Le parlement genevois autorise
les EMS à interdire le suicide assisté
Le 1er septembre, le Grand
Conseil genevois a voté l'abrogation d'un article de la Loi sur
la santé, l'article 39A, qui exclut que les établissements
médico-sociaux (EMS) et médicaux privés et publics (EMPP)
puissent refuser à l'un ou l'une de leurs résidents une
assistance au suicide. Désormais, donc, ces établissements
pourraient refuser à un.e résident.e un droit qui, en Suisse,
leur est garanti, et qui relève de leur liberté personnelle,
dans ce qu'elle a de plus fondamental : le droit, la liberté
d'être maître de sa vie -et donc de sa mort. Le pire, dans
l'épisode genevois, est que les députés qui ont commis cette
décision ne s'en sont même pas rendus compte, ou n'en ont pas
mesuré la portée. EXIT a donc décidé de lancer un référendum
pour garantir l'accès au suicide dans les EMS et les EMPP. On ne
saurait trop vous inviter à le signer (des feuilles de
signatures sont téléchargeables sur
https://www.exit-romandie.ch/files/1695653419-re-fe-rendum-page-signatures-4506.pdf)
Notre mort nous appartient, à nous seuls.
"Sain de corps et d'esprit, je me tue avant
que l'impitoyable vieillesse, qui m'enleva un à un les
plaisirs et les joies de l'existence et qui me dépouilla de
mes forces physiques et intellectuelles, ne paralyse mon
énergie et ne brise ma volonté et ne fasse de moi une charge à
moi-même et aux autres" (Paul
Lafargue, 1911)
C'est une toute puissance que celle de pouvoir
mettre fin à sa propre vie : Dieu lui-même ne le peut pas -Il ne
serait plus l'Eternel s'Il le pouvait. Nous, nous le pouvons.
Nous pouvons donc faire ce qu'Il ne peut faire, et sommes donc
plus puissants que le Tout Puissant : "la vie dépend de la
volonté d'autrui, la mort de la nôtre". C'est cette volonté que
consacre le droit à être assisté dans son suicide, même si, en
Suisse, cette assistance n'accompagne que 1,8 % de toutes les
morts enregistrées dans le pays (en 2020), et si elle
s'accompagne de toute une série de conditions, de normes, sans
empêcher sa reconnaissance en principe par la société : tout
droit individuel proclamé par le Droit positif est d'ailleurs
conditionnel, celui-là ne fait pas exception...
Le droit de l'être humain de
disposer librement de sa personne, de son corps et de sa vie est
reconnu en 2011 par la Cour européenne des droits de l'homme à
tout individu "en mesure de former librement sa volonté", et considéré comme "l'un des aspects du droit au
respect de sa vie privée". Quarante ans après la création
d'Exit, l'assistance au suicide serait-elle devenu un acquis, un
droit opposable, légal et légitime ? Formellement, la loi
suisse, depuis 1942, ne prévoyait déjà plus aucune sanction
contre celui ou celle, suisse ou étranger, aide quelqu'un à
mettre fin à ses jours... L'assistance au suicide est donc
parfaitement légale, contrairement en Suisse à l'euthanasie.
Notre droit de nous tuer atteste
de notre droit de vivre : il faut être vivant pour pouvoir se
tuer. D'une certaine manière, moins paradoxale qu'il y paraît,
je me tue, donc je vis... Mais que vivais-je avant de me tuer ?
je vivais sans doute comme on me disait qu'il fallait vivre : en
étant aussi heureux que possible... mais si la plupart d'entre
nous peuvent répondre à ces injonctions à vingt ou trente ans,
quel sens ont-elles quand on en a quatre-vingt ? Ou cent ? Et
que vaut l'injonction de "prendre soin de soi", quand on est
malade ou handicapé ? et celle d'être autonome, efficace et
mobile quand on dépend des soins des autres pour survivre ? Et
que vaut-on quand on ne répond plus à aucune des nomes sociales
en vigueur ?
Si pour Camus la question du
suicide était la seule question importante, c'est parce que
cette question est celle qui pose le plus crûment, le plus
clairement, la question de la liberté. La question du suicide
est peut-être une question sociale, la réponse à cette question
n'est, et ne peut-être, que personnelle, individuelle, égoïste
au sens philosophique du terme : elle est le geste qu'on fait ou
ne fait pas pour se donner la mort. Ce n'est pas la société qui
dès lors décide, c'est l'individu. Dans un procès récent,
l'avocat d'Exit a plaidé ce droit de chacun de décider de vivre
ou de mourir : "nous ne sommes pas dans une société clanique où
d'autres peuvent décider à notre place" si nous devons
continuer ou cesser de vivre. Il y a un droit de vivre, il y a
un droit de mourir, et ce droit est irréductiblement personnel.
Cependant, le droit personnel au
suicide, et le droit subséquent de recevoir assistance pour se
suicider, non seulement n'exclut pas le devoir collectif de
rendre plus belle la vie, plus supportable à ceux à qui elle
pèse, plus vivable en somme, mais il complète ce devoir, et ce
devoir le complète. On est là dans deux ordres différents, celui
du droit irréductiblement individuel à choisir de vivre ou
mourir, et celui du devoir collectif de rendre la vie possible.
Possible, pas obligatoire. Le choix de mourir ne doit d'ailleurs
souvent rien à une dépression : il peut être conscient,
volontaire, délibéré rationnellement (avec soi-même, avant de
l'être avec d'autres). A quoi d'ailleurs renvoie cette
identification si fréquente du suicide à la dépression, et
l'aide au suicide à un encouragement à mourir ? A
l'inconsidération de celles et ceux qui font le choix de mourir.
A la conviction qu'ils sont incapables d'avoir faire un "vrai
choix" , et que le choix qu'ils ont fait ne tient qu'à un gros
coup de cafard. Bref, à leur irresponsabilité. Parce qu'il est
responsable de devoir vivre quand on n'en a plus envie ? Et
qu'il est irresponsable de préférer se donner la mort quand on
veut plutôt que la recevoir quand elle veut, elle ? A qui ma
vie appartient-elle ? A qui appartient
ma mort ?
Nous ne nous sommes pas donnés la
vie. Nous avons le droit de nous donner la mort, et de demander
assistance pour cela. Et n'avons aucune raison, aucune
justification, aucune explication à en donner ni aucune
autorisation à en demander. Notre mort nous appartient, à nous
seuls, c'est la seule propriété privée qui ne devrait souffrir
d'aucune contestation. D'en disposer nous console de tout, et
nous renforce face à tout. Notre vie ne vaut rien si nous ne
pouvons y mettre fin. Et personne ne peut faire ce choix à notre
place, nul ne peut légitimement prendre la vie d'un autre en
otage, fût-ce pour conjurer sa propre peur de la mort.
Nul, pas même un parlement. Surtout quand il ne savait pas même ce qu'il faisait.
Intéressant votre apologie du suicide assisté, d’autant plus que je suis dans les âges où ce problème commence très sérieusement à se poser, pas en théorie, mais en pratique.
RépondreSupprimerPar contre votre référence à Dieu, l’Eternel, le Tout Puissant me paraît bien saugrenu. « Dieu lui-même ne le peut pas ». Il faudrait qu’il existe pour le pouvoir.