Le 18 juin, à Berne et à Genève, on vote sur un congé parental...
Parental ou paternel, le congé ?
Les Genevois et voises disposeront,
le 18 juin, d'une initiative populaire "pour un congé parental
maintenant !", déposée par les Verts libéraux et demandant
l'inscription dans la Constitution cantonale de la "garantie"
d'une "assurance financée à part égale par les employeurs et
employés" pour un congé parental de 24 semaines, à partager
entre les deux parents, à raison de 16 semaines de congé
maternité (déjà accordés au niveau cantonal) et de huit
semaines de congé pour l'autre parent (c'est la nouveauté
proposée par l'initiative), y inclues les deux semaines de
congé paternité fédéral, et avec la possibilité de transférer
deux semaines de congé d'un parent à l'autre. Le
Conseil d'Etat "de gauche" avait soutenu l'initiative, que la
gauche politique et syndicale (sauf Syna et Transfair) appelle à
refuser, comme le collectif genevois de la grève féministe,
considérant qu'elle met "en péril le congé maternité genevois"
et qu'elle menace de n'être qu'un renforcement du seul congé
paternité. A Berne, ce n'est pas sur un congé parental de 24
semaines qu'on votera, mais sur un congé parental de quarante
semaines... avouez qu'il serait amusant que l'aigle genevois se
fasse dépasser sur sa gauche par l'ours bernois...
Vingt, vingt-quatre, trente-six, trente-huit, quarante ?
Le congé parental, en Suisse, on se bouscule au portillon politique pour en instaurer un qui aille au-delà des deux semaines votées par le peuple en 2020 -mais dans cette bousculade, chacun s'agite avec son projet, différent, voire contradictoire, de celui des autres : les Verts libéraux genevois en proposent un de 24 semaines, la gauche bernoise en propose un de 40 semaines (y compris les congés maternité et paternité) , Zurich en a refusé un de 36 semaines, la gauche genevoise en a également proposé un de 36 semaines mais son examen a été gelé au Grand Conseil... Et donc, le même jour, 18 juin, à Genève on votera sur une initiative soutenue par la droite et combattue par la gauche, en même temps qu'à Berne sur un projet soutenu par la gauche et combattu par la droite. Dans le canton de Vaud, une initiative propose un congé parental de 34 semaines, à Berne la commission fédérale pour les questions familiales en propose un de 38 semaines et les jeunes centriste demandent aux sections cantonales du parti d'en proposer un d'au moins vingt semaines. Un vaste souk... à moins qu'il s'agisse de galops d'essai, de lancement d'un débat national, dont l'aboutissement prendra encore des années.
Car le problème est que le congé parental, au
plein sens du terme, posé comme un droit opposable, est du
ressort de la loi (ou de la constitution) fédérale. Que des
centaines de milliers de parents potentiellement bénéficiaires
d'un tel congé travaillent dans un canton et sont domiciliés
dans un autre. Et qu'il faudrait que tous les partisans,
anciens (à gauche) ou récents (à droite) de ce congé s'unissent
pour en proposer un ensemble, et se mettent donc d'accord non
seulement sur la durée du congé (vingt, vingt-quatre,
trente-six, trente-huit, quarante semaines ?) et les modalités
(partageable dans quelles proportions ). Et on est encore loin
du bon compte qui fait les bons amis politique, car si presque
tout le monde (sauf l'UDC) soutient le principe d'un congé
parental, et que selon un sondage de l'année dernière, 57 % des
personnes interrogées le soutiennent, le pas qui mène de la
proclamation du principe à sa réalisation reste à faire.
L'initiative des Verts libéraux genevoise
permet-elle de le faire, ce pas ? Ses défenseurs en sont
persuadés et vantent une solution "concrète, raisonnable,
applicable", ses opposants dénoncent une initiative "aventureuse
et mal conçue, une "imposture", une "tromperie" : en effet, si
l'initiative inscrit bien une obligation (paritaire) de
cotiser, elle ne prévoit pas une obligation pour l'employeur
d'accorder le congé pour lequel l'employé aurait cotisé. Les
Verts libéraux, soutenus par les syndicats patronaux, répondent
que le congé parental tel qu'ils le proposent, pourra être
inscrit dans les conventions collectives, voire dans les
contrats de travail individuels...
Et nous voilà confrontés à notre dilemme habituel : soutenir une proposition insuffisante, et grevée de défauts, ou la combattre alors qu'elle est la seule à pouvoir être rapidement mise en oeuvre, sans attendre que la loi fédérale ait changé. Ce qui pourrait prendre du temps. Beaucoup de temps : il a fallu vingt ans pour que, une fois posé le principe d'une AVS, l'AVS soit effectivement créée. Sans doute faut-il "laisser du temps au temps" -mais trop lui en laisser, c'est en perdre. Alors, si d'aventure l'initiative des Verts libéraux genevois devait être acceptée, ses ambitions sont si modestes qu' il reviendra à la gauche, à commencer par les syndicats, de poursuivre le combat au plan fédéral pour imposer un congé parental digne de ce nom, et au plan cantonal pour défendre l'acquis des 16 semaines de congé maternité contre le risque de transférer deux de ces semaines vers l'autre conjoint.e que la mère, et imposer le temps de congé parental comme un droit opposable au refus de l'employeur de le respecter. L'initiative se veut un premier pas. Reste à faire en sorte qu'il ne soit pas un pas en arrière.
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