Application de l'initiative "Zéro Pub" en Ville de Genève : Cent fois sur le métier...

Encore six jours avant de connaître le sort que le corps électoral actif de la Ville de Genève aura réservé au règlement d'application de l'initiative "Zéro Pub", soumis à sa sagace (forcément sagace) décision. Mais on ne parle bien là que du sort de ce règlement et, par voie de conséquence, de l'initiative, pas du projet qu'elle exprime : l'interdiction de l'affichage publicitaire commercial dans l'espace public (et l'espace privé visible de l'espace public) de la Ville, c'est-à-dire là où cet affichage n'est pas déjà interdit (la vieille-ville, la rade). Ce projet, lui, restera, quelque sort que réservera dimanche prochain le peuple municipal de Genève au règlement qui lui est soumis. Et resteront aussi les acteurs qui ont porté ce projet, lancé l'initiative "Zéro Pub", l'ont fait aboutir et soutenir par le Conseil municipal. Cent fois sur le métier l'ouvrage peut être remis... et on peut atteindre un but pas à pas, atteindre le but de "Zéro Pub" commune par commune (à Vernier, cela vient d'être fait), contenu publicitaire par contenu publicitaire, comme cela été fait par l'interdiction de la publicité pour le tabac ou l'alcool. On peut faire un pas important dimanche en Ville de Genève -alors faisons le. Joyeusement.

Un vote local, une position de principe, un choix politique

Commençons par une bonne nouvelle : le «black Friday», cette grand'messe du consumérisme pulsionnel du dernier vendredi de novembre, a moins fait recette en 2022 qu'en 2021 : les dépenses pour achats dans les commerces se pliant à cette ânerie ont fléchi en un an de 5%, et en deux ans de 9,5%, alors que l'inflation aurait dû les faire au moins augmenter de 3%. Même dans le commerce en ligne, le Blaquefridé a fait un flop (passant de 27 à 23% des dépenses d'achat totales), confirmé par le recul des colis livrés par la poste (moins 4,4%). Encore un effort, et on commencera à pouvoir en sortir, du consumérisme pulsionnel... Cet effort, ce peut être celui de voter en faveur du règlement d'application de l'initiative municipale "Zéro Pub", qui propose d'interdire l'affichage publicitaire commercial (mais lui seulement, et encore, pas complètement) dans l'espace public et l'espace privé visible depuis l'espace public, en Ville de Genève -comme ce sera le cas à Vernier dans quelques mois.

La Ville de Genève dispose (ou met à disposition de prestataires privés) 4713 surfaces fixes d'affichage "papier" sur le domaine public. 1480 d'entre elles, soit moins d'un tiers, sont affectées à de l'affichage commercial, et sont gérées par un concessionnaire privé, Neo Advertising (la concession échoit le 31 décembre 2024). Il s'y ajoute 605 surfaces d'affichage commercial sises sur le domaine privé, mais visible du domaine public.  Si, au final, le règlement d'application de l'initiative "Zéro Pub" était accepté par les habitant.e.s de la Ville disposant, et usant, du droit de vote, il entrerait en vigueur le 1er janvier 2025, à l'expiration de la concession d'affichage dont dispose Neo Advertising sur le domaine public de la commune. Si c'est le "non" qui l'emporte, l'initiative sera caduque. Mais le débat ne sera pas clos pour autant, puisqu'à tout moment, le Conseil municipal pourra être saisi par l'un.e ou plusieurs de ses membres d'un nouveau projet de règlement -qui n'aura plus besoin de s'appuyer sur une initiative : le Conseil municipal peut en effet édicter des règlements,  ou modifier des règlements existants. S'il le fait, sa décision peut évidemment faire l'objet d'un référendum -et en ce cas on repart pour un tour. S'il ne le fait pas, une nouvelle concession pour l'affichage commercial sera mise au concours pour entrer en vigueur le 1er janvier 2025.

