Système de retraite : un deuxième pilier parasitaire

 

Samson et la LPP

Pour renforcer durablement l'AVS et améliorer ses prestations (et pas seulement financer le 13e rente approuvée par le peuple), la Jeunesse socialiste et la gauche de la gauche proposent le renforcement de l'AVS en supprimant les deux autres piliers du système de retraite, la prévoyance professionnelle (2e pilier) et l'épargne vieilesse volontaire (le 3e pilier). supprimer le troisième pilier n'a guère de sens, puisque, précisément, il s'agit d'une épargne volontaire qu'on ne peut interdire. En revanche, la suppression du 2e pilier, c'est-à-dire le basculement de ses fonds dans ceux de l'AVS et la fusion partielle de ses cotisations avec celles de l'AVS a d'autant plus de sens que la prévoyance professionnelle est discriminatoire, à l'encontre des femmes, des travailleuses et des travailleurs à temps partiel et des salaires très bas, que les rentes qu'il verse diminuent (elles ont baissé de 13% en vingt ans), qu'elle coûte 63 milliards (sans compter les 47 milliards de fonds de libre-passage transférés dans les caisses LPP chaque année) et que si les cotisations AVS servent à payer des rentes, les cotisations LPP servent à grossir les fonds d'investissement des assureurs privés, et des réserves qui dépassent le millier de milliards... Que, ou qui, nous manque-t-il pour tirer la nécessaire conclusion de cette situation connue de tous ? Un Samson, non pour écarter les deux piliers du système, mais pour coller le second au premier...

La seule réforme du système de retraite qui vaille

De quand nous vient le système suisse actuel de retraite ? D'il y a 52 ans. Certes, l'AVS, revendiquée déjà en 1918 par la Grève générale, a été instituée en 1948, mais c'est en 1972 que le peuple suisse a ratifié en votation la proposition du gouvernement et du parlement d'instaurer le système de retraites à trois pilier. Il choisissait donc de privilégier la "prévoyance professionnelle" (2e pilier) aux "retraites populaires" proposées par e Parti du Travail. Le Parti socialiste et les Syndicats s'étaient alors alliés à la droite contre la gauche de la gauche, sur la foi des promesses faites par le Conseil fédéral, mais déjà considérablement ratiboisées par la droite majoritaire, d'un système assurant aux retraités des rentes équivalant au moins, AVS et LPP additionnées,  à 60 % du dernier salaire. Première promesse non tenue. Deuxième promesse non tenue : l'adaptation des rentes au renchérissement. En outre, le 2e pilier, conçu sur fond de division patriarcale des rôles (le père au boulot, la mère aux marmots), reproduit, quand il ne les aggrave pas, les inégalités entre femmes et hommes _ les rentes des premières sont de plus d'un tiers inférieures à celles des hommes) alors que la rente médiane, femmes et hommes ensemble, est déjà plus basse que celle de l'AVS, pourtant plafonnée.

Le "premier pilier" est universel : tout le monde y a droit, et son financement est solidaire : les actifs financent les rentes des retraités et des invalides, et si le montant des prestations est plafonné, celui des cotisations est proportionnel au salaire. Mais  si, constitutionnellement, ce "premier pilier", celui de l'AVS et de l'AI, est supposé garantir la couverture du minimum vital des rentiers (invalides, retraités, veufs et veuves), en réalité il est fixé à un niveau qui n'atteint qu'exceptionnellement celui de cette couverture. Le "deuxième pilier" devrait suppléer à ce manque, mais comme tout le monde n'en dispose pas, et qu'une partie de celles (surtout) et de ceux qui en disposent n'en tirent que des rentes insuffisantes, des prestations complémentaires, qui sont un droit, sont nécessaires.

Le "deuxième pilier", celui de la prévoyance professionnelle, n'est ni universel ni solidaire, mais il est obligatoire dès que le salaire dépasse un certain niveau. Il s'agit en fait d'une épargne obligatoire, qui produit un capital qui, au moment de la retraite du cotisant, lui sera reversé en intégralité ou décliné en rentes. On comprend bien dès lors le soutien qu'ont apporté à son introduction les assureurs privés, et la campagne furieuse menée en 1972 par la droite et ce lobby des assureurs et des caisses de pension des employeurs privés contre l'initiative du Parti du Travail pour des "pensions populaires" dont l'instauration eût rendu superflue celle de la "prévoyance professionnelle" (le 2e pilier). Il faut dire qu'il leur a bien profité, aux assureurs privés, dans les vingt premières années de son existence : un vide juridique opportun (mais pas fortuit) leur a permis de se goinfrer vingt milliards entre 1985 et 2004, grâce à l'absence de comptabilité séparée entre les avoir vieillesse des salariés et ceux provenant d'autres activités, ce qui permet aux groupes contrôlant les caisses privées de placer l'argent des retraites sur les marchés et à en retirer des profits qui ne sont pas réaffectés aux retraites, mais à on ne sait quoi. Aujourd'hui encore, moins d'une dizaine de compagnies d'assurance-vie sont dans l'orbite de la LPP, qui accumule et place 1200 milliards de francs d'avoir-vieillesse. Le 2e pilier est rentable -pas pour les salariés, mais pour les caisses : chaque année, 10 % du chiffre d'affaire de la LPP finit dans les actifs des assureurs. 100 francs injectés dans l'AVS produisent 99 francs de rentes, 100 francs injectés dans le 2e pilier n'en produisent que 76 francs. Depuis plus de quinze ans, le 2e est en déficit réel chronique, et ne compense ce déficit qu'en puisant dans le rendement qui devrait être redistribués aux cotisants, et en baissant le taux de conversion du capital en rentes.

Quant au "troisième pilier", il n'est ni solidaire, ni universel, ni obligatoire : il ne s'agit que d'une épargne affectée à un complément de retraite (encore faut-il avoir les moyens d'épargner...). Laissons-le à qui a les moyens de se l'offrir -et affectons le deuxième au premier, les ressources de la LPP au renforcement de l'AVS : viendra bien, et le plus tôt sera le mieux, le moment où même la gauche la plus prudente, la plus hésitante, se rendra compte que cette réforme du système de retraite est la seule qui vaille. Du moins si on tient à disposer d'un système de retraite solide, universel et solidaire.

Commentaires

  1. L'idée de fusion est excellente. Elle permettrait certainement de meilleures rentes AVS. Par contre, sa réalisation me semble compliquée au point où ses opposants vont trouver mille et une raisons pour ne pas la faire. Je ne vois pas un gouvernement démocratique assez fort pour mener à bien un telle entreprise. Seule un gouvernement quasi dictatorial serait en mesure de concrétiser une telle fusion. J'espère que je me trompe.
    .

    RépondreSupprimer

Enregistrer un commentaire

Articles les plus consultés