De quoi Macron est-il le nom ? ou de qui ?
"Français, encore un effort pour être
républicains"
Le remaniement du gouvernement français, plus
encore que la nomination d'un nouveau Premier ministre, rend
plus évident encore le virage politique vers la droite qu'avait
déjà manifesté l'adoption d'une loi sur l'immigration adoubée
par le Rassemblement national et les Républicains, puisque
contenant nombre de leur exigences. On retrouve donc dans ce
nouveau gouvernement, outre les poids lourds de l'aile droite de
la macronie (Le Maire, Darmanin...), qui espéraient chacun de
leur côté être nommés là où Attal l'a été, une ancienne
ministre de de la Justice de Sarkozy et leader de l'opposition
municipale de droite à Paris, Rachida Dati, une autre ancienne
ministre de Sarkozy, Catherine Vautrin, et un ancien conseiller
de Sarkozy, Emmanuel Moulin, a été imposé à Attal comme chef de
cabinet...
Macron avait été élu en 2017 sur un discours "ni
gauche, ni droite" et une promesse de renouveau démocratique. Un
discours désormais obsolète (on est dans le "ni gauche, ni
gauche") et une promesse sans résultat : les projets de réforme
des institutions qu'il avait présentés en 2018 et 2019
(réduction du nombre de parlementaires, introduction de la
proportionnelle, limitation du cumul des mandats) se sont
heurtées à la majorité de droite du Sénat. Dans le débat du
deuxième tour de la présidentielle de 2022, Macron avait reconnu
avoir "échoué (...) à faire la réforme constitutionnelle qu'il
voulait, mais se disait toujours convaincu de la nécessité de
"rénover" la démocratie française, en s'appuyant sur un "Conseil
national de la refondation" formé d'élus, de citoyens tirés au
sort, de représentants des forces politiques, des grandes
organisations et associations économiques et sociales. Il en
attend qu'elle définisse les pistes vers l'indépendance
industrielle, militaire et alimentaire, le plein emploi, la
neutralité carbone et l'égalité des chances, en repensant les
services publics. Il comparait ce "Conseil national de la
refondation" au "Conseil national de la Résistance" de la Guerre
mondiale, pas moins : "nous vivons un temps comparable. Nous
sommes dans une ère historique qui impose de changer
profondément de modèle, et puis, la guerre est là" (celle
d'Ukraine). Mais les partis politiques d'opposition, leurs élus,
les syndicats et un grand nombre d'associations avaient, en
septembre, refusé de participer aux premières discussions du
nouveau Conseil, certains rappelant qu'il existe déjà un Conseil
économique et social. Et le choix de Macron, imposé à la
Première ministre sortante, de négocier avec la droite une loi
d'immigration démagogiquement xénophobe, dont on s'attend à ce
que le Conseil constitutionnel censure plusieurs dispositions,
qui a provoqué la démission du ministre de la Santé, déchiré le
camp présidentiel et suscité une mobilisation de la société
civile qui se traduira par des manifestations dimanche et le
dimanche suivant, à l'appel de la France Insoumise, des Verts,
des collectifs de sans-papiers et des syndicats CFDT et CGT.
La présidence Macron scelle la dévaluation de la
fonction de Premier ministre : le chef de l'exécutif, c'est le
président de la République, le chef du gouvernement n'est, tout
au plus, que celui de la majorité parlementaire. Or la
Constitution de la Ve République prescrit le contraire (art. 20)
: "Le gouvernement détermine et conduit la politique de la
nation"... une disposition désormais vaine, ce que la
coïncidence du mandat présidentiel avec celui du parlement
confirme. Formellement, la Ve République n'était pas un régime
présidentiel. Réellement, elle l'est devenue -mais ce n'est pas
le fait de Macron, s'il en hérite et en profite : "la France a
une tradition de culture politique autoritaire", rappelle
l'historien Pascal Ory. Elle a même inventé la démocratie
autoritaire, "illibérale", avec le bonapartisme, cette
conjugaison d'une souveraineté populaire au moins symbolique,
passant par les plébiscites, et d'un pouvoir central fort.
Napoléon est adoubé par plébiscite, Napoléon III est d'abord élu
président de la République au suffrage universel (masculin).
Aujourd'hui, Macron ne fait qu'utiliser les institutions créées
par De Gaulle, et qui sont en Europe occidentale les seules à
donner à un chef de l'Etat plus de pouvoirs qu'à un chef de
gouvernement. Sarkozy l'a résumé : le président décide, le
Premier ministre exécute, alors qu'ailleurs en Europe, le chef
du gouvernement décide et le président ratifie, et qu'en Suisse,
où il n'y pas vraiment de chef d'Etat, le gouvernement et le
parlement ne font en réalité que proposer, le peuple acceptant
tacitement ou se prononçant par référendum, obligatoire ou
d'initiative populaire.
Macron attend de la nomination de Gabriel Attal
qu'elle régénère son deuxième (et dernier) mandat, et du
remaniement droitier du gouvernement qu'il affaiblisse
l'opposition de droite, sans renforcer l'opposition de gauche.
On y chercherait en vain un souffle démocratique et républicain
-juste de petites manoeuvres politiciennes, pour permettre
l'adoption de mesures qui sont au programme du nouveau
gouvernement de droite de la France : la reprise en lois
spécifiques des dispositions censurées de la loi sur
l'immigration, des économies de 12 milliards d'euros au nom de
la réduction de la dette, l'affaiblissement des dispositions de
la loi sur le Travail protégeant les salariés et
l'affaiblissement du régime d'indemnisation des chômeurs, et des
lois sur les soins palliatifs et la fin de vie qui se heurtent
encore à l'opposition de la majorité du Sénat.
"Français, encore un effort pour être républicains", leur intimait Sade -qui ne l'était guère, lui, républicain, sinon dans ce discours... Macron et Attal devraient le relire, plutôt que tenter de parodier la "Philosophie dans le boudoir" (qui contient ce discours) en "Sophismes dans les salons" -ceux de l'Elysée et de Matignon.
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