Votations fédérale, cantonale, municipale : A petits pas

 

Votations fédérale, cantonale, municipale : A petits pas

Une fois les résultats des votations de dimanche tombés, tout le monde y aura pu trouver quelque satisfaction, personne de quoi être euphorique. A Genève, l'initiative "1000 emplois" est lourdement défaite -mais tout de même acceptée dans six arrondissements de la Ville de Genève. L'initiative pour une contribution temporaire de solidarité des grandes fortunes a également (quoique moins lourdement) été défaite, mais elle a été acceptée en Ville (jusqu'à 64 % aux Cropettes-Vidollet) et à Avully. La réforme de l'estimation fiscale des immeubles et de l'imposition de la fortune a été acceptée de justesse, mais refusée  dans les villes de Genève, Lancy, Meyrin, Onex et Vernier... Du côté des acceptations, c'est à une victoire de la culture politique des "petits pas" à quoi on a assisté : l'approbation de la "Loi climat", en surmontant l'avalanche de bidonnages udécistes, est un petit pas vers une réelle prise en compte de l'urgence climatique; celle de l'inscription du droit à l'alimentation dans la constitution (ce qu'on refusé des majorités de votant.e.s à Vandoeuvres, Cologny, Jussy et Conches), un petit pas vers son instauration, par une loi, comme un droit réel et opposable; celle du congé parental dans la formule piégeuse de l'initiative des Verts libéraux, un premier pas vers un véritable congé parental digne de ce nom (le combat va dès lors porter sur la loi d'application); celle sur l'imposition des multinationales, une vieille revendication de la gauche, qui ne combattait le projet que par désaccord sur la répartition du produit de cet impôt nouveau;  que la celle, enfin, du préavis municipal sur le plan localisé de quartier des Acacias, un premier pas, si (et seulement si) les conditions posées par le Conseil municipal sont respectées, vers une densification intelligente, même si le projet porte encore les stigmates du temps de son élaboration -le temps d'avant la prise de conscience de l'urgence climatique.

Nous ne sommes pas de celles et ceux qui se contentent de peu...

Revenons donc sur quelques uns des enjeux des votations de ce dimanche (on se garde la votation municipale sur le PLQ "Acacias 1" pour le dessert, demain)...

Trop chargée, l'initiative syndicale "1000 emplois" a succombé à Genève au matraquage de la droite et du patronat -et avait peut-être le défaut de brasser trop large : elle contenait un véritable programme politique général, et ainsi additionnait contre elle trop d'oppositions (à la création d'emplois, à la transition énergétique et environnementale, à la réduction du temps de travail, à la dépense publique) pour pouvoir y survivre. Or chacun de ces objectifs mérite, encore, que l'on en fasse une initiative (il n'y a rien à attendre d'un projet de loi, compte tenu de la majorité parlementaire dont Genève s'est affublée). Chacun était d'ailleurs dans le cahier de revendication de la Grève féministe de la semaine dernière -mais toutes celles qui ont manifesté ont-elles, si elles disposaient du droit de vote, soutenu l'initiative ?

L'initiative pour une contribution solidaire (et temporaire) des grandes fortunes au financement des réponses à l'urgence environnementale et à l'urgence sociale a elle aussi succombé dans les urnes -mais cette défaite, prévisible dans un canton qui cultive les grandes fortunes avec le même amour que les cardons de Plainpalais, et dont le corps électoral a accoutumé d'exiger à la fois plus de dépenses et moins d'impôts les finançant, fut honorable : sur ce métier là aussi, il va nous falloir remettre l'ouvrage -après tout, il aura quasiment fallu attendre une génération et une Guerre Mondiale pour que la revendication de la Grève Générale de 1918 de créer un impôt fédéral direct et progressif devienne réalité...

Le congé parental a été accepté dans la version proposée par les Verts libéraux et la droite, qui instaurera une obligation de cotiser pour le financer mais pas une obligation de l'employeur de l'accorder : imaginez qu'on procède de la même manière avec l'AVS... Ce vote, il nous faut le prendre pour un vote de principe, un vote de soutien au congé parental. Il n'était présenté que sous la seule forme choisie par la droite et contestée par la gauche, mais il ne pouvait donc être accepté que sous cette forme. Partie remise, donc...

Enfin, il y a la "loi Climat", acceptée sous une avalanche d'âneries déversée par l'UDC. Une loi bien en deçà du nécessaire, mais une loi tout de même utile, sur l'acceptation de laquelle on pourra s'appuyer pour combattre les dernières décisions du parlement fédéral sortant -et qu'on aurait assez hâte de voir sorti si on ne pouvait craindre que son successeur soit encore pire. Fin mai, le Conseil national a ainsi balancé 14 milliards sur les autoroutes, dont plus du tiers pour les élargir et les prolonger. Vous avez dit "urgence climatique" ? on vous répond "urgence routière", quand le transport est le plus gros émetteur de CO2 -le seul qui émet toujours plus... "Actif-trafiC annonce le lancement d'un référendum contre une extension autoroutière votée par le même parlement qui avait voté la "loi Climat" -le référendum comme remède à la schizophrénie, en somme. Et le PS a lancé une initiative pour un "fonds climat", finançant la transformation écologique de la Suisse.

Le peuple souverain (et majoritairement abstentionniste, ce qui est son droit de souverain -les rois fainéants n'étant pas moins rois d'être fainéants) a donc sacralisé dimanche les politiques des petits pas contenue dans la plupart des objets soumis au vote. Il ne faudrait cependant pas que les petits pas faits çà et là nous dissuadent d'en proposer de plus grands. Après tout, c'est bien ainsi que depuis deux siècles on s'approche du suffrage universel : pas à pas -et chaque pas fut le résultat d'années de luttes, et parfois même de révolutions. Les droits politiques ont été conquis par les hommes propriétaires indigènes, puis étendus aux non-propriétaires, puis aux pauvres, puis, communes après communes, cantons après cantons et finalement au niveau fédéral aux femmes, puis, çà et là, à des étrangers et des étrangères. Il en ira sans doute ainsi des réponses à donner aux urgences sociales et environnementales : nous ne sommes pas de celles et ceux qui se contentent de peu...


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