Fonds de tiroir

 La télé suisse romande (mais on ne sait pas précisément qui a pris cette décision...) a décidé de retirer de sa programmation un film (ou plusieurs, peu importe le nombre) dans lequel ou lesquels joue Gérard Depardieu, avec comme argument qu'une partie de son public à elle, la RTS, pourrait se sentir choqué, voire plus, qu'on ne réagisse pas à la confirmation par un  «Complément d'enquête» sur France2, en décembre, que le Gégé se comporte avec les femmes comme un gros connard, voire un agresseur sexuel. Mais venant d'une télé publique au sein de laquelle des comportements de harcèlement sexuel, pour le moins, ont été révélés et dénoncés, cette déprogrammation est d'une parfaite hypocrisie, et surtout d'une stupidité et d'une inculture insignes. Alors quoi ? un film de Pialat, de Duras, de Resnais, de Sautet, de Goretta, de Téchiné, de Monicelli, de Truffaut, de Wajda (et on en passe) serait dégradé, moralement répré-hensible, parce que Depardieu y a joué ? Et on ne va plus programmer Le Quai des Brumes de Carné ou le Goupi Mains Rouges de Becker parce qu'y a joué Robert Le Vigan, antisémite obsessionnel et nazi revendiqué ? Ne plus jouer Gesualdo dans un concert parce qu'il a assassiné sa femme et l'amant de sa femme, ni Wagner parce qu'il était antisémite et le compositeur préféré de Hitler? Purger les bibliothèques municipa-les des oeuvres de Villon, de Sade, de Céline, voire d'Aragon, et les musées de celles du Caravage et de Picasso ? On peut être un grand acteur et un gros connard, on n'est pas obligé d'être un gros connard pour être un grand acteur. Depardieu a un com-portement dégueulasse avec les femmes (mais avec les sans-grade, les stagiaires, les débutantes, le petit personnel, pas avec celles qui sont à son niveau de notoriété, pas avec les stars...). Un comportement de potentat qui exerce son pouvoir sur celles qui n'en ont pas. On ne s'étonnera donc pas qu'il soit défendu corps et âme (si âme il y a) par l'extrême-droite française (et par Poutine). Mais c'est lui, et son comportement de gros connard à qui on laissait tout passer parce qu'il était l'acteur phare du cinéma français, qui doit être sanctionné -pas des films qui ne sont pas de lui, même quand il y joue : déprogrammer un film, c'est déprogrammer son réalisateur, son scénariste, son dialoguiste, tous ses acteurs, toute son équipe technique, le compositeur de sa musique et les musiciens qui la joue. Un film, c'est une oeuvre collective qui ne se résume pas au nom d'un acteur.  «Sous le soleil de Satan», c'est un film de Pialat, pas de Depardieu.  «Danton», c'est un film de Wajda, pas de Depardieu.  «La femme d'à côté», c'est un film de Truffaut, pas de Depardieu. La TSR interdirait donc Pialat, Wajda et Truffaut pour qu'on ne voie Gégé dans l'écran ? C'est une connerie. Qui ne répond qu'à une autre connerie, un texte navrant ( «N'effacez pas Gérard Depardieu», comme s'il s'agissait de cela), pondu par un militant d'extrême-droite, victimisant Depardieu, signé par des artistes dont certains avouent ne pas avoir lu le texte qu'ils signaient ni savoir d'où il venait. Cette tribune (et l'hommage ridicule de Macron à Depardieu,  «immense acteur» qui fait  «la fierté» de la France)  en a suscité en contre-offensive trois autres, la dernière proclamant que  «l'art n'est pas un totem d'impunité» (ce qui d'ailleurs vaut pour un Depardieu comme pour un Lupa).  Eh non, l'art n'est pas un totem d'impunité. Et l'artiste pas un tabou. Mais une télé publique, ni une bibliothèque publique, ni une salle publique de concert, ni un musée public, ne sont des tribunaux. Ni leur public un troupeau d'imbéciles. On commence à en finir avec les monstres sacrés. Il était temps. Mais pas temps de rouvrir les index.

L'Office cantonal genevois de stati-stique communique qu'au troisième trimestre 2023, l’augmentation du nombre de frontaliers étrangers actifs dans le canton se poursuit : +0,6% par rapport au trimestre pré-cédent).  A fin septembre, le canton de Genève enre-gistrait 104'480 frontaliers étrangers actifs. Et un Conseiller aux Etats MCG. On ne sait pas s'il y a un rapport de cause à effet ni quoi est la cause de quoi.

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