Fonds de tiroir

 Le Directeur de la Poste n'aime pas que la Poste distribue le courrier dans les boîtes aux lettres: mi-octobre, Roberto Cirillo envisageait qu'à la place du facteur déposant du courrier aux habitants, on ait un serveur distribuant des fichiers dans des mail-box. Et de donner l'exemple navrant du Danemark où le courrier n'est plus distribué qu'une fois par semaine, en attendant qu'il ne le soit plus du tout.  Et Cirillo d'estimer que le servi-ce numérique devrait «aussi faire partie du mandat de service universel de La Poste». Le «aussi» laisse supposer que le service de distribution physique soit maintenu, mais on peut craindre que ce ne soit qu'une prudence de langage. On rappellera quand même que dans «service universel» il y a «universel», et que donc les gens qui n'ont pas de boîte aux lettres élec-troniques et n'utilisent pas internet, et qui en ont parfaitement le droit, doivent aussi pouvoir recevoir du courrier. C'est quand même pas trop compliqué à comprendre pour un directeur général de la Poste payé plusieurs centaines de milliers de francs par an. Des vrais francs suisses, pas des JPG de faux francs CFA...

La révolte paysanne en France, en Allemagne, en Angleterre a à peine fait tache d'huile en Suisse, où tout au plus s'est-elle traduite par la mise à l'envers des panneaux d'entrée et de sortie des localités. Parce qu'en Suisse, le secteur agricole est si bien représenté, voire sur-représenté, au parlement, et si puissant dans les procédures d'élaboration des lois, qu'il n'a pas besoin de bloquer les autoroutes. En France comme en Suisse, le «monde agricole» est toutefois plus divisé qu'on croit, entre la FNSEA à droite et la Confédération Paysanne à gauche, et en Suisse Uniterre à gauche et l'Union Suisse des Paysans à droite. Et en France comme en Suisse, entre les gros paysans et les petits, les industriels et les vrais paysans cultivateurs ou éleveurs (ou les deux à la fois), les pesticidophiles et les bios. En revanche, il ne semble pas y avoir en France une présence parlementaire des paysans aussi forte qu'en Suisse, où moins il y a d'agriculteurs dans la population active, plus il y en a aux Chambres fédérales: ils détiennent un siège sur dix au Conseil natronal (ils sont surtout centristes ou UDC, et parfois PLR) alors qu'ils ne constituent qu'un quarantième de la population active, et leur poids aux Chambres fédérales a quadruplé depuis la création de l'Etat fédéral moderne en 1848... et ils sont aussi sur-représentés dans les délibératifs et les exécutifs des communes et dans les parlements cantonaux (ils représen-tent presque 20 % des élus au Grand Conseil vaudois, pour presque dix fois moins de paysans dans la population active). Dès lors, ils n'ont effective-ment pas besoin, pour se faire entendre, de manifestations et de révoltes à la française : il leur suffit de se faire élire (en 2022, plus de la moitié des paysans candidats à des élections cantonales ont été élus) et de faire leur boulot institutionnel... et de devenir des notables, après, souvent, être des propriétaires terriens devenus entrepreneurs -comme les dirigeants de la FNSEA française... N'empêche, bloquer les autoroutes, comme les Français, c'est un truc que les écolos font aussi. Et comme on les soutient quand ils le font, ou qu'ils combat-tent la construction de nouvelles autoroutes, on voit pas pourquoi pas on soutiendrait pas les pezouilles quand ils le font aussi. Tout en gueulant contre les écolos.

On retrouve dans le (gros) paquet des trucs à lire qui roupillent depuis des mois sous la table de la cuisine ce papier de GHI du 18 octobre, titré «Anières: une commune qui veut rester rurale»... Anières, «l'une des communes les plus riches de Suisse», est, dit l'article, «profondément rurale»... ah ouais? Sur (en gros) 2500 habitants, y'a combien de paysans à Anières, et combien de bourges friqués travaillant en ville ?


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