Une majorité d'Israélien favorables à la création d'un Etat palestinien ?

 

L'hirondelle et le printemps

Certes, un sondage ne fait pas le printemps palestinien, ni israélien, mais celui commandé par l'Initiative de Genève à l'institut Mano Geva dissipe l'impression d'une unanimité des Israéliens derrière le jusqu'au-boutisme du gouvernement : une majorité des personnes interrogées est favorable à un accord liant la libération des otages du Hamas au retrait des troupes israéliennes de Gaza et à l'ouverture de négociations en vue de la création d'un Etat palestinien démilitarisé en Cisjordanie et dans la bande de Gaza. Ce faisant, cette majorité (de 51,3 %, contre 28,9 %) des personnes interrogées se rangent derrière la position (récente, et pas étrangère à un calcul électoral) de l'administration étasunienne, de l'Egypte et du Qatar, liant précisément la négociation d'un cessez-le-feu à une solution durable du conflit israélo-palestinien, solution durable consistant en la solution "à deux Etats" (Israël et Palestine), dans un rapport de force très inégal entre eux puisque l'un serait armé (et même surarmé) et l'autre désarmé... ce qui condamne ce projet à se heurter $ l'opposition résolue du Hamas, du Hezbollah et de leurs parrains...

"Pas en notre nom"

Les contradictions au sein du cabinet de guerre israélien, qui mène l'opération contre Gaza, sont désormais publiques, s'exprimant ouvertement dans les media : le général Gadi Eisenkot, ancien chef d'état-major, issu de l'opposition centriste, est allé, le 18 janvier, jusqu'à appeler à des élections législatives anticipées "afin de renouveler la confiance du public parce qu'à l'heure actuelle il n'y a  aucune confiance" -lui-même se refusant à dire s'il l'accorde à Netanyahou, mais rappelant qu'il avait contribué à empêcher l'ouverture d'un second front au Liban contre le Hezbollah, exprimant son espoir que le Premier ministre ne soit pas en train de prolonger le conflit afin d'assurer sa survie politique, et laissant même dire à son entourage qu'il considérait Netanyahou comme un danger pour la sécurité nationale. "Les buts de guerre n'ont pas été accomplis", "ceux qui parlent d'une défaite totale du Hamas ne disent pas la vérité", assène le général Eisenkot, qui a perdu son  fils et son neveu à Gaza, et qui estime que de nouvelles élections sont nécessaires "dans les mois qui viennent". Si tel devait être le cas, tout semble indiquer que ce serait Benny Gantz qui les gagnerait -mais pour faire quoi ? avec quel projet politique pour Gaza et la Palestine ? Non seulement le gouvernement d'Israël n'envisage pas de mettre fin à la colonisation de la Palestine, mais des milliers d'anciens colons de Gaza qui ont été contraints d'en partir en 2005 (les premiers d'entre eux 'y étaient installées dans les années '70) rêvent d'y revenir. Ces implantations étaient certes illégales au regard du droit international, mais elles avaient été maintenues après la première intifda, et même après les accords d'Oslo. Elles s'étaient transformées en bastions, et n'ont été démantelées que sur décision, purement pragmatique, du gouvernement d'Ariel Sharon. Qui ne passait pas précisément pour un ami des Palestiniens.

Le sort des 130 otages qui restent (ou restaient, puisque certains d'entre eux sont peut-être morts) aux mains du Hamas depuis le 7 octobre fait particulièrement clivage : le gouvernement assure qu'ils ne peuvent être libérés que grâce à une pression maximale sur le Hamas, les autres, dont l'état-major, les généraux Eisenkot et Benny Gantz, craignant l'enlisement à Gaza pendant des mois alors que les otages ne peuvent attendre, et estiment qu'ils ne pourront être libérés qu'après un accord avec le Hamas, permis par un arrêt des combat pendant une période "significative" -une trêve, pas la fin de la guerre. Ces divergences au sein du cabinet de guerre font écho à celles de la société civile (alors que les oppositions du centre et de la gauche se refusent à exprimer publiquement leur défiance en le gouvernement, ce que l'extrême-droite, qui prône le nettoyage ethnique de Gaza et sa recolonisation, n'hésite par contre plus à faire, alors qu'elle ne pèse que 5 % de la population mais qu'elle domine le débat politique, en l'absence d'une prise de parole claire de la gauche) : les familles d'otages ont manifesté devant la villa de Netanyahou, des milliers de manifestants ont réclamé son départ le 19 janvier, trois après que les habitants du kibboutz Beeri, évacué, ont exigé devant la Knesset que les responsables politiques reconnaissent leur responsabilité dans la catastrophe du 7 octobre, ce à quoi Netanyahou se refuse -en revanche, il charge les généraux... et s'en prend à l’administration américaine qui fournit à Israël les munitions dont il a besoin pour sa guerre, mais ne cache plus son souhait de voir le Premier ministre et son gouvernement de droite et d'extrême-droite quitter le pouvoir.  Aux USA, le soutien presque inconditionnel de l'administration Biden (comme les précédentes) à Israël (mais plus à so gouvernement) mobilise, contre lui : fin octobre, des milliers de juifs et juives antisionistes ont occupé la gare centrale de New York en scandant "pas en notre nom". Des centaines d'entre elles et eux ont été arrêtés.

Il est sans doute plus facile d'arrêter des manifestants à New-York que de lâcher un gouvernement israélien qui ne tient que par une alliance avec une extrême-droite qui ne prend plus aucune précaution oratoire pour défendre son projet d'épuration ethnique de la Palestine...

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