écoles et aux lieux de formation, professionnels ou de loisirs.

Et puis, il y a le combat, ici et maintenant, pour gagner l’égalité au travail et dans la vie, l'indépendance économique -et donc de bons salaires, de bonnes retraites.

Le combat féministe, c'est aussi une meilleure représentation dans toutes les instances du pouvoir, économique comme politique; du temps pour vivre, un vrai partage des tâches domestiques et parentales, une réduction du temps de travail pour toutes et tous;  plus de places de crèches.

C'est la défense du droit à l’avortement toujours menacé ou nié, la mise en œuvre de politiques assurant la fin des violences sexistes et sexuelles et de l'impunité des agresseurs, pour une réelle solidarité avec les victimes, pour que les lois existantes soient complétées et appliquées !

C'est enfin pouvoir faire librement ses choix de vie, vivre librement son orientation et son identité sexuelle, une éducation non sexiste, la mise en place effective d’une éducation à la sexualité et au consentement, la fin des stéréotypes dans les manuels scolaires, une orientation scolaire et professionnelle non genrée.

"Le combat féministe peut entraîner avec lui tous les autres combats, car son essence est la revendication qu'aucune différence de traitement n'est acceptable sur la simple base d'une différence physique ou de choix de vie. Si nous nous accordons sur cette valeur de base, alors tous les autres types de discrimination tomberont" (Christiane Taubira).

Le capitalisme a construit un modèle social dans lequel une place et un rôle sont assignés à chacun.e, à chaque groupe social, à chaque composante de la société. Et dans ce modèle, la place de la femme est au foyer familial et son rôle de le "gérer", de le garantir. Et lorsque l'évolution sociale et économique a fait croître l'importance des services à la personne, presque mécaniquement ce sont les femmes qui en ont été chargées, contre rémunération (modeste) pour la société puisque c'était déjà elles qui s'en chargeaient (gratuitement) pour la famille. Mais on était toujours dans la reproduction -de l'espèce, de la tribu, de la famille, de la société, la production,elle, restait le domaine privilégié des hommes. La reproduction aux femmes, la production aux hommes, cela signifie aussi la croissance aux hommes, la stabilité aux femmes. Le système se maintient grâce à elles, à leur travail salarié et à leur travail non-salarié, domestique.

"J'attends que (les femmes) fassent la révolution. Je n'arrive pas à comprendre, en fait, qu'elle n'ait pas déjà eu lieu" : ce sont les derniers mots écrits de Gisèle Halimi, décédée le 28 juillet dernier. On les retrouve dans son témoignage posthume, "Une farouche liberté" (Grasset). Que "n'arriv(ait) pas à comprendre" l'avocate et militante de 93 ans ? Que trop de femmes "consentent à leur oppression" -un consentement "mué en complicité" que "religion et culture se liguent depuis des siècles pour fonder". Comme disait Balzac, "la femme est une esclave qu'il faut savoir mettre sur un trône". Et Gisèle Halimi, pour qui "on ne naît pas féministe, on le devient", de rappeler La Boétie et "la règle qui perpétue les grandes oppressions de l'histoire : sans le consentement de l'opprimé (individu, peuple ou moitié de l'humanité), ces oppressions ne pourraient durer". Les luttes contre toutes les discriminations doivent se conjuguer, s'additionner, se renforcer les unes les autres sans se hiérarchiser. Cette conjonction des luttes est  le meilleur remède à la tentation communautariste et à la "juxtaposition d'identités" incarnée par des groupes comme le collectif "Nemesis", se réclamant d'un "féminisme identitaire" xénophobe et raciste.  Car la catégorie "femmes" n'est pas unifiée, elle est traversée par d'autres formes de domination et de discriminations (raciales, de classe, de conformation physique) que celle de genre. Ce sont à ces  rapports de domination qui, d'abord, se conjuguent, interagissent les uns avec les autres, font système (politique, social, économique), que doivent répondre la conjugaison et le tissage de liens forts entre les luttes féministes et celles pour les droits au travail, pour le droit d'asile, pour le droit à l'autodétermination nationale (la liste n'est pas exhaustive). Des luttes de dominées et de dominés contre la domination -puisque contre toutes les formes de domination... Des luttes de libération de toutes -et donc, aussi, de tous.

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