Si l'affichage commercial, qui représente 20 % de l'affichage total en ville, y était supprimé là où il ne l'est pas déjà, la Ville y perdrait les 3,7 millions de redevance versée par le concessionnaire, et assumerait pour un million de dépenses supplémentaires (nettoyage, entretien des surfaces d'affichages affectées à l'affichage non commercial, restant autorisé). Cela fait un peu moins de cinq millions de pertes et de dépenses cumulées, non les dix millions évoqués par les référendaires, s'appuyant sur d'anonymes "experts" sans doute à la solde des afficheurs privés, comme Neoadvertising, le concessionnaire actuel de l'affiche en Ville - une entreprise qui appartient au même groupe que Tamedia, éditrice de la "Tribune de Genève"... on attend donc avec gourmandise l'édito impartial et désintéressé de la "Julie" appelant au refus de l'initiative.

"La publicité informe le citoyen", nous affirmaient les référendaires dans leur "commentaire" de la brochure officielle de votation. "Informe", vraiment ? La publicité n'informe pas, elle vend, et pousse à acheter. Si la publicité informait, et ne mentait ni ne manipulait, on n'aurait pas eu besoin d'interdire celles pour le tabac et l'alcool, ni les publicités discriminatoires... "Nos artisans et entrepreneurs (...) ne pourront plus promouvoir leurs produits et services à leur clientèle de proximité par affichage", feignent de croire, et tentent de faire croire, les adversaires de "Zéro Pub" -c'est évidemment faux : non seulement parce que "nos artisans et entrepreneurs" n'utilisent guère l'affichage "papier" sur les panneaux dans l'espace public (Sur 708 affiches publicitaires posées sur les panneaux dans l'espace public de la Ville fin décembre, près du quart étaient celles des seules Migros et Coop, mais aussi parce que l'affichage dans leurs vitrines pour leurs propres "produits et services" ne sera pas interdit -et ne pourrait d'ailleurs l'être, parce que ce serait contraire à la loi cantonale... Même réponse à une autre affirmation tout aussi mensongère des référendaires : "l'agriculteur genevois ne sera pas autorisé à vanter sa production".

Revenons au débat fondamental : celui de la libération de l'espace public de l'emprise de la publicité commerciale. Le Tribunal fédéral suisse a confirmé (dans un arrêt rejetant un recours contre la validation de l’initiative)  que l’intérêt de la population à se soustraire à une exposition non-désirée à la publicité est supérieur à l’intérêt économique des entreprises à disposer de l’affichage commercial. Ainsi reconnaît-il le droit de chacun.e d’être exposé ou non à la pub. L'arrêt reconnaît également le droit des communes à supprimer la concession d’affichage. A cette décision de l'instance suprême disant le droit dans notre pays s'ajoute le constat fait en 2014, dans son rapport à l'Assemblée générale des Nations Unies, par la Rapporteuse spéciale pour les droits culturels des Nations Unies : la publicité et les pratiques de marketing posent des problèmes pour la jouissance des droits culturels, le droit à l'éducation, le droit à la liberté artistique, le droit d'accès au patrimoine culturel et le droit de choisir son mode de vie.

Et c'est ainsi, braves gens, qu'un vote local sur une mesure finalement prudente, empirique et pragmatique peut avoir une résonance plus grande que lui, parce qu'il exprimera, quel qu'il soit, une position de principe, un choix politique au vrai sens du terme : celui de savoir à qui appartient l'espace public ? A ceux qui y vivent ou à ceux qui ont les moyens de l'acheter ou le louer ?

Et si vous voulez en savoir plus sur l'initiative qu'on a pu vous l'écrire en l'espace congru de cette page, lisez le dernier numéro de "Causes Communes" : vous le trouverez sur les stands socialistes qui se tiennent un peu partout dans la ville, et vous pourrez aussi le télécharger sur internet (https://www.ps-geneve.ch/causes-communes/) . Et vous pouvez aussi vous informer sur https://ouizeropub.ch/

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