A Genève, le 9 juin, on votera sur les conditions de travail et de salaire dans le secteur de la petite enfance

Pas de crèches au rabais !

La majorité de droite (du Centre au MCG en passant par le PLR et l'UDC) du parlement genevois avait voté fin juin un assouplissement des conditions de travail et de salaire dans le secteur de la petite enfance : l'autorisation d'exploiter une crèche non municipalisée ne serait plus conditionnée au respect du salaire minimum établi par les usages de la branche, c'est-à-dire, concrètement, par la convention collective signée par la Ville de Genève, mais au respect de n'importe quel salaire minimum établi par une autre convention collective, ou du statut du personnel d'une collectivité publique, ou du salaire minimum légal (auquel les mêmes partis politiques s'opposaient, et qu'ils veulent affaiblir). Or l'usage de la Ville de Genève prévoit pour le personnel de la petite enfance des salaires supérieurs à tous ceux prévus par ces autres textes.  Un référendum a été lancé par la gauche syndicale et politique contre la modification de la loi votée par la droite, et a abouti. On votera le 9 juin, contre des crèches au rabais.

Le coup bas de la droite genevoise

Le secteur genevois de la petite enfance assure un service et des prestations désormais indispensables à des milliers de familles : en 2023, 12'400 enfants d'âge préscolaire (âgés donc de plus de 4 mois et de moins de 4 ans) sur les 21'000 dénombrés dans le canton ont fréquenté une structure d'accueil collectif de la petite enfance sur le territoire cantonal : 9265 enfants en crèche et 3135 en jardin d'enfants, soit une offre de 38 places pour 100 enfants d'âge préscolaire. Pour assurer cet accueil, 3390 personnes (très majoritairement des femmes) sont employées dans des différentes structures, publiques ou privées, du secteur, la majorité d'entre elles ont moins de 40 ans. C'est aux conditions de travail et de salaire de ces milliers des travailleuses et de travailleurs que s'est attaquée la droite genevoise, et qu'entendent défendre les syndicats et la gauche en ayant lancé et fait aboutir un référendum contre la loi votée par la droite, pour qui il s'agit en modifiant la loi sur l'accueil préscolaire de favoriser la création de crèches privées plutôt que publiques, soi-disant pour répondre au manque de places (il manque 3200 places dans le canton pour satisfaire la demande, dont un millier de places en Ville). L'offre privée de places d'accueil de la petite enfance ne représente qu'une faible partie de l'offre globale. Du coup, le raisonnement de la droite est simple, simpliste, même, et surtout mercantile : pour favoriser la création de crèches privées, il faudrait leur permettre de moins bien payer leur personnel que les crèches publiques alignées sur l'usage de la Ville, alignement que l'auteure du projet de la droite, la PLR Barbier-Muller considère comme une "ingérence dans le marché". Or la Convention collective de la Ville, négociée avec le partenaire social (les syndicats) ne prévoit pas des salaires délirants : 35,75 francs de l'heure pour une éducatrice, 29 francs 20 pour une assistante socio-éducative, 31 francs 85 pour les auxiliaires. A comparer avec le salaire minimum légal (24,32 francs de l'heure). Même la nouvelle Conseillère d'Etat Anne Hiltpold, en charge du préscolaire au niveau cantonal, a plus que des doutes sur le projet de sa camarade de parti, lui rappelle que le personnel concerné est essentiellement féminin, et souhaite une revalorisation de sa fonction plutôt qu'une dévaluation de son salaire. Quant aux syndicats, ils répondent, comme le SIT, que la réponse à la pénurie ne saurait consister à s'attaquer au salaire des femmes (surtout) et des hommes travaillant pour la petite enfance. Les pertes de salaire que pourrait provoquer la mise en oeuvre du projet de la droite atteindraient de 500 à 800 francs par mois pour un temps plein... sans créer une seule place d'accueil en crèche ou en jardin d'enfant, mais en dégradant les conditions d’accueil et d'encadrement des enfants, sans même que cela fasse baisser les tarifs de cet accueil puisqu'ils sont fixés, pour les crèches subventionnées et les crèches municipales, en fonction du revenu des parents, pas du salaire du personnel... et pour les crèches privées non subventionnées en fonction d'un critère de rentabilité, qui pousse leurs tarifs à la hausse jusqu'à les rendre inaccessibles aux familles les moins aisées,

Et si finalement le coup bas de la droite genevoise n'était pas un lancer de boomerang et ne remettait pas en pleine évidence le seul projet capable de répondre aux difficultés des crèches : leur municipalisation ?

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