La politique culturelle, un enjeu oublié des élections fédérales

 

Pas essentielle, la culture ?

Nous étions le 3 Fructidor, c'était le jour du millet, et nous haranguions le passant depuis le toit d'un camion de pompier, après un ranz des vaches sans vaches. Qu'est-ce qu'on avait à vendre ? Qu'est-ce qu'on cherchait à fourguer ? Pour quelle paroisse, quelle secte, prêchait-on ? On n'avait rien à vendre. Rien, ni personne. On ne cherchait pas à fourguer quoi que ce soit. On ne prêchait rien. On ne faisait que s'étonner à haute voix que dans le catalogue des enjeux dont les sondages nous disent que les gens de notre pays se préoccupent, il y en a un qui manque presque toujours : le soutien à la culture. Comme si ça comptait pour rien, la culture, la politique culturelle, les actrices et les acteurs de la culture, les artistes, les interprètes, les créateurs et les créatrices... et le public... Comme si les activités culturelles étaient non essentielles... c'est ce qu'on en avait dit au moment du covid... Pas essentielle la culture, en effet, à une fourmilière ou une termitière. Mais à une société humaine ?

Pourquoi soutenir la culture ? Parce que !

Nous, nous voulons que les collectivités publiques, toutes les collectivités publiques, les communes, les cantons, la Confédération, soutiennent la création culturelle, la représentation culturelle, les acteurs et les actrices de la culture, les travailleuses et les travailleurs du secteur culturel. Et les soutiennent toutes et tous (sans privilèges)... et tous ces endroits qui, comme la Nouvelle Comédie telle que la décrivent son codirecteur et sa codirectrice sortants dans le supplément du "Temps" de samedi : "un endroit qui porte une certaine idée de la démocratie culturelle, qui facilite l'accès d'un lieu d'art à celles et ceux qui ne s'y sentent pas légitimes. Parce que la culture est un droit".

Alors, qu'est-ce que ça peut bien vouloir dire, "soutenir la culture" ? Soutenir quoi, soutenir qui, et comment ? Pourquoi ce soutien ? D'ailleurs, est-ce qu'ils et elles le méritent, ces cultureux et ces cultureuses ? Parce que c'est vrai qu'ils sont chiants. Ingrats. Toujours à récriminer, à revendiquer, à manifester. Jamais contents. Toujours à cracher dans la soupe qu'on leur a servie...

Mais  si c'était justement pour ça qu'il fallait les soutenir ? Et les soutenir toutes et tous, et soutenir tous leurs lieux. Et toutes leurs expressions ? Soutenir ceux qui nous empêchent de dormir comme ceux qui nous bercent.
Soutenir les gros, les moyens, les petits. Le Grand Théâtre et l'AMR, la Nouvelle Comédie et l'Usine. l'Orchestre de la Suisse Romande et les musiques actuelles, et les orchestres baroques. Le théâtre de mots et le théâtre de gestes, et le Théâtre des Marionnettes.
Soutenir les biens payés, les mal payés, les pas payés du tout.
Soutenir les metteurs en scènes géniaux et les éclairagistes syndiqués.
Soutenir les organisés et les inorganisés, les collectifs et les solitaires. Et la production culturelle indépendante.

C'est cela, la politique culturelle. Est-ce qu'elle est de gauche, est-ce qu'elle est de droite ? On s'en fout. Sauf qu'il y a d'un côté ceux qui, comme nous, se battent pour une  politique qui ne choisit pas les bons cultureux contre les mauvais cultureux, et qu'il y a un face ceux qui veulent trier. Nous, nous ne voulons pas trier. Nous sommes pour une "politique de l'arrosoir" qui ne choisit pas ce qu'elle arrose. Qui arrose les lys et les mauvaises herbes...

Au fond, c'est quoi, le choix ? C'est  accorder des moyens au plus grand nombre d'acteurs possibles, ou les concentrer sur quelques-uns. Qu'on choisira à partir de critères exclusifs. En triant. En privilégiant et en excluant. Et en produisant une culture officielle. 
Nous, on aime bien les mauvaises herbes. Il fut un temps où Genève fut comme une sorte de "capitale européenne du sqat", avec 160 lieux occupés, dont nombreux furent non seulement des lieux de logement, mais aussi de socialisation et de création : des bars, des théâtres, des salles de concert, des ateliers, des espaces d'exposition et de débat... ces lieux sociaux et culturels alternatifs, parallèlement aux lieux institutionnels ont élargi l'espace de la création, de la représentation, enrichi la culture, renouvelé le paysage culturel genevois. Qui serait bien triste sans cet apport.

Pourquoi soutenir la culture ? Parce que !

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