Fonds de tiroir

 A Genève, si Mauro Poggia est en tête (de moins de 800 voix) du premier tour de l'élection du Conseil des Etats, il est talonné par la candidate et le candidat de la gauche, Lisa Mazzone et Carlo Sommaruga. Le  «ticket» de la droite pour le deuxième tour sera MCG (Poggia) et UDC (Amaudruz). On se réjouit d'avance d'entendre le Centre appeler à voter contre la liberté de circulation... Ce sera en tout cas la première fois que l'UDC et le MCG ne serviront pas de porteurs d'eau au PLR et au Centre, mais le PLR et le Centre de porteurs d'eau à l'UDC et au MCG...

Avant que tombent les résultats des élections de dimanche, «Le Matin Dimanche» pouvait sans grand risque annoncer que «le plus grand parti de Suisse» sera celui des abstentionnistes. Mais c'est une ânerie : les abstention-nistes, par définition, ne forment pas parti. Reste que depuis 1971 (intro-duction du droit de vote des femmes au plan fédéral), l'abstention est passée de 45 à 55 , et qu'elle atteint % chez les moins de 25 ans (alors que les plus de 65 ans vote à plus de 60 %). Les abstentionnistes voteraient-ils que cela changerait quoi aux résultats ? sans doute pas grand'chose : quand on leur demande pour quel parti ils auraient voté s'ils y étaient contraints, leurs réponses correspondent grosso modo à la répartition des suffrages entre les partis existants... D'ailleurs, ils n'y a guère que 20 % d'abstentionnistes systématiques : 80 % du corps électoral vote, même s'il n'élit pas forcément. Il ne vote pas toujours, mais il vote quand la question posée le titille : il y a eu près de 60 % de participation lors de votes sur l'initiative contre les pesticides ou pour une «immigration modérée»... Et comme le résultat des fédérales laisse présager un recours accru, par la gauche, aux référendums et aux initiatives, on aura largement l'occasion de compenser la faible participation aux élections par une forte participation aux votations. C'est qu'on y croit, nous, à la démocratie directe...

A Genève, les socialistes sont, en suf-frages lors de l'élection du Conseil natinal, le premier parti du canton, et en tête dans toutes les villes. En Ville de Genève, il n'y a que trois arron-dissements, (Champel, Cité-Rive, Flo-rissant, bastions traditionnels de la droite dans lesquels le PS n'est pas en tête. Et si le Centre et les Verts libé-raux tombent en dessous du quorum imposé pour les élections cantonales et municipales, toutes les listes de la gauche de la gauche totalisent, en-semble, un peu plus que les 7 % de suffrages de ce quorum. La gauche de la gauche n'en pas moins trouvé le moyen de perdre son siège genevois (et d'en faire perdre un à la gauche) en dispersant ses suffrages sur cinq listes. Et comme elle a aussi perdu son siège neuchâtelois, elle ne sera donc plus représentée au Conseil national, pour la première fois depuis la fin de la Guerre Mondiale. On n'en dirait rien de plus que «Requiescat in pace» si on était méchants, mais on est gentils. Alors on se contente de dire que des défaites peuvent être aussi porteuses d'enseignement que des victoires. Et de rappeler à nos camarades d'En-semble à Gauche et de l'Unité Popu-laire que le dernier parlement gene-vois où ils sont encore représentés est le Conseil municipal de la Ville, qu'ils y sont par un groupe où siègent ensemble des membres d'EàG et de l'UP, et que les élections municipales, c'est dans un an et demi...

Tous les media ont fait leurs titres sur la «chute» des Verts, leur «débâcle»... en oubliant de rappeler que leur recul cette année se fait par rapport à leur résultat historique d'il y a quatre ans, (comme d'ailleurs la progression de l'UDC se fait par rapport à son mauvais résultat de 2019). En fait, les Verts font le deuxième meilleur résultat de l'histoire, après leur bond de 2019. Et comme dirait Newton, quand on fait un bond, faut s'attendre à retomber... Ben voilà, c'est fait...

Lors de la dernière législature fédérale, la députation genevoise était à parité de genre: six femmes, six hommes. La nouvelle députation sera majoritai-rement féminine, le siège de la gauche de la gauche ayant été perdu. Au plan fédéral, la représentation des femmes régresse également, avec le recul des Verts. Un pas en arrière après cinquante ans de pas en avant, quoi..

Le 14 juillet, la  «Tribune de Genève » posait cette question titillante:   «Pourquoi certains seniors sont-ils si odieux en ligne?»... Et la  «Julie» de préciser que  «les boomers (personnes nées entre 1945 et 1960), qui s'expriment -et, pour certains, dérap-ent- sur nos plate-formes numériques sont nombreux» et, ajoute la pré-sidente de la Commission fédérale contre le racisme (CFR), Martine Brunschwig Graf, on aurait tort de croire les seniors  «moins connectés que les jeunes». A quoi elle aurait pu aussi ajouter (ce qu'elle n'a pas fait, parce qu'elle est polie) qu'ils peuvent être tout aussi cons. D'ailleurs, la culture internet a inventé un terme pour qualifier certains d'entre eux: les  «boomers trolls». Ils n'ont évidem-ment pas été inventés avec l'internet, mais les réseaux sociaux leur donnent un moyen d'exprimer la hargne qu'ils exprimaient sans doute avant au bistrot. Eh ouais, faut pas croire qu'on est déconnectés quand on a plus de 65 ans... ni d'ailleurs qu'on est devenu plus intelligent que quand on en avait vingt ou trente. Comme disait notre tonton philosophe,  «quand on est con, on reste con». C'est-y pas rassurant, cette fidélité à nous-mêmes ?

L'un des enjeux de ces élections était celui de la troisième place au classement des forces politiques natio-nales: l'UDC était indéboulonnable de sa première place, le PS avait assuré sa seconde place, mais qui du PLR, du Centre ou des Verts allait prendre la troisième, garantie pour le PLR du maintien de son second siège au Conseil fédéral, espoir pour le Centre d'en obtenir un deuxième et pour les Verts d'en obtenir enfin un? Il doivent être déçus, les «centriste»s: les résultats définitifs corrigés des erreurs de l'Office fédéral de la statistique maintiennent le PLR en troisième position derrière l'UDC et le PS, et le Centre en quatrième position derrière le PLR. Tout ça pour ça ? Ben ouais, on fait du bruit avec ce qu'on peut...



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