Manifestations samedi contre la hausse des primes maladie et pour une caisse publique unique

Un système malade à soigner

Gauche de la gauche, Verts, socialistes, syndicats et Avivo appellent à descendre dans la rue samedi 14 h devant la poste du Mont-Blanc à Genève et place de l’Europe à Lausanne pour dire «non» à la hausse des primes maladie pour 2024, fixée à 9,1% pour Genève et 9,9 % dans le canton de Vaud, et pour l'instauration d'un moratoire sur ces augmentations récurrentes. Ils s'agit aussi de manifester pour l'instauration d'une caisse unique publique, avec des primes proportionnelles au revenu. Et de se préparer à soutenir l'initiative socialiste pour un plafonnement des primes à 10 % du revenu des assurés. Le premier malade à soigner, politiquement, dans ce pays, c'est le système d'assurance-maladie.

L'impuissance politique aussi, ça se soigne. Politiquement, et électoralement.

En vingt ans, les primes de base d'assurance maladie ont augmenté de 159% à Genève, et de plus de 100 % en moyenne suisse, ce qui incite les assurés à contracter une assurance assortie d'une franchise très élevée qui leur interdit l'accès au remboursement des soins qu'ils reçoivent et des médicaments qui leurs sont nécessaires. En cette période d'inflation, de hausse des loyers, de l’électricité, de l'alimentation, les quelques miettes d'indexation des salaires accordées par les employeurs ne compensent pas la hausse des primes d'assurance, qui frappent particulièrement les bas revenus. Ces primes qui chargent les ménages et les personnes les plus modestes, ou l'Etat quand les assurés ne peuvent plus les payer (130'000 Genevoises et Genevois reçoivent des subsides pour payer tout ou partie de leurs primes, ce pour quoi l'Etat a déjà déboursé 602 millions de francs cette année)...

Or ces primes qui écrasent les ménages les plus modestes, et même une partie de la fantômatique "classe moyenne",  sont fixées, comme leur augmentation par des groupes privés, dont les dirigeants roulent sur l'or et le platine,. On est dans un système où comme le rappelle le Conseiller national Christian Dandrès, "la caissière paie autant que le président de Roche», et donc, proportionnellement à son revenu, beaucoup plus (les plus bas revenus peuvent ainsi payer jusqu'à... mille fois plus que les plus hauts, proportionnellement aux revenus des uns et des autres). On est bien, comme le résume l'ex-députée d'Ensemble à Gauche Jocelyne Haller, dans un "système de fous", dont plus des deux tiers des Romands et des Romandes veulent, selon un sondage récent, sortir par l'instauration d'une causse unique et publique. Et peu importe qu'elle soit nationale ou se concrétise par un maillage de caisses cantonales publiques -ce sera toujours mieux qu'un oligopole de caisses privées. Même le Grand Conseil genevois, le plus à droite depuis au moins 50 ans, a voté hier soir la demande d'en étudier le prjet

Dans "Le Matin Dimanche", le directeur d'une faîtière des assurances-maladie, Pius Zängerle (de Curafutura) accusait les cantons d'être responsables de la hausse des coûts de la santé en concoctant chacun dans leur coin leur propre planification hospitalière -mais ce sont eux qui paient les hôpitaux publics...  La semaine suivante, la ministre vaudoise de la Santé, Rebecca Ruiz, répondait au patron de caisse : si les cantons décident de leur planification hospitalière, c'est qu'ils sont les mieux à même de connaître les besoins de la population. Et qu'on ne voit pas pourquoi les assureurs donneraient "le la dans tous les dossiers sanitaires".

A chaque augmentation des primes, les assureurs et leurs porte-valises en rendent responsable les cantons et les assurés : si les primes augmentent, c'est que les coûts de la santé augmentent, et si les coûts de la santé augmentent, c'est que les assurés exagèrent dans les demandes de soins. Or les assurances ne remboursent déjà, entre franchises et prestations non remboursées par l'assurance de base (les soins dentaires, par exemple) qu'une partie des dépenses des assurés. En réalité, ce qui coûte le plus cher au système de santé, ce sont les assurances, leur oligopole (six caisses sur les 50 existantes encaisses les primes de la majorité des assurés) et leurs représentants au parlement. Et ni les unes, ni les autres, ni leurs représentants politiques aux Chambres fédérales, n'entendent lâcher ce juteux morceau.  Il y a un mois, la majorité parlementaire de droite du Conseil des Etats, puis du Conseil national, adoptait un contre-projet indirect, non soumis au peuple, à l'initiative socialiste pour un plafonnement des primes à 10 % du revenu, alors qu'elles peuvent représenter jusqu'à 20 % de celui des assurés les plus modestes quand ils tiennent à les payer eux-mêmes sans avoir recours à des subsides, qui ne leur sont pas partout accordée automatiquement (certains cantons les ont même réduit). La franchise maximale (pour les adultes) 2500 francs a été choisie par 25 % de plus d'assurée en 2022 qu'en 2018, celle de 600 francs pour les enfants suivant une courbe comparable -mais comment fait-on, pour payer une franchise de 2500 francs quand on est au minimum AVS avec des prestations complémentaires -autrement dit, quand la franchise est égale au revenu mensuel ?

On votera donc sur l'initiative socialiste, que le parti a maintenue. Si elle était acceptée, le contre-projet bidon de la droite se retrouverait là où il mérite d'être : à la poubelle. Mais si l'initiative était refusée, c'est ce contre-projet bidon qui entrerait en vigueur. Et les cantons devraient passer à la caisse pour 356 millions, ce qui ne saurait que ravir les caisses : ce qui les intéresse, c'est d'encaisser des primes les plus élevées possibles, et peut leur chaut que ce soit les assurés qui les paient, ou les cantons, par des subsides...

Aujourd'hui, de plus en plus nombreuses sont les personnes qui renoncent à se faire soigner parce qu'elles ne peuvent pas payer leur part des soins. Cet évitement économique du médecin n'a qu'une conséquence : l'aggravation de l'état des malades, l'augmentation du coût de leur prise en charge, et, globalement, mécaniquement, des coûts de la santé -qui vont donner prétexte aux caisses pour augmenter encore les primes. Ce cercle est plus que vicieux, il est pervers. Ce système malade est profitable à l'oligopole des caisses privées que défend bec et ongles la majorité parlementaire.Mais  Son pivot, le PLR, n'hésite pas à proposer une assurance-maladie à deux vitesses, une vitesse pour les pauvres et une autre pour les riches, qui couvrirait ce que ne couvrirait pas celle des pauvres : finie, la solidarité entre jeunes et vieux, bien portants et malades... 

Vous a-t-on dit qu'il était temps d'en changer, de ce système ? Sans doute. Mais on vous le redit quand même. Alain Berset, dans le "Matin Dimanche", dément avoir été "le ministre de l'impuissance" face à cette perversité. Mais l'impuissance politique aussi, ça se soigne. Politiquement, et électoralement.

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