Soutenir la "loi climat", malgré ses insuffisances
Pour un peu moins de CO2
Il ne reste, à celles et ceux qui n'ont pas encore
voté, que dimanche matin, au local de vote pour le faire. Notamment sur
la "loi climat", contre-projet indirect à une initiative populaire
retirée en sa faveur, qui a été la cible d'un
référendum populaire lancé par l'UDC. Un contre-projet sous
forme de loi, à une initiative constitutionnelle, ce dont le père de
l'initiative se dit satisfait : si l'initiative avait été maintenue et
acceptée, "on aurait l'article dans la constitution mais on aurait
encore besoin de créer une loi. Maintenant on a déjà une loi". Elle ne
va pas assez loin ? La précédente proposition de loi, il est vrai,
allait plus loin -mais elle a été refusée il y a deux ans par le peuple.
Et même celle qui nous est soumise aujourd'hui va encore trop loin pour
l'UDC et les climatonégationnistes. Et si prudente qu'elle soit, et si
excessive que puisse nous sembler cette prudence, son sort n'est pas
scellé : le premier sondage portant sur les intentions de vote lui
donnait 58 % d'avis favorable -mais ce pourcentage n'a cessé de reculer
au fil des semaines. Il y a deux ans, la loi sur le CO2 partait aussi
gagnante. Pour se retrouver perdante. Alors, si on ne l'a pas déjà fait,
on la vote. Parce que si elle n'assure pas la nécessaire transition
écologique, du moins permet-elle de ne pas la rendre impossible, et de
relâcher un peu moins de CO2 dans notre environnement.
"Chaque tonne de CO2 est une souffrance en plus"
58 % du territoire suisse est alpin. Et abrite
presque 1400 glaciers. "Abrite encore", devrait-on écrire, parce
qu'ils fondent. Ils sont une réserve d'eau et de
micro-organismes parfois vieux de plusieurs siècles. Ils sont
aussi un atout touristique. Et une source indirecte d'énergie
(il en sort des rivières qui alimentent des centrales
hydroélectriques). Ils sont
aussi, d'entre les
premières victimes du réchauffement climatique. Et étaient
l'objet de
l'initiative "pour un climat sain", dite "Initiative des
glaciers", retirée au profit du contre-projet, bien moins
ambitieux, du Conseil fédéral et des Chambres, mais applicable sans
délai. Et sans douleur pour le citoyen-consommateur.
Les glaciers fondent. Reculent.
Et
parfois, s'effondrent, comme celui de la Marmolada, l'année
dernière. En cause, sans conteste, le
réchauffement climatique général, et les épisodes spécifiques
qui l'accompagnent : sécheresse en hiver, manque de
précipitation et chaleur précoce au printemps, tardive en
automne. En 2022, le déneigement des glaciers suisse avait un
mois d'avance sur 2021, et fin juin, la neige avait quasiment
disparu en dessous de 3000 mètres. En 14 ans, les glaciers
avaient perdu un sixième de leur volume total. Et le permafrost, qui
sert de ciment à la glace sur
les pentes, fond à son tour. On ne sauvera pas tous les glaciers des Alpes,
nous avertit le climatologue Johannes Oerlemans. On n'en sauvera
même pas la plupart. Et ceux qu'on peut encore sauver, on
ne les sauvera que si on réduit massivement les émissions de CO2
et qu'on freine le réchauffement de la planète. Même dans ce
cas, les glaciers continueraient d'ailleurs de fondre : il
faudra des décennies pour qu'un nouvel équilibre climatique
s'instaure.
