Burkiflop
Révolution à Genève : les tenues de bains sont autorisées dans les piscines
Quand on lance un référendum contre rien, on risquait bien de n'aboutir nulle part et en ce jour du cocuage du Père Ubu (selon le calendrier pataphysique), on est assez contents de vous annoncer celui du cocuage de l'UDC : Le référendum qu'elle avait lancé (le PLR et le Centre se collant ensuite à elle comme deux morpions sur une couille) contre l'autorisation de toutes les tenues de bain dans les piscines municipales de la Ville de Genève n'a pas abouti. Il leur fallait 3200 signatures valables, il leur en manque plusieurs centaines. Ce n'est pas faute pour l'UDC d'avoir reçu un soutien (financier) de l'UDC nationale, mais le PLR et le Centre n'ont quasiment fait aucun effort pour l'aider. La modification que le Conseil municipal a apportée au règlement d'accès aux piscines municipales de la Ville de Genève, pour n'y insérer qu'une seule règle : celle d'y porter des tenues de bains "décentes et appropriées" (l'UDC n'entendait là que "burkini"...), va donc entrer en vigueur et l'accès le plus libre et le plus large possible sera assuré aux piscines publiques, la seule condition pour accéder aux bassins étant désormais de porter une tenue de bain. Monokini, bikini, burkini, tenue de bain découvrante, couvrante ? Peu importe, si cela permet à des filles, des femmes, à qui que ce soit, d'aller se baigner dans un lieu public fait pour cela...
La piscine pour toutes et tous (sans privilège) !
Le Conseil municipal de la Ville de Genève avait
pris une décision historique. Révolutionnaire, même.
Bouleversifiante de l'ordre social. Comme, tout récemment, la
Municipalité d'Yverdon. Les deux villes ont fait ce que d'autres
(comme Vernier) avaient déjà fait : ouvrir les piscines
publiques à tout le public, à la seule condition qu'il s'y
baigne en tenue de bain. Nous avons donc à Genève, supprimé dans
le règlement des installations sportives de la Ville une
disposition qui imposait des règles vestimentaires d'une
absurde précision (genre longueur des manches de la tenue de
bain). La proposition socialiste (amendée par les Verts) qui a
été acceptée par le Conseil municipal était claire, simple, et
tenait de l'évidence, mais il aura fallu trois débats pour
l'accepter, et l'échec d'un référendum pour la faire entrer en
vigueur. On y aura mis le temps, mais on y est arrivés : il
devrait n'être obligatoire pour se baigner dans une piscine
publique de la Ville de Genève, comme déjà dans celle du Lignon,
à Vernier, que d'y porter une tenue de bain, "décente et
appropriée" (ce sont les termes
du règlement initial que nous avons maintenus dans le
règlement modifié).
On avait été abordé par une jeune dame qui voulait
nous faire signer un référendum -dont visiblement elle ne savait
pas grand'chose : était-elle militante du parti référendaire,
l'UDC, ou payée à la signature ? Mystère. Elle nous a enjoint de
signer "contre l'obligation faite aux filles de porter un
burkini dans les piscines genevoises". On l'avait rembarrée
assez sèchement, genre ("vous avez lu la proposition contre
laquelle vous faites signer un référendum ?"), et si elle nous
lit, on la prie de bien vouloir nous pardonner cette
sécheresse... Sans doute n'était-elle pas responsable de
l'ânerie qu'elle nous servait -et qu'on lui avait sans doute
servie avant, comme seule explication de la démarche à laquelle
on l'incitait. Le règlement adopté par le
Conseil municipal et contre lequel elle faisait signer un
référendum n'impose rien de plus qu'une tenue de bain pour aller
à la piscine. D'entre les référendaires, certains le savaient
parfaitement, d'autres encore n'y ont vu que l'ombre du fantôme
d'un burkini. Leurs obsessions fétichistes les regardent, nous
n'avons pas la formation psychiatrique nécessaire pour les
soigner. Quelques référendaires ont sans doute cru saisir
l'occasion d'une petite opération politicienne pré-électorale :
c'était le cas de l'UDC, qui dans son journal commençait par
dire n'importe quoi ("les conseillers municipaux rose-verts de
la Ville de Genève (ont accepté) de réviser le règlement qui
permet d'imposer le burkini aux femmes musulmanes dans les
piscines publiques"...) avant de continuer à dire toujours
n'importe quoi, mais en sens inverse ("la majorité de gauche du
Conseil municipal de Genève a décidé (d')autoriser le port du
burkini (...) dans les piscines publiques de la Ville de
Genève")... faudrait savoir : on révise un règlement qui impose
le burkini ou un règlement qui l'interdit ? Et l'UDC lançait un
référendum contre quoi ? on pataugeait dans le chlore...
Nous ne parlions que de tenues de bains. Le
burkini, on s'en fout : c'est la droite qu'il obsédait. Nous
parlions d'accès du public à un équipement public. Nous
demandions que cet accès soit non discriminatoire, qu'il ne soit
pas soumis à des prescriptions sans justification rationnelle
(du genre : longueur des manches des maillots de bains féminins)
: à un équipement public, en mains publique, devant être
accessible au public, toutes les femmes doivent avoir accès. Et
il ne s'agissait que de cela: Le nouveau
règlement n'impose plus, pour se baigner dans les piscines
municipales genevoises, qu'une tenue "décente et appropriée". Il
autorise donc toutes les tenues de bains, sauf la nudité (qui
est pourtant bien "appropriée" à un un bain... mais que
d'aucun.e.s hésitent à trouver "décente").
Les intégristes, religieux ou non, n'exècrent rien
tant que les libertés. Et n'aiment rien tant, et ne produisent
rien tant, que des interdictions et des obligations. Et il nous
faudrait fonctionner de pareille manière, en transformant des
interdictions et obligations et des obligations en interdictions
? En interdisant aux femmes de montrer leurs bras et leurs
jambes à la piscine, ou en les contraignant à les montrer ? Le lieu du combat contre le fondamentalisme religieux
et ses avatars politiques, ce ne sont pas les genoux ou les bras
des femmes, mais leur cerveau et celui des hommes. Là où gît
encore assez de servitude volontaire pour qu'on puisse consacrer
un peu plus d'énergie et d'inventivité à la combattre, et à nous
montrer solidaires des victimes des fondamentalismes religieux,
que celles que l'on perd à la nourrir par des interdictions
vestimentaires aussi stupides et discriminatoires que les
obligations contraires.
Et qu'on se rassure : l'accès public aux piscines publiques à la seule condition de s'y baigner en tenues de bain ne fera pas de la piscine de Varembé la piscine de Médine, ni de celle des Vernets celle de La Mecque. Il n'en fera que ce pourquoi elles ont été ouvertes : des piscines publiques accessibles à tout le public portant une tenue "décente et appropriée" à un bain. Une tenue de bain pour se baigner... Une piscine pour toutes et tous (sans privilège) !
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