Un parlement élu par la minorité d'une minorité d'une minorité

 

Trois semaines pour rebondir...

L'élection du Grand Conseil genevois, s'est faite avec une participation fort médiocre (moins de 40 % d'un électorat rassemblant moins de la moitié de la population) quoique dans la norme locale. Elle a produit quelques surprises (l'échec des Verts libéraux, le succès de la liste de Pierre Maudet, la bonne résistance des Verts), quelques résultats plus attendus (le fort recul du PLR et celui du PDC,  le maintien du PS -qui gagne même un siège, l'échec de la gauche de la gauche -qui ne peut guère s'en prendre qu'à elle même- et des petites listes, le succès de Nathalie Fontanet), et une progression de l'extrême-droite (UDC et MCG) qu'on ne prévoyait pas plus qu'on ne pouvait l'exclure. La droite reste donc largement majoritaire au parlement genevois -et même plus encore qu'avant, du fait de la disparition de la gauche de la gauche. Majoritaire au parlement, elle l'est parce qu'elle l'a été, comme d'habitude, dans l'électorat actif du canton. Tout cela a aussi un goût de clarification : il y a une droite, il y a une gauche, et entre les deux un marais, et une défaite électorale (et pour nous c’en est une) n'est qu'un épisode. Pendant cinq ans, il va falloir mobiliser la gauche hors du parlement. On sait le faire, on peut le faire. Reste à le vouloir...   Brisons là : L'élection du Grand Conseil, quoi qu'il en soit, est derrière nous, reste à assurer celle d'un Conseil d'Etat où la gauche peut rester majoritaire. Si son électorat en décide ainsi. Et si elle fait le nécessaire pour l'en convaincre -elle en a les moyens et le socle électoral: celui des villes. A dans trois semaines, pour rebondir !

Le parlement change, pas les enjeux 

Des majorités, il nous en aurait fallu, il nous en faut toujours, trois pour pouvoir réellement "changer les choses" : gouvernementale, parlementaire, populaire. Aucune n'est suffisante, toutes sont nécessaires -du moins si on veut faire de nos programmes, nos déclarations, nos déclamations et nos promesses autre chose, plus et mieux, que des postures électorales. Et si deux de ces trois majorités sont quinquennales, si on les acquiert (ce qui ne sera le cas ni de la parlementaire, ni de la populaire),  la troisième, la populaire (qu'on n'a pas acquise, le canton restant à droite), est toujours incertaine : "souvent peuple varie, bien fol est qui s'y fie"... Elle est pourtant, cette majorité incertaine, la plus importante : dans le système politique qui est le nôtre, dans sa conception d'une démocratie "semi-directe", c'est celle dont on ne peut se passer, puisque c'est celle à qui on peut toujours faire appel. Et ce sera donc celle à qui nous allons devoir, fréquemment, faire appel dans les cinq ans à venir, puisque nous héritons d'un Grand Conseil encore plus à droite que celui sortant. Et nous devrons aussi, comme ce fut naguère déjà le cas, nous appuyer sur un contre-pouvoir : les villes et la Ville... le PS restant le premier parti dans celle de Genève, où, ensemble, les deux listes de la gauche de la gauche aurait passé sans difficulté l'obstacle du quorum... si elles s'étaient réunies ou si l'une n'avait pas été le résultat d'une scission de l'autre...

En tout cas, ce que nous écrivions il y a quelques jours se confirme, comme on s'y attendait : le nouveau parlement de la République a été élu par la minorité d'une minorité d'une minorité : aucun.e député.e n'a été élu-e par plus de 5 % de la population... et un septième du corps électoral actif aura, hier, voté pour rien... Il va d'ailleurs  bien falloir qu'on la repose, la question du quorum, et qu'on se décide soit à l'abolir purement et simplement, soit à l'abaisser, soit à l'appliquer non plus aux listes, mais aux apparentements -ce qui aurait peut-être permis à la gauche de la gauche d'être représentée au parlement, et à une alliance du Centre et des Verts libéraux d'y rendre possible l'entrée des seconds...  Le paradoxe, c'est que ce sont les partis, les groupes parlementaires, qui sont les moins victimes du quorum -et même que le quorum favorise- qui ont en main les clefs de son abolition, de se réduction ou de sa redéfinition... Et donc de la prise en compte de tous les votes de toutes les citoyennes et de tous les citoyens, y compris celles et ceux qui ont voté pour les listes qui n'ont pas franchi une barre dont la hauteur est, forcément, fixée arbitrairement : pourquoi à 7 % des suffrages et pas à 5 % ou à 3 % ? Et pourquoi à 7 % par liste et pas par alliance ?

Bref, Genève a un nouveau parlement et aura dans trois semaines on nouveau gouvernement, mais les enjeux, eux, restent les mêmes. Et d'entre eux, celui qui à la fois relativise et renforce l'importance des élections cantonales : l'enjeu de la construction politique de la "Grande Genève". Il relativise l'élection, parce que le canton ne représente plus que la moitié de la population de la Grande Genève. Il en renforce l'enjeu, parce que la République est le centre de la région -son centre économique, social, culturel et, de fait, son centre politique : les décisions qui s'y prennent ont un impact direct, immédiat, concret, sur toutes les collectivités publiques françaises et vaudoises de la "Grande Genève", et toute leur population. Et cette collectivité, la République et canton de Genève, ait la seule dont les décisions ont cet impact. Et qu'une extrême droite pour qui la réalité s'arrête à la douane de Bardonnex se soit renforcée au parlement genevois n'y change rien.

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