Crédit Suisse : Que faire d'un avis sans frais ?

 

Les Chambres fédérales refusent les conditions de l'euthanasie du Crédit Suisse

Le Conseil national a donc entraîné les Chambres fédérales dans un refus des conditions de l'encadrement par le Conseil fédéral de la mise à mort du Crédit Suisse. Il a ainsi désavoué le gouvernement, la ministre des Finances, Karin Keller-Sutter -et l'autre Chambre, le Conseil des Etats qui, elle, avait accepté le fait accompli d'une euthanasie bancaire aux frais de la Confédération, des actionnaires du Crédit Suisse et du personnel des deux banques fusionnées (des milliers de suppressions de poste sont annoncées). Mais ce refus est, dans l'immédiat, sans conséquence : les 109 milliards débloqués par le Conseil fédéral le seront quand même. En refusant les 109 milliards d'assistance au suicide du Crédit Suisse, les Chambres fédérales ont délivré au Conseil fédéral un avis sans frais. Qu'en ferons-nous ?

De la privatisation des bénéfices couplée à la nationalisation des pertes

Une commission d'enquête parlementaire pourrait faire "toute la lumière" sur le processus qui a amené au naufrage du Crédit Suisse, puis à son repêchage et son annexion par UBS. Encore faudrait-il qu'elle soit créée, cette commission d'enquête. Et reste à savoir de ce qu'on pourra faire de sa lumière -et même, si on pourra en faire quelque chose. Parce que pour l'instant, aux Chambres, l'Union sacrée de la droite (le PLR, l'UDC, le Centre, les Verts libéraux) a réussi à empêcher tout contrôle efficace des grandes banques et de leurs directions. Et donc, à éviter qu'une nouvelle fois, dans quelques temps, rien n'ayant changé dans l'organisation de la place financière, il faille encore faire appel à la Confédération et à la Banque nationale pour éviter une catastrophe -ou en limiter les effets.

Il s'était quand même trouvé. au soir de l'annonce par le Conseil fédéral de son plan de sauvetage du système bancaire suisse, une ministre des Finances, la PLR Karin Keller-Sutter, pour remercier Crédit Suisse et UBS d'avoir accepté qu'on sauve le premier en l'offrant au second... Aucune condition n'a été fixée à la reprise de la deuxième banque "systémique" du pays par la première -même pas que la future UBS+ garde son siège en Suisse, dans le pays dont le gouvernement vient, de facto, de la créer à coups de milliards. Aucune leçon n'a non plus été tirée de l'expérience de 2008, où, déjà, une banque (UBS, à l'époque) avait dû être sauvée par le Confédération. Et toutes les propositions faite par la gauche aujourd'hui, elle les avait déjà faites en 2008, puis en 2014 - comme celle de séparer les activités bancaires d'investissement de celles qui ont réellement, pour la Suisse, une importance "systémique" (qui devrait d'ailleurs justifier que ces activités fussent celles d'une banque publique et non d'une banque privée, si grande et ancienne soit-elle). Une proposition à laquelle la sénatrice PLR Karin Keller-Sutter s'était d'ailleurs opposée, et avait contribué à faire repousser. A l'époque, et pendant les dix années qui ont suivi, la droite parlementaire et les banques avaient tout fait et tout dit pour que rien, fondamentalement, ne soit fait de plus que la fameuse loi "too big too fail" -celle-là même dont l'inefficacité vient de nous sauter aux yeux avec l'agilité d'un trader sur une ligne de coke.

On nous pardonnera (ou on nous en louera, c'est selon) de conclure par les mots d'un pasteur -nous sommes encore, après tout, dans la période pascale -il suffit d'user du calendrier julien des orthodoxes: on célébrait avant-hier Pâques à l'église russe... Or donc, comme l'écrit dans "Le Courrier" (du 13 avril) le pasteur de Cologny Jean-René Moret, de deux choses l'une : "soit une telle banque est une nécessité pour le fonctionnement de notre économie (et) doit alors être aux mains de la collectivité, soumise à un contrôle démocratique et rendre ses bénéfices aux caisses publiques", soit "on considère de manière plus classique que la banque doit rester une activité privée (ce qui implique) que les investisseurs assument seuls les destins des entreprises, et que l'Etat n'a qu'un rôle de régulation".

Conclusion pastorale : "Soyons libéraux avec les entreprises qui assument seules leurs naufrages, ou soyons étatistes avec des entreprises d'Etat (...) mais que l'on en finisse avec la privatisation des bénéfices couplée à la nationalisation des pertes". N'y a-t-il pas là de quoi nous réconcilier à la fois avec les pasteurs et avec Cologny ?

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