Election présidentielle américaine : In God we vote ?

Sur les plus de quatre milliards d'électrices et d'électeurs qui seront conviés à des élections dans 70 pays cette année, il y a les Américains. Pour une élection  présidentielle dont, contrairement à d'autres (en Russie, par exemple), on ne peut guère préjuger du résultat.  La nuit dernière, dans le blizzard et avec une participation étique, le caucus de l'Iowa, la première des 50 désignations du candidat républicain préféré dans chaque Etat des USA, a comme tout le monde s'y attendait choisi (à 51 % des suffrages) Donald Trump. Et tout le monde s'attend à ce que ce soit Trump qui, au final, soit le candidat républicain pour l'élection présidentielle de l'automne, et qu'il s'oppose au président Biden, représenté pour un nouveau mandat. Match revanche de l'élection de 2020 ou retour des morts-vivants ? Le candidat démocrate, le président sortant, a passé les 80 ans et le candidat républicain, le président sorti, s'en approche. Quatre fois inculpé, et déjà deux fois condamné, Trump avait trois concurrents et une concurrente, et il lui fallait une victoire écrasante sur elle (avec 51 % des suffrages contre les 49 % des autres, l'est-elle ?) et eux pour paraître invulnérable -du moins dans son propre camp, avant la pluie de procès qui menace de s'abattre sur loi d'ici l'élection -et même après l'élection. Il risque, théoriquement, vingt ans de prison. Les Etats-Unis, eux, risquent quatre ans de Trump. Tant pis pour eux si tel est leur choix : ils auront le président qu'ils méritent., celui dont les partisans les plus exaltés proclament qu'il voteront pour lui parce que c'est Dieu qui leur a dit de le faire -ce qui ne plaide guère en faveur du Tout Puissant.

"Dieu s'exprime souvent par l'intermédiaire de personnes en déchéance"...

"La crise démocratique aux Etats-Unis représente aujourd’hui la plus grande menace pour notre sécurité", car ce sont les Etats-Unis qui sont "les garants de l'ordre pacifique actuel", estime le chercheur Lars-Erik Cederman, de l'Ecole Polytechnique fédérale de Zurich. Et l'avocat français Laurent Cohen Tanugi ne dit pas autre chose quand il avertit que "l'élection présidentielle américaine sera l'évènement le plus déterminant de l'année pour la démocratie" -non seulement pour la démocratie américaine, si relative qu'elle soit dans le cas de l'élection présidentielle, qui peut aboutir à l'élection d'un président battu dans les urne, mais pour la démocratie dans le monde.  Lorsqu'il était président, Trump déclarait à un responsable de l'OMC qu'il avait trois adversaires : l'OMC elle-même, l'Union Européenne et l'OTAN... ni la Chine, ni la Russie, ni l'Iran n'y sont... Hors des Etats-Unis, ceux qui espèrent éviter le retour de Trump prient pour une victoire de Biden, ceux qui espèrent affaiblir les USA rêvent d'une victoire de Trump. Poutine et Netanyahou  l'espèrent, l'un (que Trump admire ouvertement) parce qu'il pourrait signer la fin de l'aide militaire à l'Ukraine, l'autre parce qu'il laisserait la droite et à l'extrême-droite israéliennes annexer la Cisjordanie, ou, ce qui revient au même, laisser y progresser sans retenue la gangrène de la colonisation.

En face de Trump, on a Biden, qui voulait replacer les "valeurs" de la démocratie américaine, pour le moins abîmées par Trump, au centre de sa politique étrangère. Quelles "valeurs" ? l'Etat de droit, la démocratie représentative, le respect des droits individuels, le multilatéralisme... et l'économie de marché. Il ravive ainsi le projet d'une Amérique culturellement hégémonique, exportant sa propre conception de la démocratie -au besoin par la force et en ignorant superbement les mêmes "valeurs" au nom desquelles on l'exporte : Biden avait soutenu l'invasion de l'Irak en 2002...  "La démocratie d'abord" est bien plus un élément de discours à l'égard de la Chine ou de la Russie qu'un socle de politique étrangère, et apparaît plutôt comme un slogan défensif face aux contre-modèles autoritaire russe ou totalitaire chinois qu'un projet offensif. Et la Raison d'Etat s'impose au projet démocratique : "America is back" n'est pas contradictoire d'"America first", il faut renforcer les USA pour contrecarrer la Chine...

On estime à carrément 50 % de la population américaine potentiellement alphabétisée (ce qui en excepte les plus petits enfants et les personnes atteintes de troubles les privant de la capacité de lire) la proportion d'analphabètes fonctionnels, autrement dit de personnes qui savent lire, mais n'arrivent pas, ou très mal, à comprendre ce qu'elles lisent dès que le texte dépasse un niveau de simplicité basique. D'où le succès des tweets de Trump. On a également aux USA 40 % de créationnistes prenant la Genèse biblique à la lettre. Et autour de 45 % des électrices et électeurs qui disent vouloir participer à la présidentielle disent vouloir voter pour un candidat inculte, irresponsable, égocentrique et mégalomane. Finalement, il y a peut-être de la cohérence dans tout cela : comme dit le directeur de l'organisation évangélique "Family Plats", Bob Vander Plaats, "Dieu s'exprime souvent par l'intermédiaire de personnes en déchéance"...


Commentaires

  1. Vous dites "la démocratie est un élément de discours contre la Chine". C'est absolument vrai, mais ce 'est pas nouveau. La RDA, les démocraties populaires s'en servaient à tort et à travers.
    Autre élément de discours: la République, Les Valeurs. On ne sait plus ce que ces mots veulent dire, des clichés utilisés à toutes les sauces.

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