CFF : nouveaux horaires, nouveaux tarifs, nouveaux retards

A quand le retour des diligences ?

On a à relever une urgence climatique, et pour cela à réduire le trafic automobile et à assurer le développement de l'offre de transport ferroviaire. Et que décident les Chemins de fer fédéraux ? Une hausse des tarifs, une dégradation des horaires, la quasi-suppression de la ligne du pied du Jura, entre Genève et Neuchâtel (la ligne directe Genève-Bâle avait déjà été supprimée)."On marche sur la tête" réagissent, par les mêmes mots, le professeur Vincent Kaufmann, spécialiste de la mobilité, et la Conseillère aux Etats Lisa Mazzone.  On voit venir le moment où pour rejoindre en train Neuchâtel ou Yverdon depuis Genève et Genève depuis Yverdon ou Neuchâtel, il sera plus commode de passer par la France que par la Suisse. A moins de faire financer par les collectivités publiques une ligne de car à haute fréquence et haute capacité entre Genève et Bâle, par Morges, Yverdon, Neuchâtel, Bienne et Delémont. C'est "le moins pire des scénarios", soupire dans la "Tribune de Genève" d'hier le Conseiller d'Etat (sortant) genevois Serge Dal Busco. Moins pire que quel autre scénario ? celui du remplacement des trains par des diligences ?

Inciter "des gens à reprendre la voiture" : Un risque ou un calcul ?

Genève n'a jamais été un noeud ferroviaire, et toujours quelque chose comme un terminus -jusqu'à l'inauguration du Léman Express. Au bout du lac, au bout de la Suisse, au bout des CFF (mais pas au bout de la péréquation financière intercantonale : c'est le seul canton romand à y contribuer, tous les autres y puisent...). Et ça ne va pas s'arranger : Deux fois moins de trains directs pour Zurich depuis Genève (et pour Genève depuis Zurich), un temps de parcours allongé, un dernier train partant de Genève trop tôt pour une correspondance à Zurich avec un train de nuit : on cherche à inciter les gens à prendre l'avion entre les deux aéroports plutôt que le train entre les deux gares, alors qu'il faudrait les inciter au choix inverse ? Et en train, depuis Yverdon ou Neuchâtel, on se rendra plus facilement à Zurich qu'à Genève, et plus confortablement à Genève en voiture qu'en train, du fait du changement à Renens : comme le résume l'encore Conseiller d'Etat genevois Serge Dal Busco : "quand l'offre se détériore, que les tarifs montent, le risque est d'inciter des gens à reprendre la voiture". Le risque ou le calcul ?

Les villes d'Yverdon, de La Chaux-de-Fonds, de Neuchâtel, de Bienne, de Delémont, de Morges, de Genève, ainsi que le réseau des villes de l'arc jurassien et l'aéroport de Genève ont "regretté" la décision des CFF "qui péjorera l'offre ferroviaire dans une grande partie de la Suisse occidentale et détériorera l'offre de trains de nuit de Genève à Bâle", ainsi que la connectivité ferroviaire de l'aéroport de Genève. La plupart des liaisons directes entre les villes de l'arc jurassien et Genève seront supprimées (il n'en restera que quatre par jour, alors qu'il y en a actuellement une par heure), le changement à Renens ou Lausanne deviendra la règle, les temps de parcours seront allongés. Il en résultera une perte d'attractivité du train par rapport à la voiture (alors que l'autoroute Lausanne-Genève est déjà engorgée), ce qui, notent les villes de l'arc jurassien "contredit la stratégie climatique de la Confédération en matière de réduction des gaz à effet de serre générés par la mobilité", et que ce choix est "d'autant plus déplorable qu'il intervient au moment où l'augmentation du prix des transports publics risque déjà de dissuader les usagères et usagers de privilégier le train".

Qu'est-ce qui importe aux usagers des transports publics ? Des lignes directes et des trajets sans changement, ou cinq minutes de plus ou de moins sur ces trajets ? Des lignes directes, sans aucun doute. Surtout quand on est chargés de bagages comme des passagers se rendant à l'aéroport. L'enjeu, c'est de renforcer tant qu'on peut l'offre de transports collectifs, et de la faire payer le moins cher possible aux usagers, pour favoriser le plus possible le "transfert modal" de la route vers le rail, de la bagnole vers le train. Et là, en Suisse romande, où la proportion de trains non ponctuels est déjà deux fois supérieure à celle qui prévaut en Suisse alémanique, on fait le contraire : on dégrade l'offre alors même que la demande augmente, on augmente les tarifs alors que les ressources de la majorité des usagers se dégradent.  Il  paraît (c'est encore Serge Dal Busco qui nous l'apprend) que le scénario retenu par les CFF a été retenu parmi une quinzaine, par un "groupe de spécialistes". Qui prennent le train en Romandie, et le paient ? Un lourd doute nous tenaille...

Les villes de l'arc jurassien demandent, poliment, aux instances fédérales, "notamment l'Office fédéral des transports, (...) de revoir cette décision afin de proposer des solutions soutenables". Car il y en a de possibles : on peut améliorer et non dégrader l'offre ferroviaires, comme cela a été fait dans la "Grande Genève" (et au-delà, jusqu'à Saint-Maurice, Evian, Annecy...) avec le Léman Express. Heureusement (si on peut s'exprimer par cette Schadenfreude) qu'au delà d'Annecy, Bellegarde et Evian, les relations entre Genève et la France sont encore plus mauvaises que celles qu'on nous annonce avec la Suisse, et que le réseau ferroviaire français secondaire est dans un état pire que le suisse, parce que sinon on serait tenté de revendiquer le rétablissement du département du Léman (préfecture : Genève) ou de la République indépendante...

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