Genève : Une grosse envie de propriété privée sur des terrains publics

 

Pire qu'une privatisation : une dépossession.

Le périmètre Praille-Acacias-Vernets (PAV) est l'un des projets les plus étendus de mutation urbaine (passage d'une zone industrielle et artisanale à une zone essentiellement de logements, dans un ratio de deux logements pour un emploi) en Europe, et le plus étendu depuis longtemps à Genève. De quoi susciter bien des envies, des espoirs, des attentes : il porte sur 140 hectares, il prévoit 12'400 logements nouveaux, dont jusqu'à 12 % en propriété par étage en droit de superficie. C'est cette proportion que la droite veut doubler, en rompant l'accord passé et ratifié par le peuple en 2018 (à une majorité de 61 %). Elle veut aussi faire passer les propriétés par étage en propriété pleine et entière. Et soustraire, dans le même mouvement, des terrains aux collectivités publics et des logements à la location. Plus qu'une privatisation : une dépossession.


Droit au logement ou droit à la propriété foncière ?

En 2018, le peuple genevois s’est prononcé en faveur d'une limitation de la part de propriété par étages (PPE) dans le périmètre du PAV et d'un accroissement du nombre de logements à loyers abordables pour le plus grand nombre. De toute évidence, les milieux immobiliers n'ont accepté cette proportion, issue d'un accord ratifié par le peuple, qu'avec la ferme intention de le saborder dès que possible. Et donc, à leur service, les partis de droite veulent à la fois augmenter la part de la propriété par étage, et en faire une pleine propriété.


Les logements en PPE en pleine propriété balzacienne, le magazine des milieux immobiliers "Immoscope" nous assure qu'ils répondront "à un besoin prépondérant d'intérêt général". Vraiment ? Examinons les prix avancés par le même magazine : un prix de vente "proche" de 6800 francs le mètre carré. Soir 408'000 francs pour un trois pièces (on est à Genève, en un trois pièces, c'est un deux pièces plus cuisine), 544'000 pour un quatre pièces (3 pièces + cuisine), 680'000 francs pour un cinq pièces (4 pièces + cuisine). Soit, respectivement, entre 100'000 et 163'000 francs de fonds propres. Le "besoin prépondérant d'intérêt général" évoqué par les milieux immobiliers se réduit donc à l'envie de la part de la population qui peut sortir entre 100'000 et 163'000 balles de ses réserves. C'est-à-dire, en gros, 20 % de la population. On  voit bien l'intérêt, beaucoup moins bien en quoi il serait "général"... Et quand les partisans des deux projets de loi soumis au vote populaire se mettent à comparer le coût mensuel (pour l'acheteur) d'un appartement en PPE avec le loyer mensuel d'un appartement en location, ils prennent soin de le faire avec un appartement en loyer libre, alors que les appartements qui seront offerts au PAV seront des LUP.


Quel est le but de la politique du logement ? le droit au logement ou le droit à la propriété foncière privée ? "La PPE en droit de superficie n'est pas de la PPE, car il lui manque l'élément essentiel de la propriété du terrain", lit-on dans le magazine des milieux immobiliers"Immoscope". Et c'est vrai que c'est ce qui intéresse les milieux immobiliers : la propriété du terrain. Le logement, en soi, ils s'en foutent : c'est le terrain qui les intéresse. Parce que c'est sur le terrain qu'on peut spéculer. Si on le maîtrise. Or en droit de superficie la maîtrise du sol reste publique, l'Etat louant (en quelque sorte) le terrain dont il reste propriétaire aux propriétaires des appartements, qui lui versent une rente (que la droite veut, au passage, plafonner à un niveau inférieur à la valeur du sol). Les milieux immobiliers et leurs porte-valise parlementaires proposent en outre qu'à la fin du droit de superficie l'Etat doive racheter les appartements en PPE au "prix du marché" d'un logement en pleine propriété alors qu'ils auront été payés par leurs propriétaires initiaux bien en dessous -y'a pas de petits profits : elle est là, grande ouverte, la porte à la spéculation...

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