Nouvelle législature et nouveau quinquennat gouvernemental à Genève

 

A nos marques, prêts ? partons !

Le nouveau gouvernement genevois a prêté serment le 31 mai, et a présenté son programme politique quinquennal. Un catalogue de lieux communs, de promesses incohérentes et de bonnes (ou mauvaises) intentions contradictoires. On n'en attendait d'ailleurs pas plus. Donc, le Conseil d'Etat veut garantir l'Etat social tout en réduisant les dépenses, accroître les investissements tout en réduisant la dette, soutenir un service public fort tout en baissant les impôts, faire de la réponse à la crise climatique une priorité sans remettre en cause le consumérisme qui l'aggrave, soutenir le "libre choix du mode de transport" tout en privilégiant la "mobilité douce", "construire la ville en ville" tout en la végétalisant. Un peu de gauche, beaucoup de droite. Il paraît qu'un paragraphe du discours a été écrit par ChatGPT. Beaucoup d'autres avaient été écrits par les Chambres immobilière et de commerce. La Chambre de commerce n'avait d'ailleurs auditionné que les candidates et les candidats de droite (sauf Maudet). Sept candidates et candidats. Pour sept sièges disponibles. Comme une sorte de nostalgie du "gouvernement monocolore" de la fin du siècle dernier... Et cette nostalgie, on l'avoue la partager parfois. Parce qu'après tout, ce gouvernement "monocolore" (qui ne l'était d'ailleurs pas vraiment, mais dont tous les membres étaient issus de partis de droite), s'est heurté pendant toute la législature à un mur : nous. Ou plutôt le peuple souverain, le corps électoral, mobilisé à coup de référendums contre les tentatives de réaliser le programme du"discours de St-Pierre". Un quart de siècle plus tard, l'histoire est prête à se répéter : à nos marques, prêts ? partons !

Une majorité de droite, qu'en faire ?  La combattre, bien sûr...

Le renforcement de la droite de la droite au Grand Conseil (aux frais de la droite traditionnelle, PLR et "Centre"), et la disparition de la gauche de la gauche, vont sans doute peser plus lourd dans les cinq ans à venir que la perte par la gauche du siège qui lui donnait la majorité au Conseil d'Etat. "Historiquement, la gauche n'a que très rarement eu la majorité" rappelait au soir du scrutin Christian Dandrès (elle ne l'a été que pendant neuf ans depuis 1933). Version genevoise du même constat fait, pour la gauche française par François Mitterrand : elle ne peut gagner que "par effraction". Pourtant, les deux partis vainqueurs au second tour de l'élection du Conseil d'Etat, le PLR et le "Centre", sont aussi ceux qui ont subi la plus lourde défaite (la gauche de la gauche mise à part -par elle-même) dans celle du Grand Conseil : le PLR y a perdu six sièges, le Centre trois. Mais cette défaite a été compensée par la progression de l'extrême-droite (UDC et MCG) et l'entrée des maudétistes. Quand au Conseil d'Etat, il n'est à majorité clairement de droite que si on considère que Pierre Maudet en fait partie -or il y a fort à parier qu'il se fera un plaisir de jouer les arbitres entre les trois  ministres de gauche et les trois ministres de droite  : "entre le bloc de droite et celui de gauche, il y aura au milieu votre serviteur, moi, qui ai gardai mes convictions radicales, elles se sont même renforcées". Les nôtres aussi, de convictions "radicales" -quoique nous donnions sans doute à ce qualificatif une autre définition que Maudet.

La cheffe du groupe socialiste au Grand Conseil, Caroline Marti, l'annonce aussi : "la prochaine législature cantonale sera de toute évidence une législature de combat". Il s'agira d'abord de "protéger les acquis sociaux et les services publics", et ce combat, il faudra le mener avec les syndicats et les associations, mais aussi "en mobilisant à l'extérieur du parlement". C'est-à-dire en usant du droit de référendum -comme la gauche en avait largement usé lorsque le gouvernement genevois, entre 1993 et 1997, était en totalité aux mains de représentants des partis de droite (quoique ni Guy-Olivier Second ni Martine Brunschwig-Graf ne pouvaient être réduits à leur affiliation partisane).

Les deux membres socialistes du gouvernement genevois, Carole-Anne Kast et Thierry Apothéloz, dans un message aux membres du parti, les invitent (et s'invitent eux-mêmes) à "faire preuve d'audace autant que de vigilance pour continuer à porter les idéaux qui nous unissent", pendant une législature "combative à tous les niveaux", face aux offensives de la droite et de l'extrême-droite contre "les moyens de l'Etat, les prestations éà la population ou la fonction publique". Mais ils ajoutent : "face à l'idéologie, nous répondrons par le travail parlementaire, par des propositions ambitieuses et, lorsqu'il le faudra, par la mobilisation de terrain". Pourquoi, "face à l'idéologie" ? Nous en sommes donc dépourvus, d'"idéologie" ? Il n'y aurait que la droite qui en aurait une, d'"idéologie" ? Rappelons, alors, ce qu'est une idéologie : un ensemble cohérent d'idées structurées par une idée centrale : la liberté pour les uns, l'égalité pour les autres, la fraternité pour d'autres encore... et les trois ensemble pour nous (il doit y avoir une trace française dans notre adn politique)...

A une semaine du deuxième tour de l'élection du Conseil d'Etat, "Le Courrier" posait la bonne question : "une majorité de gauche : pour quoi faire?". Une question d'autant plus opportune après l'élection d'un parlement encore plus à droite que le précédent (et plus à droite que le peuple, puisque les Verts libéraux et la gauche de la gauche n'y seront pas). Et une question à laquelle le corps électoral a finalement donné comme réponse : une majorité de droite. Qu'en faire, s'interroge la gauche ? La combattre, bien sûr... Et non sans "idéologie" -mais la nôtre.

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