La "loi climat" a donc été pensée, proposée, adoptée
par le parlement, comme un contre-projet indirect à l'"initiative des
glaciers". La loi va moins loin que l'initiative, mais elle va dans la
même direction : la "neutralité carbone" en 2050. Contrairement à la "loi CO2" qui contenait des taxes et
des interdictions, la "loi climat" n'en propose plus : le Conseil
fédéral (dans son ancienne composition -Simonetta Sommaruga étant
maîtresse d'oeuvre du projet qui nous est soumis) a eu assez peur d'un
nouveau refus pour ne plus en proposer. La loi, donc, met des fonds à
disposition pour remplacer rapidement les chauffages au mazout, à
l'électricité et au gaz. La Suisse serait
ainsi moins dépendante des importations de pétrole et de gaz de
l’étranger. Le parlement fédéral ne veut pas interdire les
énergies fossiles (huile, gaz, pétrole et essence), mais
encourager à la production et à l'usage des énergies
alternatives et renouvelables, et soutenir le remplacement des
installations. Il reprend de l'initiative l'objectif d'une
réduction à zéro des émissions nettes (la fameuse "neutralité carbone") de gaz à effet de serre
d'ici 2050 (et de 75 % d'ici 2040).
Il s'agit donc de limiter drastiquement le recours
aux énergies fossiles. Et donc d'en réduire considérablement la
consommation. Et donc les besoins -la hausse des prix de
l'énergie pouvant d'ailleurs y concourir. Et les mesures
concrètes permettant de réduire la consommation d'énergies
fossiles (voire même d'énergies renouvelables...) sont
nombreuses : Abaisser la température moyenne de chauffage d'un
degré centigrade réduit de 7 à 8 % la consommation d'énergie
produite pour le chauffage. Renoncer à la climatisation a un
effet encore plus radical. Doubler le rythme d'installation de
pompes à chaleur en remplacement des chaudières à gaz ou fioul
permettrait de réduire de 5 % les importations de gaz russe.
Réduire la vitesse à 110 km/h sur les autoroutes, la réduire sur
les autres routes, permet de réduire la consommation de
carburant... ou d'électricité... il en va de même quand on
substitue pour les déplacements courts la marche, le vélo ou les
transports publics à l'automobile individuelle, quand on réduit
les déplacements professionnels, quand on développe le
covoiturage ou qu'on instaure la circulation alternée ou des
dimanches sans voiture.
Comme Jacques Jacques Dubochet,,
Prix nobel de physique, signataire d'un appel de 231 scientifique au
soutien à la "loi climat", on regrettera qu'on "avance aussi
lentement" qu'on nous le propose avec cette loi : se donner 2050
pour échéance de la neutralité carbone (l'équilibre entre les émissions
de carbone et l'absorption du carbone de l'atmosphère par les puits de
carbone naturels ou artificiels), "ce n'est pas glorieux". Mais même
cela est contesté par ceux (et celles) que c'est encore aller trop loin,
trop vite.La "loi climat" n'est porteuse d'aucune alternative au
système économique qui produit le dérèglement climatique. Telle n'est
pas son ambition -admettons qu'il eût été stupéfiant que le Conseil
fédéral et la majorité du parlement se rallient à un changement radical
de ce système, et à une rupture avec la croissance. C'est dommage :
Albert Rösti, qui avait récolté des signatures pour le référendum contre
la "loi climat" avant d'être conseiller fédéral et la défend
(mollement, il est vrai)aujourd'hui qu'il l'est devenu, eût été tenu de
faire au moins semblant de défendre un projet anticapitaliste,
anticonsumériste, antiproductiviste. Et l'UDC et ses alliés n'auraient
pas eu besoin de dire et d'écrire n'importe quoi pour combattre le fort
modéré projet du gouvernement et du parlement.
La loi donne des moyens, sinon de sortir des énergies
fossiles, du moins d'en réduire l'emprise et l'usage (1,2 millioard en
six ans pour les entreprises, deux milliards sur dix ans pour la
rénovation des bâtiments, le remplacement des chauffages polluants et
l'innovation).
"Chaque tonne de CO2 est une souffrance en plus", nous dit (dans le "Matin Dimanche" de dimanche dernier, Jacques Dubochet. A contrario, chaque tonne de CO2 qu'on ne relâche pas dans notre milieu de vie est une souffrance en moins, pour toutes celles, tous ceux, qui n'ont pas les moyens de fuir les conséquences de notre comportement collectif -et de leur propre comportement individuel.
Commentaires
Enregistrer un commentaire