L'initiative cantonale genevoise "1000 Emplois" : Un plat de résistances
Au menu cantonal de la votation du 18 juin, on s'autorisera a considérer comme un plat de résistance l'initiative syndicale "1000 emplois", qui pose un véritable programme de développement alternatif pour ce temps de crises sociales et environnementales, un programme que son titre même résume : "pour la création d'emplois sociaux et écologiques et la réduction de la durée du travail". L'initiative propose, pour une centaine de millions de francs par an, la création par les collectivités publiques, les établissements subventionnés et les institutions à but non lucratif d'un millier d'emplois par an, tant que le taux de chômage atteint au moins 5 %, dans les domaines de la santé et des soins, de la transition écologique et de l'action sociale (le nombre d'emploi à créer peut être réduit ou accru selon que le taux de chômage est inférieur ou supérieur à 5 % : au taux actuel de chômage, il s'agirait de créer un peu moins de 800 emplois). Parallèlement, l'initiative propose d'encourager à la réduction de la durée légale du travail,de 41 à 32 heures par semaine, sans réduction de salaire, d'ici à 2030. Un plat de résistance, donc, dans tous les sens du terme, et au pluriel : de résistances au climatonégationnisme, aux privatisations de tâches publiques, au démantèlement de services publics, au refus de même entrer en matière sur la réduction du temps de travail.
Une initiative de résistance, mais aussi une initiative d'alternative
"Le réchauffement climatique est déjà une réalité,
(...) accélérer la transition écologique est devenu tout
simplement une question de survie", écrit le syndicat SIT. Qui
ajoute que "cette transition ne se fera pas toute seule.Il faut
agir, y travailler concrètement. Et agir nécessite des bras.
C'est ce que propose, modestement en regard des besoins,
l'initiative "1000 emplois" en créant 1000 emplois écologiques
et sociaux par an lorsque le taux de chômage dépasse 5 %". Cette
initiative, la majorité (encore) de droite du Grand Conseil
genevois l'a refusée, et a même refusé de lui opposer un
contre-projet, que souhaitait le Conseil d'Etat. En d'autres
termes, cette majorité obtuse a refusé d'entrer en matière tant
sur l'initiative que sur un contre-projet. Ce qui équivaut à
refuser d'entrer en matière sur les objectifs du plein emploi
(la transition écologique étant précisément créatrice d'emplois,
tant dans le secteur public que dans le secteur privé) et d'une
réduction du temps de travail qui permettrait à la fois de
répondre à la pénurie de main d'oeuvre dans certains secteurs,
de réintégrer dans le travail rémunéré les milliers de
personnes qui en ont été expulsées ou contraintes à des temps
partiels, de mieux répartir les tâches entre femmes et les
hommes, et de protéger la santé des travailleuses et des
travailleurs : 30'000 personnes sont, à
Genève, sans emploi ou en sous-emploi (60 % des femmes sont
contraintes de travailler à temps et à salaire partiels) ,
celles et ceux qui ont un emploi à temps plein s'y épuisent
souvent en un temps de travail qui est l'un des plus élevé
d'Europe (ce qui coûte en burn-out plus de cinq milliards par en
à la Suisse), n'ayant pas été réduit depuis trente ans en
Suisse, alors que partout ailleurs se dessine le passage à la
semaine de quatre jours -et de 32 heures (une proposition
socialiste a été déposée au Conseil national pour la réduction
du temps de travail à 35 heures par semaine), que l'initiative
ne demande d'ailleurs même pas d'instaurer à Genève, mais
seulement d'y encourager...
Alors que la majorité de droite du
Grand Conseil fait mine, pour reprendre les termes de la
brochure officielle de votation, de "partager les
préoccupations qui font l'objet de l'initiative", et de ne lui
reprocher que de ne pas "atteindre les objectifs visés", cette
même droite (PLR, Centre, UDC, MCG, et Verts libéraux en
prime) canonne l'initiative : elle crée "artificiellement" des
emplois publics, selon le PLR Cyril Aellen, une "explosion des
charges" selon l'UDC Michael Andersen , elle provoque la mort
des PME, selon la MCG Ana Roch (son parti faisant évidemment
campagne contre des emplois "pour les frontaliers"), elle est
une "bombe sociale" selon le "centriste" Jacques Blondin, elle
crée un "monstre étatique" tout en faisant "exploser
l'appareil étatique" selon le PLR Serge Hiltpold... n'en jetez
plus, c'est assez pour nous convaincre, s'il en était besoin,
de la soutenir bec et ongles, cette initiative
apocalyptique... Dont l'application coûtera d'ailleurs moins
cher que l'inaction publique. Ce sont les
collectivités, les entreprises publiques et les associations
subventionnées qui devraient créer les emplois que propose
l'initiative. Parce que c'est le secteur public et le secteur
associatif qui peuvent, n'étant pas liés à un impératif de
profit mais à l'exigence de satisfaire au bien commun, créer des
emplois nécessaires, correctement rémunérés, stables,
accessibles à tous : on manque de personnel ou de financement
pour un personnel supplémentaire indispensable dans la santé,
l'aide à domicile, les EMS, l'éducation, la petite enfance,
l'action sociale en général. On en manque pour la prise en
charge d'une population vieillissante, on en manque pour
transformer notre économique carbodépendante, on en manque dans
les transports publics.
L'initiative "1000 emplois" est une initiative de résistance, mais aussi une initiative d'alternative. A la résignation aux désastres sociaux et environnementaux qui s'annoncent, elle oppose la volonté de mener une autre politique, répondant à la double urgence sociale et climatique. Et elle pose comme un objectif la réduction du temps de travail -dans un canton riche, qui abrite plus d'emplois que de personnes disponibles pour les occuper, créer des emplois pour le bien commun et réduire le temps de travail, c'est non seulement possible, mais c'est surtout légitime. Et urgent.
Je prie pour que cette initiative passe. Avec les « 1000 emplois » l’Etat va enfin pouvoir cocoler ma vieillesse avec en prime les 32 h et la semaine de 4 jours pour les gentils fonctionnaires. C’est le Nirvana ou plutôt la pré-mouture des « lendemains qui chantent ».
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