Fonds de tiroir

 L'idée d'une commission parle-mentaire d'étudier la possibilité (l'idée d'étudier la possibilité : on est prudent...) d'inscrire un «troisième genre» autre que masculin ou féminin, donc) à l'état-civil ne sé-duit pas les Suisses et Suissesses, si on en croit un sondage Tamedia de mai dernier. C'est curieux, on pouvait penser que les Suisses n'avaient rien contre le neutre... Selon le sondage, 67% des personnes interrogées s'opposent à un «troisième genre», 35% en soutiennent la possibilité. Les femmes, les jeunes, les urbains et la gauche lui offrent un plus fort soutien. 48 % des sondés trouvent en revanche que c'est une bonne idée de permettre un changement de pré-nom ou de sexe à l'état civil, mais autant s'y opposent, avec le même clivage entre jeunes et vieux, urbains et ruraux, gauche et droite. De forts clivage renaissent quand on deman-de aux sondés ce qu'ils pensent de l'absence de limite inférieure d'âge pour changer de sexe (72% le réprouvent) et de l'autorisation donnée aux femmes transgenres ou intersexuées de concourir dans des épreuves sportives fémi-nines (71% s'y opposent).  63% des sondés (50% des femmes) s'opposent à la promo-tion d'une candidate plutôt que d'un candidat, et 64% s'opposent (également 50% des femmes, contre 44% des hommes) aux quotas de femmes dans les postes de cadres en entreprise. A ces deux questions, cependant, les femmes de gauche donnent des majorités accep-tantes. Bon, ben comme disait le pré-sident Mao, la moitié du ciel a encore du chemin à faire dans le ciel... Il disait pas ça ? Il aurait dû...

On a lu ça dans la «Julie» du 1er juin: «Les Suisses s'insultent de plus en plus» et l'injure a pris en 2022 la troisième place des motifs de condamnation (4012), après la violation de domicile (5289) et les vols (6331). Le nombre de condamnation pour injures a presque triplé en quinze ans. Et on s'injurie à tout âge. En revanche, 80% des injurieurs condamnés sont des hom-mes. La professeure de droit Ursula Cattani relève une «banalisation de l'injure dans le langage», mais l'ancien procureur gé-néral vaudois Eric Cottier suggère qu'on porte plus souvent plainte pour injure. Bon, l'injurieur ne risque pas grand'chose (90 jours amende au maximum, généralement avec sursis, et la sanction moyenne tourne autour de 15 jours), mais sa condamnation est quand même inscrite au casier judi-ciaire. Reste la question: qu'est-ce qui est une injure et qu'est-ce qui ne l'est pas? et quelle injure vaut quelle con-damnation? le papier de la «Tribune» donne des éléments de réponse: «pute», «fils de pute», «connard», «salope» sont bien des injures mais «bonne à rien» aussi (on masculinisera ou fémi-nisera ces épithètes comme on veut, ça restera des injures). Et monter son cul aussi. Pour le tarif, si ce n'est que cinq jours pour «crevure » ça atteint vingt-cinq pour «grosse pute» et trente quand on invite quelqu'un à aller «se faire foutre» mais un homme qui avait traité un politicien de «crimi-nel», d'«imbécile» et de «sale menteur» a été acquitté en 2018, le tribunal esti-mant que les politiciens devaient «vivre avec» ce genre d'invectives. Un photographe animalier qui avait qua-lifié les chasseurs neuchâtelois d'«assas-sins», de «tueurs» et de «nuisibles» a également été acquitté car il ne visait personne en particulier, mais condam-né à 30 jours pour un «pan dans le cul et bien profond!». Voilà. On ne sait pas si le capitaine Haddock aurait été condamné. Ni si ces précisions nous seront utiles pour l'exercice de notre mandat politique.

Depuis le 1er juin, les communes genevoises, villes et villages, ont de nouveaux et nouvelles maires. Encore que quelques-uns et quelques unes ne soient pas si nouveaux ou nouvelles que cela, puisqu'à Genève, la Mairie, dès que la commune a plus de 3000 habitants, ellede main chaque année, par rotation entre les membres de l'exécutif. Bref, il y a 45 maires à Genève, dont 24 sont issu.e.s de formations purement communales, 9 du PLR, 6 du Centre, quatre du PS (à Carouge, Confignon, Grand Saconnex et Meyrin)  et trois des Verts (à Genève, Chêne-Bougeries et Vernier). On n'en tirera aucune conclusion sur la force respective des partis, mais on saluera fraternellement Stéphanie, Jean-Michel, Elisabeth, Alfonso, Michel, Nathalie et Mathias. A vous de coller sur chacune et chacun l'étiquette politique qui convient, on va pas vous mâcher tout le boulot, merde, quoi...

« »« »Le 30 mai, une réunion d'informa-tion sur les propositions de la Ville de Genève de changements (et de fémi-nisation) de noms de rues était or-ganisée, en présence notamment du Conseiller administratif Alfonso Gomez. «Une assez forte délégation de l'avenue Krieg (qui devrait s'appeler l'avenue Yvette Z'Graggen) était là pour clamer son refus du change-ment», une autre de la place des Alpes pour désapprouver le choix de lui donner le nom de Grisélidis Réal, lisait-on dans «Le Courrier».  pour-quoi étaient-ils opposés à ces chan-gements de noms? Après tout, il y avait plus de raison d'honorer Yvette Z'Graggen, écrivaine (entre autres) que Philippe-Jacques Krieg dont le seul titre de gloire fut d'être Conseiller municipal et adjoint au Maire des Eaux-Vives après la restauration, et il y avait déjà une rue des Alpes et un passage des Alpes... Ben, si les opposants s'opposaient, c'est qu'il leur faudrait changer leurs papiers d'iden-tité, leurs cartes de visite et leur papier à lettre... un drame. Sauf qu'un chan-gement de nom de rue n'oblige pas à changer de papier d'identité, que l'ancien nom subsistera et qu'il suffira donc d'épuiser les stocks de cartes de visite et de papier à lettre. Autant dire que tant que les oppositions aux changements de rues et à leur fé-minisation seront de ce niveau, on s'autorisera à clamer «vive Yvette Z'Graggen et Grisélidis Réal !»... et Rosette Wolczak, dont le nom serait donné à la rue Beaulieu. Rosette Wolczak, c'est une adolescente juive de 15 ans, qui arrive à franchir la frontière à Genève en septembre 1932, est internée à l'école des Cropettes, abusée par des soldats de garde), accusée de les avoir incités à la débauche, refoulée en France, arrêtée, déportée à Auschwitz. On ne sait pas si des opposants oseront dire pourquoi ils s'opposent à ce qu'une rue de Genève porte le nom d'une réfugiés dont la dernière adresse fut le crématoire de Birkenau.

Le 1er juin, Pierre Maudet prêtait serment au Temple de Saint-Pierre, pour son retour au Conseil d'Etat. La veille, il avait été condamné à 300 jours-amende (avec sursis) pour «acceptation d'un avantage» (son fameux voyage à Abu Dhabi). La photo de la prestation de serment de Maudet aux côtés du Procureur général Jornot nous avait fait sourire... Et quand on lit que Trump risque d'être condamné pour l'une ou l'autre des multiples inculpations qu'il traîne mais quand même être élu, on se sent empli d'une légitime fierté : une fois de plus, Genève est précurseuse.  


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